Chapitre 3. Écarter toute éventualité de tuberculosemaladie avant de proposer un traitement préventif de la tuberculose

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Point de décision sur la façon d’écarter toute éventualité de tuberculose-maladie avant de proposer un TPT

Comment l’éventualité d’une tuberculose-maladie peut-elle être écartée avec certitude dans des populations cibles identifiées admissibles à un TPT ?

Proposer un TPT à une personne atteinte de tuberculose-maladie peut retarder la guérison et favoriser une pharmacorésistance. Écarter tout risque de tuberculose-maladie avant de commencer un TPT est donc l’une des mesures essentielles dans l’enchaînement des soins préventifs de la tuberculose. Le présent chapitre présente les recommandations de l’OMS ainsi que les principales politiques et réflexions sur la mise en oeuvre dans l’élaboration d’algorithmes nationaux permettant d’écarter toute suspicion de tuberculose-maladie, en gardant à l’esprit les obstacles que des mesures supplémentaires pourraient générer et qui pourraient entraver la réussite d’un TPT. Ce processus a beaucoup en commun avec le dépistage de la tuberculose : mêmes groupes à risque, mêmes tests et mêmes principes de suivi. Les points de décision sont centrés sur le statut de séropositivité pour le VIH, l’obtention d’informations sur le passé de sujets contacts domestiques ou d’autres contacts étroits, d’autres facteurs de risque, l’identification de signes et symptômes évoquant une tuberculose selon l’âge de la personne, les résultats d’un test cutané à la tuberculine ou d’un test de libération de l’interféron gamma (IGRA) et la révélation d’une anomalie sur la radiographie pulmonaire. Avant de commencer un TPT, toute éventualité de tuberculose-maladie doit être écartée au moyen des outils disponibles, selon la situation et les politiques du pays. Une fois identifiées les populations à risque susceptibles de pouvoir bénéficier d’un TPT, le ministère de la santé doit choisir les méthodes de dépistage et de diagnostic les mieux adaptées à la population cible concernée. La recherche systématique de symptômes cliniques et la réalisation de tests auprès des populations cibles exige que l’on évalue les moyens d’action du système de santé et la disponibilité des ressources humaines et financières. Le programme devra mobiliser des fonds auprès de sources internes et externes pour répondre comme il se doit à ces besoins.

Dépistage de la tuberculose-maladie à partir des signes et des symptômes

S’appuyer sur un ensemble type de signes et de symptômes pour dépister une tuberculose-maladie présente plusieurs avantages. Premièrement, dans de nombreux pays, cette méthode garantit une grande sensibilité et une forte valeur prédictive négative, ce qui signifie qu’elle permet d’écarter de façon fiable une tuberculose éventuelle si aucune des manifestations cliniques n’est constatée (et même si la présence d’une seule de ses caractéristiques est peu spécifique de la tuberculose-maladie et pourrait être due à d’autres maladies). Deuxièmement, c’est une intervention simple, propre à toute consultation clinique, qui peut être reproduite aussi souvent que nécessaire, sans matériel particulier. Pour une plus grande précision, il est possible d’ajouter des examens complémentaires comme une radiographie pulmonaire et une recherche de symptômes.

Des données factuelles examinées par l’OMS au cours des dix dernières années, avant la mise à jour de ses lignes directrices, ont montré que :

• chez les personnes âgées de 10 ans et plus et vivant avec le VIH, l’absence de toux persistante, de fièvre, de perte de poids ou de suées nocturnes présentait une sensibilité de 79 % et une valeur prédictive négative de 97 %.

• chez les nourrissons et les enfants vivant avec le VIH, l’absence d’une faible prise de poids, de fièvre, de toux persistante ou d’antécédents de contact avec un patient tuberculeux présentait une sensibilité de 90 % et une valeur prédictive négative de 99 %.

• chez les personnes âgées de cinq ans et plus, séronégatives pour le VIH et qui sont des contacts domestiques d'un patient tuberculeux et d’autres groupes à risques cliniques, l’absence de toux quelle qu’en soit la durée, d’hémoptysie, de fièvre, de suées nocturnes, de perte de poids, de douleurs thoraciques, d’essoufflement ou de fatigue présentait une sensibilité de 73 % et une valeur prédictive négative de 99 %.

En conséquence, l’OMS recommande que la recherche d’absence de symptôme puisse être utilisée pour écarter toute éventualité de tuberculose-maladie (18,40). Pour les personnes âgées de 10 ans ou plus vivant avec le VIH, il est suggéré d’appliquer le dépistage standard de quatre symptômes ; chez les plus jeunes enfants, il est possible de s’appuyer sur un ensemble plus large de manifestations cliniques pour décider à qui s’adresser pour un bilan diagnostique avant de proposer un TPT.

