Liens transversaux de livre pour 3.2 Justification and evidence
Cette section fait référence aux recommandations sur les schémas thérapeutiques contre la tuberculose MR-RR qui sont plus longs que les schémas décrits dans les Sections 1 et 2.
Questions PICO
Les recommandations de cette section portent sur les questions PICO formulées en 2018 et 2019. Les questions formulées en 2018 étaient les suivantes :
Question PICO 3 – 2018 (tuberculose MR-RR, 2018) : Chez les patients atteints de tuberculose MR-RR, quels médicaments individuels sont les plus susceptibles d’améliorer les résultats lorsqu’ils font partie d’un schéma plus long conforme aux lignes directrices de l’OMS ?²⁷
Question PICO 4-2018 (tuberculose MR-RR, 2018) : Chez les patients atteints de tuberculose MR-MR sous des schémas plus longs composés selon les lignes directrices de l’OMS, les résultats sont-ils améliorés sans risque avec moins ou plus de cinq médicaments efficaces dans la phase intensive ?
Question PICO 5-2018 (tuberculose MR-RR, 2018) : Chez les patients atteints de tuberculose MR-MR sous des schémas plus longs composés selon les lignes directrices de l’OMS, les résultats sont-ils améliorés sans risque avec une phase intensive d’une durée inférieure ou supérieure à 8 mois ?
Question PICO 6-2018 (tuberculose MR-RR, 2018) : Chez les patients atteints de tuberculose MR-RR sous des schémas plus longs composés selon les lignes directrices de l’OMS, les résultats sont-ils améliorés sans risque avec une durée totale supérieure ou inférieure à 20 mois ?
Question PICO 7-2018 (tuberculose MR-RR, 2018) : Chez les patients atteints de tuberculose MR-RR sous des schémas plus longs composés selon les lignes directrices de l’OMS, quelle durée minimale du traitement après conversion de culture est le plus susceptible d’améliorer les résultats ?
Les deux questions PICO pertinentes examinées par le GDG pour la mise à jour de 2020 étaient les suivantes :
Question PICO 8-2019 (tuberculose MR-RR, 2019) : Chez les patients atteints de tuberculose MR-RR, un traitement contenant de la bédaquiline pendant plus de six mois améliore-t-il sans risque les résultats par rapport à de la bédaquiline pendant une période atteignant six mois dans le cadre de schémas plus longs, conformes par ailleurs aux lignes directrices de l’OMS ?
Question PICO 9-2019 (tuberculose MR-RR, 2019) : Chez les patients atteints de tuberculose MR-RR, l’utilisation simultanée de la bédaquiline et du délamanide améliore-t-elle sans risque les résultats par rapport à d’autres options thérapeutiques par ailleurs conformes aux lignes directrices de l’OMS ?
Deux autres questions PICO ont été examinées en 2021 dans le cadre du GDG visant à mettre à jour les lignes directrices sur la tuberculose chez les enfants (31) :
Question PICO 1-2021 (tuberculose chez l’enfant, 2021) : Chez les patients âgés de moins de 6 ans atteints de tuberculose MR-RR, faut-il privilégier un schéma thérapeutique entièrement oral contenant de la bédaquiline par rapport aux autres schémas thérapeutiques sans bédaquiline correspondant aux lignes directrices de l’OMS ?
Question PICO 2-2021 (tuberculose chez les enfants, 2021) : Chez les patients âgés de moins de 3 ans atteints de tuberculose MR-RR, faut-il privilégier un schéma thérapeutique entièrement oral contenant du délamanide par rapport aux autres schémas thérapeutiques sans délamanide correspondant aux lignes directrices de l’OMS ?
Des recommandations pour la conception de schémas plus longs contre la tuberculose MR sont formulées par l’OMS depuis plusieurs années et mises en oeuvre dans de nombreux pays à travers le monde (1, 8, 11, 12). Les recommandations de cette section portent sur toutes les formes de tuberculose MR-RR et comprennent le traitement des patients infectés par des souches résistantes à la rifampicine et sensibles à l’isoniazide (c.-à-d. tuberculose RR), ou avec une résistance supplémentaire à l’isoniazide (c.-à-d. tuberculose MR), ou une résistance à d’autres médicaments (c.-à-d. tuberculose pré-UR ou UR). Tous les patients atteints de tuberculose – enfants ou adultes – diagnostiqués avec des souches pour lesquelles une résistance à la rifampicine a été démontrée peuvent être placés sous un schéma thérapeutique contre la tuberculose MR-RR (12).
