2. Recommandations pour le dépistage systématique de la tuberculose-maladie dans les populations ciblées

Les présentes lignes directrices comprennent des recommandations en matière de dépistage systématique de la tuberculose-maladie élaborées pour des populations particulières, pour qui il a été estimé que les avantages et les effets souhaités du dépistage l’emportaient sur les effets néfastes potentiels.

Le dépistage systématique de la tuberculose-maladie peut soit être effectué pour l’ensemble d’une population (dépistage communautaire), soit cibler certains groupes à risque ou certaines sous-populations qui présentent un risque plus élevé d’exposition à la tuberculose, de développement de la tuberculosemaladie ou de conséquences néfastes de la tuberculose, ou toute combinaison de ces risques. Le dépistage systématique peut cibler tant les personnes qui veulent obtenir des soins de santé (avec ou sans symptômes ou signes compatibles avec la tuberculose) que celles qui n’en cherchent pas (parce qu’elles ne perçoivent pas qu’elles ont un problème de santé qui nécessite une prise en charge médicale, ou parce qu’elles rencontrent des obstacles qui les empêchent d’accéder aux soins, ou pour d’autres raisons). En outre, le dépistage peut permettre d’identifier les personnes à très haut risque de développer la tuberculose-maladie qui peuvent donc nécessiter un dépistage régulier, comme les personnes présentant une radiographie thoracique anormale compatible avec la tuberculose et chez qui la tuberculose n’a pas été diagnostiquée au moment du dépistage, ou comme les patients pour qui le TPT est recommandé. La combinaison du dépistage de la tuberculose et du dépistage des facteurs de risque de tuberculose peut aussi aider à cartographier aux niveaux individuel et communautaire les facteurs de risque, les comorbidités et les déterminants socio-économiques à prendre en compte pour prévenir efficacement la maladie

Les recommandations fortes sont formulées pour les sous-populations ou les groupes à risque pour lesquels il a été estimé que les effets souhaitables liés à la mise en œuvre des recommandations l’emportaient clairement sur les effets indésirables. Pour ces recommandations, le dépistage est jugé faisable, acceptable et abordable dans tous les milieux. Les recommandations conditionnelles sont formulées pour les groupes à risque pour lesquels les effets souhaitables du dépistage de la tuberculose l’emportent probablement sur les effets indésirables, mais où il n’existe pas de certitude concernant les compromis, le rapport coût/efficacité, la faisabilité ou l’accessibilité financière, ou toute combinaison de ces paramètres. Les causes de cette absence de certitude peuvent comprendre un manque de données probantes de qualité pour soutenir la recommandation, des preuves limitées du bénéfice lié à la mise en œuvre de la recommandation, des coûts élevés ou une faible faisabilité ou acceptabilité, ou toute combinaison de ces facteurs.

Il est important de diagnostiquer la tuberculose précocement dans les groupes qui ont une probabilité très élevée de tuberculose non détectée ou un risque élevé de mauvais résultats sanitaires, voire les deux, en l’absence d’un diagnostic et d’un traitement précoces, même si l’on ne dispose pas de données probantes directes du bénéfice lié au dépistage. C’est la raison qui a poussé à faire des recommandations fortes malgré le manque de données probantes de haute qualité pour certains groupes à risque. Toutefois, la priorisation doit aussi prendre en compte les risques associés au dépistage, notamment les diagnostics faussement positifs, le surtraitement et les coûts d’opportunité du dépistage en termes de besoins en ressources, tant dans les groupes à risque qu’en relation avec les autres interventions qui visent à améliorer le diagnostic, le traitement et la prévention précoces. Par conséquent, compte tenu du manque de données probantes de haute qualité comparant les avantages et les effets néfastes et détaillant le rapport coût/efficacité du dépistage dans bon nombre des populations concernées, une grande partie des recommandations formulées pour le dépistage de populations spécifiques sont conditionnelles.

Le degré d’incertitude sur les compromis entre les effets souhaitables et les effets indésirables varie selon les milieux et dépend de la situation épidémiologique et du système de santé. De ce fait, une recommandation conditionnelle dans les présentes lignes directrices signifie qu’il est nécessaire d’évaluer l’opportunité de suivre la recommandation pour chaque milieu et de prioriser le dépistage entre les groupes à risque dans le milieu concerné.

Pour les recommandations de dépistage de la tuberculose dans toutes les populations et tous les milieux, il convient d’offrir des conseils et des tests pour le VIH à toutes les personnes ayant une présomption de tuberculose-maladie. Dans les milieux où la prévalence du VIH est élevée, les conseils et les tests pour le VIH peuvent être offerts à toutes les personnes qui font l’objet d’un dépistage de la tuberculose (8). Les personnes chez qui le dépistage a détecté des symptômes ou des anomalies évocateurs de la tuberculose mais chez qui la tuberculose-maladie n’a pas été diagnostiquée doivent bénéficier de conseils et de soutien pour l’obtention de soins de santé si leurs symptômes persistent, apparaissent, réapparaissent ou s’aggravent. Si possible, ces personnes doivent se voir proposer un deuxième dépistage de la tuberculose.