Recommandations de l’OMS :

11. Les adultes et les adolescents vivant avec le VIH doivent être soumis à un dépistage de la tuberculose conformément à un algorithme clinique. Lorsque les personnes ne signalent aucun des symptômes suivants : toux persistante, fièvre, perte de poids ou suées nocturnes, il est peu probable qu’elles soient atteintes de tuberculose évolutive et il convient de leur proposer un TPT, qu’elles soient sous TARV ou non.

12. Lorsque des adultes et les adolescents vivant avec le VIH sont soumis à un dépistage de la tuberculose conformément à un algorithme clinique et signalent l’un ou l’autre des symptômes suivants : toux persistante, fièvre, perte de poids ou suées nocturnes, on peut suspecter une tuberculose évolutive et ils doivent être examinés pour rechercher une tuberculose et d’autres maladies pouvant être à l’origine de ces symptômes.

13. Une radiographie pulmonaire peut être proposée aux personnes vivant avec le VIH et sous TARV et un traitement préventif peut être administré à celles dont la radiographie n’a fait apparaître aucune anomalie.

14. Les nourrissons et les enfants vivant avec le VIH qui présentent une prise de poids insuffisante, de la fièvre ou une toux persistante ou qui se sont trouvés en contact avec une personne tuberculeuse, doivent être examinés pour rechercher une tuberculose et d’autres maladies pouvant causer de tels symptômes. Si une tuberculose-maladie est exclue après un examen clinique ou selon les lignes directrices nationales, alors il convient de proposer à ces enfants un TPT, quel que soit leur âge.

15. L’absence de symptôme de tuberculose et l’absence d’anomalie sur la radiographie pulmonaire peuvent permettre d’écarter une suspicion de tuberculose chez les enfants de cinq ans ou plus qui sont des contacts domestiques d'un patient tuberculeux et séronégatifs pour le VIH et dans d’autres groupes à risque, avant de leur proposer un TPT.

 

L’OMS recommande que l’on puisse proposer une radiographie pulmonaire aux personnes vivant avec le VIH et traitées par TARV. Si aucune anomalie n’est constatée sur la radiographie, un TPT peut alors être envisagé. Toutefois, une radiographie pulmonaire ne doit pas être considérée comme un impératif et faire obstacle à la mise sous TPT des personnes vivant avec le VIH car le gain de précision obtenu n’est que marginal comparé au seul dépistage des symptômes.

Rôle d’une radiographie pulmonaire

L’une des principales décisions politiques à prendre avec des implications financières porte sur la question de savoir s’il faut procéder systématiquement à une radiographie pulmonaire lors des tests de dépistage de la tuberculose pour écarter toute éventualité de tuberculose.

On sait qu’une radiographie pulmonaire présente une forte sensibilité mais une faible spécificité pour le diagnostic de la tuberculose (41). Une radiographie pulmonaire pratiquée chez un enfant asymptomatique âgé de cinq à neuf ans (comme pour les moins de cinq ans) a une faible spécificité et donne donc un très faible taux de vrais positifs pour la tuberculose, avec un risque de surdiagnostic de maladies causées par d’autres pathologies (comme une pneumonie ou une adénopathie périhilaire) et un risque d’administrer inutilement un traitement antituberculeux. En outre, l’ajout d’une radiographie pulmonaire pour rechercher des symptômes peut soulever des difficultés logistiques et augmenter le coût du dépistage pour les programmes et les individus et manquer ainsi des occasions d’administrer un TPT à des personnes qui pourraient en bénéficier. La seule reconnaissance des symptômes parmi les personnes vivant avec le VIH, avant l’administration d’un TPT n’est pas seulement moins coûteuse mais permet aussi de prévenir d’autres cas de tuberculose et les décès qui s’ensuivent (42). Cependant, pratiquer une radiographie pulmonaire en même temps qu’une reconnaissance de symptômes de la tuberculose permettra probablement de renforcer la confiance dans les prestataires de santé compte tenu de l’extrême sensibilité de la combinaison de ces deux tests (moins de risque de manquer un cas de tuberculose-maladie). Il est donc concevable que le prestataire se trouvera moins préoccupé par le développement d’une tuberculose rendue pharmacorésistante par l’administration par inadvertance d’un traitement antituberculeux avec un protocole de TPT. Ce point est particulièrement important pour les adolescents ou les adultes séronégatifs pour le VIH qui sont des contacts domestiques d'un patient tuberculeux ou d’autres contacts domestiques ou pour les populations soumises à des risques cliniques. De même, la pratique d’une radiographie pulmonaire peut renforcer la confiance des personnes vivant avec le VIH et bénéficiant d’un TARV à l’égard du prestataire.