Les chances de succès thérapeutique chez les patients atteints de tuberculose MR-RR sous des schémas plus longs dépendent de certains facteurs au niveau des patients et des souches (p. ex. sévérité de la maladie, schémas de résistance et comorbidités) ainsi que de l’accès aux soins de santé (p. ex. des schémas avec suffisamment de produits efficaces, des médicaments de bonne qualité, la prise en charge des événements indésirables et le soutien aux patients). On sait que des schémas plus longs avec des produits efficaces suffisants augmentent les chances de guérison et réduisent le risque de décès chez les adultes et les enfants (55-58). La composition des schémas plus longs est déterminée par la sélection de médicaments individuels considérés comme efficaces ainsi que par la nécessité d’associer suffisamment de médicaments pour maximiser la probabilité d’une guérison sans rechute sans augmenter la toxicité. La composition des schémas peut être normalisée (fixe) ou personnalisée selon les besoins du patient. Les schémas plus longs durent habituellement 18 à 20 mois ou plus ; le présent document fournit des recommandations sur la durée de ces traitements, qui ont été mises à jour depuis la publication des lignes directrices de l’OMS de 2011 (8). En résumé, en 2018, une durée totale de traitement de 18 à 20 mois et une durée de traitement de 15 à 17 mois après conversion de la culture étaient préconisées pour la plupart des patients, la durée étant modifiée en fonction de la réponse du patient au traitement.
Base de données et analyses
Avant la discussion du GDG en 2018, l’OMS a lancé un appel public visant à obtenir des données individuelles de patients atteints de tuberculose MR-RR avec les résultats du traitement (59). La métaanalyse des données individuelles des patients (MA-DIP) chez les adultes et les enfants traités avec des schémas plus longs pour la tuberculose MR-RR permet d’étudier les corrélats des résultats utiles, y compris la composition des schémas (55-57). La base de données pour l’efficacité de nombreux médicaments utilisés dans les schémas de tuberculose MR-RR repose sur la MA-DIP, qui à son tour s’appuie en grande partie sur des études d’observation, dont seulement quelques-unes ont utilisé des conditions de randomisation contrôlée (18) ; par conséquent, la certitude globale dans les données est souvent jugée faible ou très faible. Les sources des données utilisées par le GDG pour répondre aux questions PICO dans la présente section sont résumées ci-dessous.
Question PICO 3-2018 (tuberculose MR-RR, 2018) (choix des médicaments individuels)
Dans un premier temps, pour analyser le succès thérapeutique, l’échec du traitement, la rechute et le décès pour les médicaments individuels dans les schémas plus longs, la méta-analyse des DIP 2018 a été utilisée, avec 13 104 dossiers de 53 études dans 40 pays. Les DIP 2018 contenaient des données recueillies les années précédentes dans plusieurs pays, y compris un large ensemble de données en provenance d’Afrique du Sud avec de nombreux patients traités par des schémas contenant de la bédaquiline. Dans un second temps, pour analyser les événements indésirables ayant entraîné l’arrêt permanent des médicaments individuels dans des schémas plus longs, un sous-ensemble de 5 450 dossiers de 17 études dans les DIP 2018 a été utilisé, complété par des informations supplémentaires provenant de 10 autres études qui notifiaient uniquement les évènements indésirables pour la bédaquiline (n=130), le linézolide (n=508) ou les carbapénèmes (n=139).
Outre ces données, le GDG 2018 a évalué les résultats non publiés de l’essai 213 de phase 3 sur le délamanide (60, 61) et les données sur l’innocuité et l’exposition pharmacologique provenant d’études pédiatriques non publiées sur la bédaquiline (Phase 2 TMC207-C211 et Phase 1-2 IMPAACT P1108) et le délamanide (Phase 1 242- 12-245, Phase 1 242-12-232, Phase 2 242-07-204 et Phase 2 242- 12-233). Le GDG 2018 a également fait une recherche documentaire pour des études rapportant les résultats des patients traités avec des médicaments autres que ceux inclus dans les lignes directrices de 2016 (p. ex. le persplozone, l’interféron gamma et le sutézolide).
