6.1.1 Justification et données probantes

Questions PICO

a. Pour les enfants et les adolescents qui ont des signes et des symptômes de tuberculose, faut-il opter pour une décentralisation des services antituberculeux destinés aux enfants et aux adolescents ou pour une centralisation de ces services (dans les hôpitaux de référence ou les hôpitaux du niveau tertiaire)?

b. Pour les enfants et les adolescents exposés à la tuberculose, faut-il recourir à la décentralisation des services antituberculeux ou à la centralisation de ces services (dans les hôpitaux de référence ou les hôpitaux du niveau tertiaire) pour accroître la couverture du TPT chez les enfants et les adolescents éligibles?

c. Pour les enfants et les adolescents qui ont des signes et des symptômes de tuberculose, faut-il recourir à des services intégrés centrés sur la famille ou à des services standards, non centrés sur la famille et non intégrés?

d. Pour les enfants et les adolescents exposés à la tuberculose, faut-il recourir à des services intégrés centrés sur la famille ou à des services standard, non centrés sur la famille et non intégrés pour accroître la couverture du TPT chez les enfants et les adolescents éligibles ?

Les définitions de la décentralisation et des services intégrés et centrés sur la famille se trouvent dans la section consacrée aux définitions à partir de la page xi.

Données probantes. Pour répondre à cet ensemble de questions PICO, des experts ont réalisé une revue systématique des études ayant évalué l’impact des modèles de soins décentralisés, intégrés ou centrés sur la famille, sur les résultats du diagnostic, du traitement ou de la prévention de la tuberculose chez les enfants et les adolescents atteints de tuberculose âgés de 0 à 19 ans, et comprenant à la fois les enfants (0 à 9 ans) et les adolescents (10 à 19 ans). Des recherches ont été effectuées en février 2021 dans les bases de données PubMed, Embase, Web of Science, Global Index Medicus, Global Health et Cochrane Central, ainsi que dans les références de 17 revues connexes. Au total, 3265 résumés d’articles figurant dans les bases de données et 129 références bibliographiques supplémentaires provenant de revues connexes ont été identifiés et évalués. Une évaluation des critères de sélection a été effectuée sur la version intégrale de 516 articles. Elle a permis d’identifier 25 études comparatives (7 études randomisées, 18 études observationnelles), auxquelles a été ajoutée une étude d’observation non publiée. Au total, la revue a donc porté sur 26 études. Quatre de ces études (une étude randomisée et trois études observationnelles) ont été exclues après examen, car le modèle de soins décrit était un soutien au traitement en milieu communautaire pour lequel il existe déjà une recommandation de l’OMS (100). Parmi les études restantes retenues, 16 comportaient des éléments de décentralisation, cinq des éléments d’intégration et trois des éléments de soins centrés sur la famille ; quatre études comportaient des éléments correspondant à plus d’un modèle de soins, mais n’ont été retenues que sur la base de leur modèle principal, à savoir la décentralisation ou les soins intégrés centrés sur la famille. La plupart des études portaient essentiellement sur la tranche d’âge des enfants âgés de 0 à 14 ans.

Les études portant sur la décentralisation comme intervention primaire ont évalué les résultats concernant le diagnostic ou la notification des cas (n=16) (48, 101-115), et moins souvent les résultats concernant le TPT (n=3) (106, 116, 117). En règle générale, les interventions qui comprenaient à la fois le renforcement de la capacité de diagnostic dans les structures de SSP et le renforcement des liens entre les communautés et les structures de soins étaient toutes associées à une augmentation du nombre de notifications des cas et de mises sous TPT, ce qui n’était pas le cas pour les interventions comprenant uniquement des activités communautaires.

Deux études sur l’intégration des services ont été identifiées (118, 119) ; elles ont montré que dépister dans les centres de PCIME, ou associer le service antituberculeux et le service fournissant le TAR avaient un impact limité sur les notifications de cas. Les deux études sur les soins centrés sur la famille identifiées (120, 121) ont montré que la fourniture de dispositifs de soutien socio-économique aux familles touchées par la tuberculose était associée à une augmentation du nombre de patients mis sous TPT et de patients ayant terminé ce traitement.

Les personnes chargées de la revue systématique ont constaté que de nombreuses publications portant sur l’intégration et les soins centrés sur la famille étaient disponibles, mais que les données relatives à l’impact spécifique de ces interventions sur les résultats en matière de tuberculose chez les enfants et les adolescents sont limitées. Elles ont également relevé un certain nombre de chevauchements entre l’intégration des services antituberculeux dans des services non spécialisés, comme les services de consultation de médecine générale ou de SSP, et la décentralisation. Une séparation quelque peu artificielle a été établie dans le cadre de l’examen des données probantes, alors qu’en pratique, décentralisation et intégration dans les SSP se font souvent en même temps.