Une radiographie pulmonaire peut donc être envisagée dans les algorithmes de dépistage de la tuberculose si elle est disponible et si elle n’est pas contraignante pour la personne. Si la radiographie ne fait apparaître aucune anomalie, on peut envisager un TPT. Cependant, une radiographie pulmonaire ne doit pas être considérée comme un impératif et faire obstacle à la mise en route d’un TPT. Lorsqu’une radiographie pulmonaire n’est pas disponible, l’absence de symptôme peut suffire à écarter une suspicion de tuberculose-maladie avant de commencer un TPT.

Lorsqu’on constate une anomalie sur une radiographie pulmonaire (et pas simplement des signes évocateurs d’une tuberculose), il convient alors d’entreprendre une recherche approfondie de tuberculose-maladie et d’autres maladies en conformité avec les directives nationales et dans le respect d’une rigoureuse pratique clinique.

Avec l’extension de la radiographie numérique, l’utilisation du dépistage assisté par ordinateur (DAO) pour interpréter les films et l’engagement des établissements de santé privés à acheter des services de radiographie, on peut s’attendre à un accès accru aux radiographies dans le dépistage de la tuberculose et les algorithmes de diagnostic. Mi-2020, l’OMS examinera les données factuelles pour déterminer si elle pourra publier des recommandations sur l’utilisation de la DAO pour lire une radiographie pulmonaire dans le cadre des algorithmes de dépistage de la tuberculose et continuer à suivre les données probantes générées par cette technologie en rapide évolution.

Point important :: Une radiographie pulmonaire peut être très utile pour écarter une éventualité de tuberculose avant de commencer un TPT et pour conforter le prestataire et la personne radiographiée dans l’absence d’une tuberculose-maladie. Les gouvernements et les bailleurs de fonds doivent investir pour déployer plus largement l’accès à la radiographie pulmonaire, notamment par les prestataires du secteur privé. Toutefois, ne pas pouvoir accéder à une radiographie pulmonaire ne pourra pas empêcher l’introduction et le déploiement d’un TPT.

 

Réflexions sur la mise en oeuvre pour écarter l’éventualité d’une tuberculose

Les ministères de la santé doivent coordonner la mise en oeuvre des activités présentées ci-dessous pour dépister ou exclure une tuberculose-maladie avant de commencer un TPT.

• Faire en sorte que la détection active des cas de tuberculose auprès des populations à risque soit intégrée à l’ensemble des soins de santé disponibles pour ces populations (comme l’ensemble des soins aux personnes vivant avec le VIH). En principe, la responsabilité globale de la planification, de l’allocation des ressources, de la prestation des services (détection active des cas et tests permettant d’écarter l’éventualité d’une tuberculose) ainsi que du suivi et de l’évaluation, doit être du ressort des autorités nationales responsables des services proposés à leurs populations respectives. Le programme national de lutte contre la tuberculose, en collaboration avec les services de soins primaires et les services de santé de la mère et de l’enfant, doit assumer la responsabilité de la détection active des cas auprès des personnes en contact avec des cas index de tuberculose ; le programme national de lutte contre le VIH doit organiser les services proposés aux personnes vivant avec le VIH en collaboration avec le programme national de lutte contre la tuberculose ; les services cliniques au sein du ministère de la santé doivent soutenir la détection active des cas et les associer aux traitements et aux soins auprès d’autres populations à risques cliniques, et de même pour des organismes d’état responsables des prisons, de la santé au travail et des soins aux migrants.

• Recevoir des conseils d’un organe national de coordination, d’un groupe d’experts technique ou d’un organe semblable pour les programmes nationaux respectifs sur l’élaboration d’un plan national permettant aux programmes de déployer plus largement les activités de détection active des cas et les services en vue d’écarter l’éventualité d’une tuberculose-maladie dans différentes populations cibles et dans divers contextes géographiques. L’organe ou groupe de coordination peut aussi dispenser des conseils sur les modes opératoires normalisés (MON), prévoir le renforcement des capacités de différents types de prestataires et coordonner l’achat et les approvisionnements des produits de base pour les interventions au travers des différents programmes.

• Élaborer un guide de mise en oeuvre type portant sur les rôles et responsabilités, les modes opératoires, les outils de mise en oeuvre, les aide-mémoires professionnels et les outils d’enregistrement et de notification (intégrés aux services de santé relatifs au VIH, à la tuberculose et à la santé de la mère et de l’enfant) en vue d’écarter toute éventualité de tuberculose au sein des populations à risque.