Question PICO 4-2018 (tuberculose MR-RR, 2018) (nombre de médicaments susceptibles d’être efficaces).
Afin d’analyser le succès thérapeutique, l’échec, la rechute et le décès pour le nombre optimal de médicaments à inclure dans les schémas plus longs, les données ont été obtenues à partir d’un sous-ensemble de 8 957 patients dans 47 études incluses dans les DIP utilisées pour la question PICO 2-2018 (tuberculose MR-RR, 2018) ci-dessus. Parmi ces patients, 3 570 dans 16 études avaient des informations sur les dates de début et de fin pour les médicaments individuels pour lesquels un DST était notifié, et 5 387 patients dans 31 études avaient des informations sur les médicaments individuels utilisés à la fois dans les phases intensives et dans les phases de continuation du traitement, ainsi que les résultats du DST. Comme cette question portait sur le nombre de médicaments dans la phase intensive, les patients n’ayant pas reçu de produit injectable ou pour lesquels une phase intensive initiale n’avait pas été définie étaient exclus (n=476). Les patients avec la mention « guéri » ou « traitement terminé », mais ayant reçu moins de 18 mois de traitement – la durée minimale pour les schémas plus longs recommandés par l’OMS dans le passé – étaient également exclus (n=346). Lorsque les résultats du DST étaient disponibles, un médicament était considéré comme efficace si les résultats montraient une sensibilité, et considéré comme non efficace si les résultats montraient une résistance. En l’absence de résultats de DST, il existait deux situations. Premièrement, si la prévalence de la résistance à ce médicament était inférieure à 10 % dans la même population (du même pays ou site d’étude si dans un pays, ou globalement sur tous les sites en l’absence de données locales), le médicament était alors considéré comme efficace. Cela s’appliquait aux agents suivants : cyclosérine ou terizidone, linézolide, clofazimine, bédaquiline, carbapénèmes et délamanide. Deuxièmement, si la prévalence de la résistance à ce médicament était supérieure ou égale à 10 % dans la même population (du même pays ou site d’étude si dans un pays ou globalement sur tous les sites en l’absence de données locales), les résultats imputés du DST étaient utilisés en l’absence de ce dernier pour déterminer l’efficacité. Si le résultat imputé du DST montrait une sensibilité, alors le médicament était considéré comme efficace ; si le résultat imputé du DST montrait une résistance, alors le médicament n’était pas considéré comme efficace. Ceci s’appliquait aux agents suivants : pyrazinamide, éthambutol, produits injectables de deuxième intention, fluoroquinolones, acide p-aminosalicylique, éthionamide ou prothionamide. Les médicaments suivants n’étaient pas inclus lors du recensement du nombre de médicaments susceptibles d’être efficaces (indépendamment de tout résultat de DST qui aurait pu être disponible) : isoniazide (y compris l’isoniazide à forte dose), rifampicine, thioacetazone, amoxicilline–clavulanate et antibiotiques macrolides.
Des sous-ensembles de la principale méta-analyse des DIP 2018 avec un total de 13 104 patients de 53 études dans 40 pays ont été analysés pour le risque d’échec thérapeutique et de rechute par rapport au succès associé à différentes durées dans ces trois recommandations sur la durée du traitement (voir Annex 3 et 4 pour les tableaux GRADE et Annex 6 pour le plan d’analyse). Les patients étaient suivis pour la rechute, mais le nombre de cas de rechute notifiés était relativement faible. Les trois sous-ensembles de DIP pour les questions PICO 5, 6 et 7-2018 sont abordés ci-après.
Question PICO 5-2018 (tuberculose MR-RR, 2018) (différentes durées de la phase intensive)
L’analyse primaire a utilisé un sous-ensemble de dossiers de 3 750 patients de 42 études d’observation, dont 2 720 étaient traités avec un schéma personnalisé contre la tuberculose MR et 1 030 avec un schéma normalisé contre la tuberculose MR. Sur les 13 104 dossiers des principales DIP, 9 354 dossiers ont été exclus pour les raisons suivantes : perdu de vue (n=2 261), décédé (n=2 043), n’a pas reçu de produit injectable (n=1 094), aucune information sur la durée du produit injectable (n=2 341), moins de cinq médicaments susceptibles d’être efficaces ou moins de quatre plus le pyrazinamide (n=1 450) et durée du produit injectable supérieure à 20 mois (n=165).
