3.4 Considérations liées aux sous-groupes

Tuberculose MR-RR seule ou avec une résistance supplémentaire.

Un schéma plus long est utilisé lorsqu’un schéma plus court ne peut pas être utilisé ; il a plus de chances d’être efficace si sa composition repose sur des informations fiables relatives à la sensibilité aux médicaments. La conception de schémas plus longs pour les patients atteints de tuberculose MR-RR présentant une résistance supplémentaire suit une logique similaire à celle utilisée pour d’autres patients atteints de tuberculose MR-RR. Tous les patients atteints de tuberculose MR-RR doivent être testés pour la résistance aux fluoroquinolones au minimum avant de commencer le traitement de la tuberculose MR. Si l’utilisation de l’amikacine est envisagée dans le schéma thérapeutique, des tests rapides pour les agents injectables de deuxième ligne doivent être effectués. Les autres tests pouvant contribuer à orienter le choix et la composition du schéma sont ceux sur la résistance à des médicaments comme la bédaquiline, le délamanide, le linézolide, le pyrazinamide et sur les formes de mutation généralement associées à la résistance à l’isoniazide et à l’éthionamide ou au prothionamide. Dans de nombreux contextes, le DST pour d’autres médicaments couramment utilisés pour le traitement de la tuberculose MR n’est généralement pas assez fiable pour guider la composition du schéma. C’est pourquoi d’autres éléments peuvent être nécessaires pour déterminer les chances d’efficacité (voir la Section 3.5). Les programmes nationaux de lutte contre la tuberculose doivent avoir les capacités à effectuer le DST ou renforcer rapidement leurs capacités, et tous les efforts doivent être consentis pour garantir l’accès à des tests moléculaires rapides homologués. Jusqu’à ce que les capacités pour le DST de deuxième intention – y compris pour la bédaquiline, le linézolide et la clofazimine – soient en place, il peut s’avérer nécessaire de fonder les décisions thérapeutiques sur le risque de résistance aux médicaments, en se basant sur les antécédents cliniques du patient et les données de surveillance du pays ou de la région.

L’analyse pour les trois questions PICO sur la durée du traitement n’a révélé aucune différence globale en termes d’échec thérapeutique ou de rechute lorsque l’on compare les patients atteints de tuberculose-MR avec ou sans résistance supplémentaire aux médicaments de deuxième intention, y compris ceux avec une résistance supplémentaire aux fluoroquinolones et aux produits injectables. Chez les patients avec une résistance à l’amikacine et à la streptomycine, la recommandation 3.17 ne s’applique pas. La durée du traitement peut devoir être supérieure à 20 mois dans les cas de tuberculose MR-RR avec une résistance supplémentaire, en fonction de la réponse clinique au traitement.

Tuberculose résistante à la rifampicine

Un patient (enfant ou adulte) ne présentant aucune résistance à l’isoniazide doit être traité avec un schéma recommandé contre la tuberculose MR, soit un schéma plus long auquel l’isoniazide est ajouté, soit un schéma plus court chez les patients éligibles (voir également les Sections 1 et 2). Bien que l’isoniazide à forte dose ne soit pas inclus dans les groupes A à C, compte tenu de son utilisation rare dans les schémas contemporains plus longs pour les adultes atteints de tuberculose MR-RR, il peut encore être utilisé chez les patients avec une sensibilité confirmée ou en présence de mutations qui généralement ne confèrent pas de résistance complète à l’isoniazide (68). L’examen des données des lignes directrices de l’OMS de 2016 a révélé que l’isoniazide à forte dose était un élément important dans les schémas pédiatriques, ce qui a permis d’extrapoler son utilisation chez les adultes (56). Dans cette analyse, l’isoniazide à forte dose était associé au succès thérapeutique chez les enfants avec une tuberculose MR confirmée (ORa 5,9, limites de confiance [LC] 95 % 1,7– 20,5, P=0,007).

Enfants

Les données individuelles des patients de 2018 sur les schémas plus longs concernaient principalement des patients adultes, seulement 181 des 13 104 (1,4 %) cas étant des enfants et des adolescents âgés de moins de 15 ans. Néanmoins, les recommandations de l’OMS sur les schémas plus longs de la tuberculose MR s’appliquent aussi bien aux enfants qu’aux adultes. La plupart des médicaments qui sont utilisés dans les schémas plus longs font partie des schémas contre la tuberculose MR depuis de nombreuses années, dans des associations similaires, pour les adultes et les enfants. Le GDG 2021 a recommandé l’utilisation de la bédaquiline et du délamanide chez les enfants de tous âges (31). Il devrait être difficile de reproduire l’exposition au délamanide obtenue avec le comprimé spécial de 25 mg testé dans l’essai chez les enfants âgés de 3 à 5 ans, étant donné que cette formulation n’est pas bioéquivalente au comprimé de 50 mg pour adulte, la seule préparation disponible à ce moment (12). On craint également que le comprimé adulte ne se brise si l’on tente de le diviser, et que son contenu soit extrêmement amer et désagréable. De plus, la biodisponibilité peut être modifiée lorsque le comprimé de 50 mg est divisé, écrasé ou dissous. Le délamanide étant sensible à l’oxydation et à la chaleur, Ces comprimés étant sensibles à l’oxydation et à la chaleur, le fait de conserver des morceaux de comprimés pour une utilisation ultérieure risque de conduire à l’administration d’un composé actif moins concentré que prévu et de sous-produits d’oxydation indéterminés.