• Élaborer des supports de communication pour affichage de messages et les utiliser sur tous les sites de prestation de services appliquant un dépistage intensifié de la tuberculose.

• Identifier un cadre des agents de soins de santé aux différents niveaux du système de santé pour réaliser un dépistage clinique et orienter les patients vers des services de tests plus approfondis de la tuberculose-maladie, de l’infection tuberculeuse et d’évaluation, conformément aux directives nationales.

• Entreprendre une formation et un renforcement des capacités sur le tas à l’intention des agents de soins de santé, des agents de santé communautaires et d’autres prestataires de services engagés dans la recherche systématique de symptômes de la tuberculose.

• Assurer régulièrement un encadrement bienveillant aux niveaux national, de la province et du district dans les activités de dépistage de la tuberculose, en particulier celles réalisées par des agents de santé communautaires en vue d’assurer un dépistage de bonne qualité et l’observance des algorithmes nationaux.

• Concevoir des aide-mémoires professionnels mettant en avant les mesures destinées à écarter toute éventualité de tuberculose.

• Organiser un accès à la radiographie pulmonaire dans : des établissements de santé publics ou privés ou dans des camions radiologiques mobiles selon ce qu’exige la politique nationale ; des protocoles d’accord convenus avec des hôpitaux et des radiologues privés ainsi que des bons remis gratuitement aux personnes pour leur permettre d’accéder à des services privés.

• Élaborer des outils standards pour la saisie de données ou la mise à jour d’outils existants (comme les fichiers de patients et les dossiers électroniques) avec des éléments d’informations pertinents sur la détection active des cas et les tests permettant d’écarter toute éventualité de tuberculose-maladie. Le système national d’information pour la gestion sanitaire doit faire une synthèse des données aux principales étapes de la chaîne des soins et rendre compte des indicateurs d’efficacité du programme au niveau national (voir aussi le chapitre 8).

Le Tableau 3.1 donne un aperçu des réflexions sur l’exclusion d’une éventuelle tuberculose dans différentes populations cibles avant de commencer un TPT. Si la recherche efficace de symptômes de la tuberculose constitue l’épine dorsale des services de TPT, il est possible aussi de pratiquer des tests de dépistage d’une infection tuberculeuse, une radiographie pulmonaire et des tests diagnostiques.

steps in ruling out TB and considering

Réflexions sur un financement supplémentaire pour écarter toute éventualité de tuberculose-maladie

• Soutenir les réunions régulières du groupe de travail technique national ou d’un groupe existant équivalent et mener des consultations auprès de ces groupes pour revoir les stratégies visant à écarter toute éventualité de tuberculose-maladie avant l’administration d’un TPT aux populations cibles.

• Élaborer et appliquer un plan de développement des ressources humaines, notamment le recrutement, la formation, le mentorat et la sensibilisation continue à la reconnaissance des symptômes de la tuberculose, les conseils aux familles et l’évaluation de l’admissibilité au TPT.

• Si une radiographie pulmonaire est réalisée pour dépister une tuberculose conformément aux directives nationales, il sera nécessaire d’allouer des fonds pour :

– les appareils (radiographie numérique par exemple),

– les moyens logistiques,

– la maintenance du matériel,

– la formation des cliniciens et des agents de soins de santé à la lecture des radiographies pulmonaires, et/ou

– l’utilisation des services de radiographie du secteur privé (comme la remise de bons gratuits aux personnes recevant des soins dans des établissements publics ou privés).

• Élargir l’accès aux tests diagnostiques rapides de la tuberculose, comme le test Xpert® MTB/RIF ou le test urinaire de lipoarabinomannane à flux latéral (LF-LAM).

• Mettre en place ou renforcer la collecte d’échantillons et leur transport en fonction des besoins des différentes populations cibles (y compris des enfants).

• Imprimer et diffuser les modes opératoires normalisés et les aide-mémoires professionnels pour la recherche des symptômes de la tuberculose.

Voir aussi l’ Annexe 3

ᵃ Le dépistage de la tuberculose chez les enfants et les femmes enceintes ou qui allaitent peut être intégré à différents centres de soins (par exemple soins de santé de la mère et de l’enfant, vaccination, centres de la petite enfance, centres de nutrition).

ᵇ Parmi les personnes vivant avec le VIH, toutes les mesures ci-dessus doivent être intégrées si des modèles de prestations différenciées de services en matière de VIH sont appliqués. La détection active des cas de tuberculose et le TPT doivent faire partie intégrante de l’ensemble des soins dispensés aux personnes vivant avec le VIH.

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