PICO question 6–2 018 (MR-RR, 2018) (sur la durée du traitement)
Les données ayant servi de base à la question PICO 6-2018 (tuberculose MR-RR, 2018) provenaient d’un sous-ensemble de 6 356 patients de 51 études d’observation pour l’analyse primaire. Sur ces 6 356 patients, 5 352 étaient traités avec un schéma individualisé de tuberculose MR et 1 004 avec un schéma normalisé pour la tuberculose MR. Sur les 13 104 dossiers des principales DIP, 6 748 ont été exclus pour les raisons suivantes : perdu de vue (n=2 261), décédé (n=2 043), durée du traitement non disponible (n=230), moins de cinq médicaments efficaces ou moins de quatre plus le pyrazinamide (n=2 072), durée du traitement inférieure à 6 mois (n=52) et durée du traitement supérieure ou égale à 36 mois (n=90).
Question PICO 7–2018 (tuberculose MR/RR, 2018) (sur la durée du traitement après conversion de la culture)
L’analyse pour répondre à la question PICO 7-2018 (tuberculose MR-RR, 2018) a été réalisée à partir d’un sous-ensemble de 4 175 patients provenant de 39 études d’observation. Les 4 175 patients étaient tous sous des schémas personnalisés, sauf trois. Les raisons de l’exclusion de 8 929 dossiers du principal ensemble de données les suivantes : perdu de vue (n=2 261), décédé (n=2 043), durée du traitement non indiquée (n=230), aucune information sur la culture (n=1 945), culture de départ négative (n=754), patient n’ayant jamais eu de conversion de culture (n=426), moins de cinq médicaments efficaces ou moins de quatre plus le pyrazinamide (n=1 215), durée du traitement inférieure à 6 mois (n=4), durée du traitement supérieure ou égale à 36 mois (n=49) et conversion de culture après traitement (n=2).
Question PICO 1-2019 (tuberculose MR-RR, 2019) (utilisation de la bédaquiline pendant plus de six mois)
Afin d’analyser le succès thérapeutique, l’échec, la rechute et le décès pour l’utilisation de la bédaquiline pendant plus de six mois, les données ont été tirées de l’étude d’observation endTB, l’ensemble des données comprenant un total de 1 094 patients de 13 pays (62).²⁸ Les données analysées pour répondre à cette question concernaient des patients de la cohorte d’étude d’observation endTB ayant reçu de la bédaquiline pendant au moins six mois ; ayant commencé la bédaquiline dans le premier mois de l’épisode de traitement et n’ayant pas reçu de délamanide en même temps que la bédaquiline pendant le traitement ; parmi les patients avec un succès thérapeutique, les données provenaient de ceux ayant reçu au moins 17,5 mois de traitement au total. Au total, 515 patients répondaient à ces critères. Les 242 patients ayant reçu la bédaquiline pendant plus de 203 jours²⁹ qui composaient le groupe d’intervention ont été comparés à 273 patients ayant reçu la bédaquiline pendant un total de 168 à 203 jours. Parmi les autres sources de données examinées par le GDG figuraient une cohorte de 112 patients traités par la bédaquiline du Bélarus (dont 2 qui ont été exclus en raison d’informations sur le traitement insuffisantes) et une cohorte de 123 patients traités par la bédaquiline dans un dispensaire géré par MSF en Ouzbékistan (avec un patient exclu en raison d’informations insuffisantes sur le traitement). Parmi ces 232 patients éligibles, 65 ont reçu de la bédaquiline pendant plus de 203 jours et 72 en ont reçu pendant 168 à 203 jours. Les analyses primaires portaient uniquement sur les données de l’étude d’observation endTB.