Les personnes diagnostiquées comme atteintes de tuberculose-maladie par le dépistage doivent faire l’objet d’un examen et d’une évaluation de leur nutrition. Toute malnutrition doit être gérée conformément aux recommandations de l’OMS sur la prise en charge et l’assistance nutritionnelles pour les patients tuberculeux. Des préoccupations liées à la perte de poids ou à l’absence de gain pondéral doivent déclencher une évaluation nutritionnelle et des évaluations cliniques supplémentaires (p. ex. pour déterminer une éventuelle résistance aux médicaments antituberculeux, une mauvaise adhérence au traitement, ou des comorbidités) afin de déterminer les interventions les plus appropriées (9).

Le dépistage de groupes de population à plus haut risque de tuberculose est éthiquement justifié s’il est conçu et effectué dans le but d’améliorer la santé et le bien-être de la population et des individus. Il contribuera ainsi au bien commun et soutiendra le principe éthique de responsabilité. À ce titre, le dépistage doit toujours être effectué dans le but d’offrir des soins de santé à ceux qui en ont besoin, et jamais en vue d’exclure l’entrée ou l’emploi ou de discriminer des individus (10).

Toutefois, le dépistage de groupes de population basé principalement sur le risque soulève une série de questions d’éthique (10). Premièrement, la plupart des personnes qui se voient proposer un dépistage ne sont ni atteintes de tuberculose-maladie ni contagieuses. Les obligations éthiques sont donc différentes de celles associées aux tests sur les personnes qui cherchent à obtenir des soins parce qu’elles sont malades. Par exemple, l’absence de risque immédiat de transmission rend contraire à l’éthique le fait de restreindre les déplacements d’une personne à qui le dépistage a été proposé. Le refus de dépistage doit être respecté et ne doit pas introduire une quelconque discrimination. Un programme de dépistage ne doit pas créer d’inégalités dans l’accès aux soins pour la tuberculose-maladie ou toute autre raison.

Deuxièmement, un test de dépistage positif comporte des incertitudes. Des tests de confirmation doivent donc être disponibles pour garantir un parcours diagnostique efficace. Le consentement éclairé nécessite une communication efficace avec chaque personne au sujet de ces incertitudes (p. ex. résultat faussement positif, risque de surtraitement). Les mécanismes appropriés d’obtention d’un consentement éclairé doivent respecter les droits humains internationaux et tenir compte des différences de langue, de niveau d’alphabétisation et de statut juridique. Les risques et les incertitudes doivent être communiqués sous une forme culturellement et linguistiquement appropriée, y compris aux personnes dont la langue maternelle est différente de celle du milieu local, aux enfants et aux personnes incarcérées.

Troisièmement, la tuberculose affecte de manière disproportionnée des individus et des groupes qui sont déjà désavantagés par leur situation socio-économique, leur statut juridique ou la maladie, entre autres désavantages. Par conséquent, des efforts sont nécessaires pour garantir l’équité et les droits humains, afin que la vulnérabilité des groupes cibles ne permette pas que leurs droits soient bafoués ou n’empêche pas leur accès au dépistage et au traitement. Toute intervention en faveur de groupes vulnérables – tels que les migrants, les détenus et les enfants – doit comprendre des mesures visant à réduire au minimum le risque de stigmatisation. Un résultat positif à un test de dépistage – comme à un diagnostic de tuberculose confirmé – ne doit pas influer sur une procédure d’immigration ou être utilisé pour forcer une migration ou refuser l’entrée dans un pays. Un dépistage effectué à des fins de migration ou d’emploi doit respecter des principes éthiques ; cela doit être reflété dans les lois ou les autres réglementations politiques (10).

Les individus doivent se voir proposer le dépistage dans le strict respect des droits humains et des considérations éthiques (11). Les politiques doivent être évaluées d’un point de vue éthique par les personnes qui utilisent les lignes directrices. Après leur mise en œuvre, les avis et les expériences des populations concernées doivent être collectés, à la fois pour tenir compte d’éventuels effets inattendus et pour veiller à ce que les données probantes sur lesquelles elles reposent restent d’actualité et pertinentes (12). Des soins centrés sur la personne impliquent, entre autres considérations, qu’ils soient offerts d’une manière équitable sans désavantager davantage les populations vulnérables et marginalisées ; ils se concentrent sur les aspects du dépistage liés aux droits humains afin de disposer, dans les lois, les politiques et la pratique, de garde-fous adéquats pour réduire au minimum tout ajout de stigmatisation, de discrimination, de violation de l’intégrité physique ou de restrictions à la liberté de déplacement ; et les personnes qui se voient proposer un test et un traitement doivent comprendre les incertitudes associées, ce qui les aidera à prendre des décisions concernant les possibilités de soins. Les droits humains établis, tels que le consentement, l’absence de coercition et la confidentialité, doivent être respectés.

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