Observations du GDG. Concernant l’examen des données probantes relatives à l’impact de la décentralisation sur la détection des cas de tuberculose, le GDG a constaté que dans deux essais (109, 111) et une étude d’observation sur le dépistage à domicile (sans renforcement des capacités dans les établissements de soins) (114), le nombre de diagnostics ou de notifications parmi les enfants âgés de moins de 15 ans était inférieur dans le groupe d’intervention par rapport au groupe témoin, sans qu’aucune de ces différences ne soit statistiquement significative. Le GDG a expliqué que, bien qu’il puisse y avoir une réduction des notifications de cas aux niveaux supérieurs du système de soins, le fait que les enfants soient vus par un clinicien compétent au premier point d’accès (par exemple au niveau des SSP) peut permettre d’améliorer la détection de la tuberculose. Les données probantes ont été jugées comme manquant globalement de solidité. Les avantages d’une meilleure détection des cas et de la mise sous traitement d’un plus grand nombre d’enfants atteints de tuberculose ont été jugés supérieurs aux risques associés au surtraitement. Les effets indésirables liés à la détection des cas ont donc été considérés comme négligeables. Le GDG a examiné les risques potentiels de la fourniture et de la gestion du TPT au niveau périphérique, notamment concernant les effets indésirables liés aux médicaments qui ne sont pas détectés, par exemple les cas d’hépatotoxicité, ainsi que les capacités insuffisantes pour prendre en charge ces effets indésirables. En outre, il peut exister un risque qu’une tuberculose soit traitée par un TPT plutôt que par un schéma thérapeutique complet. Tous ces événements indésirables peuvent potentiellement se produire, mais ont été considérés comme rares et ne constituant pas un sujet de préoccupation majeur. Ces effets indésirables relatifs à la fourniture du TPT ont donc eux aussi été considérés comme négligeables. Dans l’ensemble, le GDG a convenu que l’équilibre entre les effets souhaitables et les effets indésirables était probablement en faveur de la décentralisation des services en ce qui concerne la détection des cas de tuberculose et la fourniture de TPT aux enfants et aux adolescents. Le groupe d’experts a fait remarquer que les différences en termes de contexte et de disponibilité des ressources adéquates sont des éléments importants à prendre en considération.

Le GDG a débattu sur le fait que les soins intégrés centrés sur la famille comprennent des interventions au niveau du foyer visant à identifier les membres chez qui rechercher une tuberculose-maladie ou à qui proposer un TPT ou un soutien au traitement, etc. Il a également relevé un certain nombre de chevauchements entre l’intégration des services antituberculeux dans des services non spécialisés, comme les consultations de médecine générale ou de SSP, et la décentralisation. Une séparation quelque peu artificielle a été établie dans le cadre de l’examen des données probantes, alors qu’en pratique, décentralisation et intégration dans les SSP se font souvent en même temps. Globalement, malgré le manque de données sur les effets indésirables des soins intégrés centrés sur la famille et la faible qualité des données disponibles, le groupe d’experts a convenu qu’il existe des éléments démontrant que ce modèle a des effets positifs. Il a été proposé que ce modèle de soins puisse être ajouté à la norme de soins ainsi qu’aux services spécialisés qui ne comportent pas de composante d’intégration. Les soins centrés sur la famille, au sens de la participation de la famille, ont été mis en avant comme un principe fondamental des soins destinés aux enfants.

Les membres du GDG ont examiné le fait que certains facteurs spécifiques au contexte et liés à la charge de la tuberculose ou à l’organisation des services de santé peuvent avoir un impact sur les aspects concernant la faisabilité, l’acceptabilité et l’équité. Ils ont également indiqué que les coûts initiaux pour le système de santé liés à la mise en place de services intégrés, centrés sur la famille et décentralisés (par exemple les coûts concernant les infrastructures, les ressources humaines, la formation, les équipements et la mobilisation de la communauté) peuvent être relativement élevés, mais qu’il est probable que ces coûts diminuent au fil du temps, pour autant que les personnes atteintes de tuberculose soient prises en charge de manière efficace, que le TPT soit fourni au niveau périphérique, et que cela conduise à une diminution de l’incidence de la tuberculose. Le recours à ce modèle de prestation de services peut permettre aux familles touchées de réaliser des économies substantielles. L’équité a été considérée comme une question transversale importante ayant également des répercussions sur les coûts. Le GDG a insisté sur le fait que la mise en oeuvre du TPT peut se révéler très difficile, avec des taux importants de perdus de vue dans les programmes déployés aux niveaux supérieurs du système de santé étant donné que les enfants qui remplissent les conditions requises pour recevoir un TPT ne sont pas malades. Il a convenu que la décentralisation et l’intégration des services sont susceptibles d’accroître l’équité et d’améliorer le succès du programme, et a estimé que le rapport coût-efficacité était probablement en faveur des approches intégrées centrées sur la famille et décentralisées, tant pour la recherche des cas que pour la fourniture du TPT.

Bien que le GDG ait souligné l’importance de prendre en considération l’impact potentiel de la stigmatisation résultant de la décentralisation des services antituberculeux destinés aux enfants et aux adolescents aux premiers niveaux du système de santé, il a estimé que les approches décentralisées sont probablement acceptables pour les principales parties prenantes. Dans l’ensemble, les approches intégrées centrées sur la famille et décentralisées ont été jugées réalisables, même si la faisabilité peut varier en fonction de différents facteurs, notamment des infrastructures, des financements disponibles et de la structure du programme national de lutte contre la tuberculose. Des investissements suffisants sont toutefois indispensables pour rendre les approches décentralisées acceptables, équitables et réalisables.

 

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