Question PICO 2-2019 (tuberculose MR-RR, 2019) (utilisation concomitante de la bédaquiline et du délamanide)
Afin d’analyser le succès thérapeutique, l’échec, la rechute et le décès pour l’utilisation concomitante de la bédaquiline et du délamanide, les données ont été tirées de la même cohorte de patients de l’étude d’observation endTB, sur laquelle reposait la question PICO 1-2019. Cependant, dans cet ensemble de données, seulement 92 patients ont reçu les deux médicaments simultanément à un moment ou un autre, et ils sont encore moins nombreux à avoir commencé la bédaquiline et le délamanide en même temps et au cours du premier mois de traitement (n=35). Trois autres patients ont reçu en même temps la bédaquiline et le délamanide à la fin du premier mois de traitement, ce qui porte le nombre total à 38. Les 57 autres patients n’ont pas été inclus, car ils ont commencé les deux médicaments à plus de 30 jours d’intervalle. D’autres sources de données comprenaient une cohorte de 100 patients traités par la bédaquiline à Mumbai, en Inde (à partir d’un projet soutenu par MSF) et parmi eux 86 ont reçu une forme de traitement concomitant avec la bédaquiline et le délamanide pendant le traitement ; 62 d’entre eux ont commencé les deux médicaments à 30 jours d’intervalle ; parmi eux, 46 ont commencé les deux médicaments pendant le premier mois de leur épisode de traitement. Au total, la population d’intervention comprenait donc 84 patients : 38 de la cohorte de l’étude d’observation endTB et 46 de l’ensemble de données de Mumbai. En raison du nombre limité de données disponibles, les sources de données pour les populations de comparaison provenaient de l’étude d’observation endTB et des ensembles de données du Bélarus, de Mumbai et de l’Ouzbékistan. Le nombre de patients disponibles dans les DIP était insuffisant pour effectuer une analyse pertinente (n = 4 patients ayant reçu la bédaquiline et délamanide simultanément). Le groupe de comparaison principal comprenait 401 patients (n=302 de l’étude d’observation endTB, n=82 de l’ensemble de données du Bélarus, n=17 de l’ensemble de données d’Ouzbékistan et n=0 de l’ensemble de données de Mumbai). Ces patients ont commencé la bédaquiline dans le premier mois du traitement et ne l’ont pas reçue plus de six mois. Le groupe de comparaison secondaire était issu de l’étude d’observation endTB et comprenait 102 patients ayant reçu du délamanide dans le premier mois du traitement, sans prolongation de durée. Aucun patient dans les ensembles de données de Mumbai, d’Ouzbékistan ou de Bélarus n’a reçu de délamanide pour cette durée. La durée moyenne de l’utilisation concomitante de bédaquiline et de délamanide parmi les 84 patients du groupe d’intervention était de 18,5 mois (intervalle interquartile : 9 mois, 21 mois).
Les autres données présentées comprenaient des données de sécurité issues de l’essai DELamanId Bedaquiline for ResistAnt TubErculosis (DELIBERATE) (AIDS Clinical Trials Group A5343). L’essai DELIBERATE est un essai randomisé, en ouvert, à trois bras sur la pharmacocinétique et la sécurité mené sur des sites d’étude en Afrique du Sud et au Pérou. Les patients éligibles étaient âgés de 18 ans et plus et atteints de tuberculose pulmonaire MR (ou monorésistante à la rifampicine) recevant un traitement contre la tuberculose MR, mais sans clofazimine, avec la moxifloxacine remplacée par la lévofloxacine et un intervalle QTcF de départ de 450 ms. En plus du schéma thérapeutique contre la tuberculose MR dans les conditions décrites ci-dessus, les schémas utilisés dans les trois bras de l’étude comprenaient l’ajout de bédaquiline 400 mg une fois par jour pendant deux semaines, puis 200 mg trois fois par semaines pendant 22 semaines ; l’ajout de délamanide 100 mg deux fois par jour pendant 24 semaines ; et l’ajout de bédaquiline et de délamanide. L’essai avait pour principal objectif de comparer le changement moyen par rapport au QTcf de départ (moyenne sur les semaines 8 à 24) lorsque la bédaquiline et le délamanide étaient co-administrés au changement moyen observé lorsque chaque médicament est administré seul.
Outre les données examinées pour les questions PICO 1-2019 et 2-2019, le GDG a examiné les données d’une étude menée en Afrique du Sud sur l’utilisation de la bédaquiline pendant la grossesse. Cette étude de cohorte d’observation comprenait des informations sur 108 femmes enceintes atteintes de tuberculose résistante à la rifampicine qui ont été recrutées dans un hôpital de recours pour la tuberculose MR-RR en Afrique du Sud entre janvier 2013 et décembre 2017. Cinquante-huit femmes ont reçu de la bédaquiline dans le cadre de leur schéma contre la tuberculose MR-RR et ont été comparées à 50 femmes qui n’avaient pas de bédaquiline dans leur schéma. Les femmes dans cette étude ont donné naissance à 109 nourrissons vivants parmi lesquels 49 avaient été exposés à la bédaquiline in utero, et 60 n’y avaient pas été exposés. Des évaluations cliniques ont été effectuées à 2, 6 et 12 mois après la naissance pour enregistrer les résultats des nourrissons. L’objectif principal de l’étude était d’enregistrer des données sur le traitement, la grossesse et les résultats des nourrissons chez les femmes traitées pour la tuberculose-RR avec des antituberculeux de deuxième intention pendant la grossesse.
Lors de l’examen des données et de la formulation des recommandations, le GDG 2019 a examiné la nécessité pour les lignes directrices de prendre également en compte les sous-groupes clés qui n’étaient pas bien représentés dans la méta-analyse des DIP 2018, notamment les enfants. Lorsque les données sur les enfants n’étaient pas disponibles, les données provenant d’adultes étaient extrapolées aux enfants. Les meilleures données disponibles ont été utilisées afin de formuler des recommandations pour un schéma qui a des taux élevés de guérison sans rechute, et qui réduit le risque de décès et l’apparition d’une résistance supplémentaire tout en minimisant les effets nocifs. Le GDG 2019 connaissait la méta-analyse des DIP sur la tuberculose-MR pédiatrique concernant 975 cas de tuberculose pulmonaire ou extrapulmonaire diagnostiquée cliniquement ou bactériologiquement confirmée qui a été utilisée pour les recommandations thérapeutiques de 2016 (56). Les enfants atteints de tuberculose UR (définition avant 2021) ont été exclus de cette analyse (n=36), car leurs schémas thérapeutiques n’étaient pas considérés comme comparables à ceux d’autres patients atteints de tuberculose MR et leur nombre était trop faible pour être analysé indépendamment. Aucun essai contrôlé randomisé (ECR) n’a été inclus (ou n’était connu) au moment où cet ensemble de données a été constitué et la certitude globale quant à l’estimation de l’effet basé sur ces données a été jugée très faible. Toutefois, en juillet 2019, des données préliminaires de l’essai DELIBERATE ont été communiquées au GDG 2019 pour répondre en partie à la question PICO 9 ; la certitude globale quant à l’estimation de l’effet pour cette étude a été jugée faible.
Question PICO 1–2021 (tuberculose chez les enfants, 2021) (utilisation de la bédaquiline chez les patients âgés de moins de 6 ans atteints de tuberculose MR-RR)
Pour répondre à la question PICO concernant l’utilisation de la bédaquiline chez les enfants âgés de moins de 6 ans, le GDG 2021 a examiné les données de deux essais de phase 2 (TMC207-C211 et IMPAACT P1108). L’essai TMC207-C211 est une étude de phase 2, ouverte, à un seul bras, visant à évaluer la pharmacocinétique, l’innocuité, la tolérabilité et l’activité antimycobactérienne de la bédaquiline en combinaison avec un schéma de base associant des antituberculeux actifs contre la tuberculose-MR pour le traitement des enfants et des adolescents âgés de 0 à 17 ans qui présentent une tuberculose-MR pulmonaire confirmée bactériologiquement ou diagnostiquée sur la base d’éléments cliniques ou bien certaines formes de tuberculose-MR extrapulmonaire.³⁰ L’essai IMPAACT P1108 est une étude de désescalade en fonction de l’âge modifiée de phase 1-2I de recherche de dose afin d’évaluer la pharmacocinétique, l’innocuité et la tolérabilité de la bédaquiline en association avec des schémas thérapeutiques individualisés et optimisés de traitement de la tuberculose-MR chez des enfants vivant avec le VIH et les enfants non infectés par le VIH qui présentent des formes pulmonaires (intrathoraciques) et certaines formes extrapulmonaire de tuberculose-MR diagnostiquées sur la base d’éléments cliniques ou confirmées.³¹
Comme les données examinées provenant de l’essai TMC207-C211 concernaient des enfants âgés de 5 à 18 ans et celles de l’essai IMPAACT P1108 des enfants âgés de 0 à 6 ans, l’examen des données de pharmacocinétique et d’innocuité a porté principalement sur les données de l’essai IMPAACT P1108. Même si la taille de l’échantillon des données intermédiaires disponibles pour l’examen était limitée (n = 12), le GDG 2021 a conclu que les signaux de sécurité cardiologiques chez les enfants âgés de 0 à 6 ans n’étaient pas différents de ceux qui ont été communiqués concernant les adultes. Les modèles de pharmacocinétique en population des deux études suggèrent que les niveaux d’exposition au médicament observés chez les adultes peuvent être atteints chez la plupart des enfants recevant de la bédaquiline, même s’il est parfois nécessaire de faire certaines modifications de la posologie en fonction de l’âge et du poids de l’enfant.
Des données individuelles de patients atteints de tuberculose pharmacorésistante ont fait l’objet d’une analyse descriptive (24 231 enregistrements provenant des six régions de l’OMS, la majorité provenant d’Afrique du Sud et d’Inde). La recherche des données a été menée en avril 2020. Parmi ces enregistrements, un peu moins de 20 000 ont été utilisés pour une analyse appariée des résultats du traitement chez les enfants traités pour une tuberculose pharmacorésistante. Cette analyse portait sur 40 enfants âgés de moins de 6 ans et 68 enfants âgés de 6 à 12 ans ayant reçu de la bédaquiline. L’analyse appariée a révélé que l’utilisation de la bédaquiline était associée de manière significative à une durée de traitement plus courte et à un odds ratio ajusté plus faible d’utilisation d’antituberculeux injectables. Il n’a pas été observé de différence statistiquement significative dans la réussite du traitement entre les enfants âgés de moins de 6 ans recevant un schéma thérapeutique entièrement oral à base de bédaquiline et ceux ne recevant pas de bédaquiline (89 % contre 97 %, p=0,9). La présence d’un effet de confusion résiduel (notamment d’un effet de confusion lié à l’indication) a été jugée probable.
Dans l’étude Janssen C211, une formulation de bédaquiline adaptée aux enfants (comprimé sécable non enrobé de 20 mg) est utilisée pour administrer le médicament à des enfants âgés de moins de 5 ans ; cette formulation sera également bientôt utilisée dans un protocole actualisé de l’étude IMPAACT P1108 (cette étude a jusqu’à présent utilisé la formulation de 100 mg dans toutes les tranches d’âge). Aucune étude avec des comparaisons directes n’a été menée pour examiner la bioéquivalence des formulations de bédaquiline de 20 mg et de 100 mg. Les tests de bioéquivalence indirecte ont montré que la biodisponibilité était équivalente pour les deux comprimés et qu’ils pouvaient être utilisés de façon interchangeable en prenant soin de s’assurer que la dose totale reste identique. Les résultats de l’étude sur l’utilisation de comprimés de bédaquiline écrasés (63) ont également montré que la biodisponibilité des comprimés de bédaquiline en suspension dans l’eau était la même que celle des comprimés avalés entiers.
Question PICO 2–2021 (tuberculose chez les enfants, 2021) (utilisation du délamanide chez les patients âgés de moins de 3 ans atteints de tuberculose MR-RR)
Pour répondre à la question PICO sur l’utilisation du délamanide chez les enfants âgés de moins de 3 ans, le GDG a examiné les données d’un essai de désescalade en fonction de l’âge de phase I, ouvert, conçu pour évaluer la pharmacocinétique, l’innocuité et la tolérabilité du délamanide administré deux fois par jour pendant 10 jours à des enfants atteints de tuberculose MR/RR traités avec un schéma thérapeutique optimisé (protocole 242-12-232)³², ainsi que les données de l’étude ouverte d’extension correspondante (protocole 242-12-233).³³ Les données des cohortes 1 (12 à 17 ans), 2 (6 à 11 ans), 3 (3 à 5 ans) et 4 (0 à 2 ans) pour les deux protocoles ont été examinées. Les expositions étaient moins élevées dans la tranche d’âge de 0 à 2 ans que chez les enfants âgés de 3 ans et plus, ce qui a rendu nécessaire le recours à une approche de modélisation ou de simulation pour la posologie. Aucun signal de sécurité cardiologique différent de ceux signalés chez les adultes n’a été observé chez les enfants âgés de 0 à 2 ans. Ces conclusions doivent toutefois être interprétées en tenant compte du fait que l’exposition au médicament était moins importante chez les enfants que chez les adultes. Cependant, des simulations pharmacodynamiques ont suggéré qu’il était peu probable que des modifications cliniquement significatives de l’espace QT (un allongement) soient observées chez les enfants âgés de moins de 3 ans, même si des doses plus élevées étaient utilisées pour obtenir des expositions au médicament comparables à celles des adultes.
Les effets produits par ce médicament sur le système nerveux central chez les adultes et les enfants (paresthésie, tremblements, anxiété, dépression et insomnie) ont été signalés dans la notice du délamanide comme posant potentiellement d’importants problèmes d’innocuité. En mars 2021, le commanditaire de l’étude a publié une déclaration d’intention de modifier la notice pour inclure les hallucinations parmi les effets indésirables. Ce nouveau signal de sécurité était plus fréquent chez les enfants que chez les adultes, avec 15 déclarations chez 14 enfants âgés de 2 à 16 ans en Afrique du Sud, en Inde, aux Philippines, au Tadjikistan et en Ukraine. Les enfants ayant présenté ce signal de sécurité comprenaient des enfants atteints de formes de tuberculose extrêmement résistantes (tuberculose MR-UR) traités par le délamanide dans le cadre de programmes (12 déclarations) ainsi que des enfants participant à un essai clinique sur le délamanide pour la prévention de la tuberculose (3 déclarations). Sept des 15 déclarations concernaient des enfants recevant également de la cyclosérine (dans le cadre de programmes). Le GDG a souligné l’importance des effets secondaires affectant le système nerveux central chez les jeunes enfants, alors que leur cerveau est en plein développement.
Outre les données des essais, des données individuelles de patients atteints de tuberculose pharmacorésistante ont fait l’objet d’une analyse descriptive (24 231 enregistrements provenant des six régions de l’OMS, la majorité provenant d’Afrique du Sud et d’Inde). La recherche des données a été menée en avril 2020. Parmi ces enregistrements, un peu moins de 20 000 ont été utilisés pour une analyse appariée des résultats du traitement chez les enfants traités pour une tuberculose pharmacorésistante. Ces données individuelles de patients pédiatriques atteints de tuberculose pharmacorésistante ne comprenaient que sept enfants âgés de moins de 3 ans traités avec du délamanide, 14 enfants âgés de 3 à 6 ans et 69 enfants âgés de 6 à 12 ans. Tous les 21 enfants âgés de moins de 6 ans ont été traités avec succès. Le nombre d’enfants était insuffisant pour pouvoir réaliser une analyse appariée.
27 Étant donné que peu d’essais ou autres études ont comparé directement les médicaments contre la tuberculose MR à différents schémas posologiques, les orientations sur l’ajustement des doses ne devraient pas être affectées par les résultats de la revue systématique
28 Ces pays sont l’Arménie, le Bangladesh, le Bélarus, la République populaire démocratique de Corée, l’Éthiopie, la Géorgie, l’Indonésie, le Kazakhstan, le Kenya, le Lesotho, le Myanmar, le Pakistan et le Pérou.
29 La durée de 203 jours a été choisie comme durée de référence puisque la durée la plus courte de la prise de bédaquiline pour tous les patients, tous modes d’administration confondus, dans l’étude d’observation endTB était de 203 jours ; le seuil n’était pas de 6 mois exactement, mais de 203 jours.
30 Pharmacokinetic study to evaluate anti-mycobacterial activity of TMC 207 in combination with background regimen (BR) of multidrug resistant tuberculosis (MDR-TB) medications for treatment of children/adolescents pulmonary MDR-TB (https://clinicaltrials.gov/ct2/show/NCT02354014, page consultée le 21 janvier 2022).
31 P1108. A Phase I/II, open-label, single arm study to evaluate the pharmacokinetics, safety and tolerability of bedaquiline (BDQ) in combination with optimized individualized multidrug-resistant tuberculosis (MDR-TB) therapy in HIV-infected and HIV-uninfected infants, children and adolescents with MDR-TB disease (https://www.impaactnetwork.org/studies/p1108, page consultée le 25 mai 2022).
32 Pharmacokinetic and safety trial to determine the appropriate dose for pediatric patients with multidrug resistant tuberculosis (https://clinicaltrials.gov/ct2/show/NCT01856634, page consultée le 21 janvier 2022).
33 A 6-month safety, efficacy, and pharmacokinetic (PK) trial of delamanid in pediatric participants with multidrug resistant tuberculosis (MDR-TB) (https://clinicaltrials.gov/ct2/show/NCT01859923, page consultée le 21 janvier 2022).