Il est particulièrement souhaitable d’éviter le schéma contenant des produits injectables chez les enfants, en particulier chez les très jeunes et ceux avec une forme modérée de la maladie (telle que déterminé par l’absence de malnutrition), de forme grave de maladie extrapulmonaire, de cavitation sur la radiographie thoracique ou d’infection à VIH. La perte d’audition peut avoir un effet permanent sur l’acquisition du langage et les capacités d’apprentissage à l’école, et de ce fait, si l’amikacine ou la streptomycine doit être utilisée chez les enfants, il convient d’effectuer régulièrement une audiométrie.

Les recommandations sur la durée du traitement s’appliquent également aux enfants. Compte tenu du fait que de nombreux patients dans le groupe pédiatrique peuvent être uniquement diagnostiqués cliniquement ou avoir une maladie extrapulmonaire, la durée du traitement devrait être en grande partie guidée par la recommandation 3.15 en fonction de la réponse au traitement. Il peut être envisagé de réduire la durée totale du traitement à moins de 18 mois dans le cas d’enfants sans tuberculose étendue (voir Définitions).

Tuberculose extrapulmonaire et méningite tuberculeuse

Les recommandations de l’OMS sur les schémas plus longs de la tuberculose MR s’appliquent également aux patients atteints de maladie extrapulmonaire. Des ajustements peuvent être nécessaires en fonction de la localisation précise de la maladie. Le mieux pour orienter le traitement de la méningite tuberculeuse MR-RR consiste à effectuer un DST de la souche infectante et à connaître les propriétés des médicaments antituberculeux qui traversent la barrière hémato-encéphalique. La lévofloxacine et la moxifloxacine pénètrent bien le système nerveux central (SNC) (69), tout comme l’éthionamide ou le prothionamide, la cyclosérine ou la térizidone, le linézolide et l’imipénème-cilastatine (70, 71). Les convulsions pouvant être plus fréquentes chez les enfants atteints de méningite traités avec de l’imipénème-cilastatine, le méropénème est privilégié pour les cas de méningite et chez les enfants. L’isoniazide à forte dose et le pyrazinamide peuvent également atteindre des niveaux thérapeutiques dans le liquide céphalorachidien et peuvent être utiles si les souches sont sensibles. L’acide paraaminosalicylique et l’éthambutol ne pénètrent pas bien dans le SNC et ne doivent pas être considérés comme des agents efficaces pour la méningite tuberculeuse MR-RR. L’amikacine et la streptomycine pénètrent le SNC uniquement en cas d’inflammation des méninges. Il existe peu de données sur la pénétration du SNC par la clofazimine, la bédaquiline ou le délamanide (72-74). En outre, il est possible que les concentrations de liquide céphalorachidien ne reflètent pas les concentrations dans les méninges ou le cerveau.

Grossesse

L’amikacine, la streptomycine, le prothionamide et l’éthionamide sont généralement contre-indiqués pendant la grossesse. En raison du risque d’effets tératogènes de ces médicaments, y compris les produits injectables, la recommandation 3.17 est d’un intérêt limité dans ce sous-groupe. Suite aux modifications apportées dans la mise à jour des lignes directrices de 2018, ces produits devraient être utilisés moins souvent dans les schémas plus longs. Les connaissances sur l’innocuité de la bédaquiline et du délamanide pendant la grossesse et pendant l’allaitement sont limitées. Toutefois, de nouvelles données issues d’une étude d’observation en Afrique du Sud ont été présentées au GDG en 2019, avec des informations sur 58 mères ayant reçu de la bédaquiline pendant la grossesse (51). Les résultats de cette étude indiquaient que l’exposition du foetus à la bédaquiline in utero était associée à un faible poids de naissance36 (45 % des bébés exposés à la bédaquiline avaient un faible poids à la naissance contre 26 % des bébés non exposés, p=0,034) (51). Cependant, il n’y avait pas d’autre différence significative dans les résultats des nourrissons, les issues de la grossesse ou les résultats du traitement maternel, y compris la prise de poids chez les nourrissons jusqu’à l’âge d’un an (51). Il est recommandé dans de tels cas de personnaliser un schéma plus long pour inclure des composants avec un profil d’innocuité mieux établi. Les issues du traitement et de la grossesse, y compris les données de la surveillance post-partum pour les anomalies congénitales doivent être enregistrées pour contribuer à éclairer les recommandations futures pour le traitement de la tuberculose MR pendant la grossesse.

Infection à VIH

La composition du schéma thérapeutique pour la tuberculose MR ne diffère généralement pas beaucoup pour les personnes vivant avec le VIH. Quelques interactions médicamenteuses peuvent être évitées avec une attention particulière (p. ex. la bédaquiline et l’éfavirenz ; voir aussi le site Web HIV drug interactions de l’Université de Liverpool (36)).

Patients avec une tuberculose pulmonaire étendue

La durée du traitement après la conversion de culture peut être modifiée en fonction de la réponse du patient³⁷ (p. ex. conversion de culture avant 2 mois de traitement) et d’autres facteurs de risque pour l’échec thérapeutique ou la rechute. Cela devrait être envisagé chez les patients atteints d’une tuberculose maladie étenduez

Patients sous schémas sans amikacine ou streptomycine

Chez les patients sous un schéma sans produits injectables dans la phase intensive, la recommandation 3.17 ne s’applique pas et la durée du traitement est déterminée par les recommandations sur la durée totale et la période après la conversion de culture (c.-à-d. les recommandations 3.15 et 3.16). À l’avenir, cela devrait s’appliquer à de plus en plus de patients qui sont traités avec des schémas par voie orale uniquement. Si la bédaquiline ou d’autres médicaments (p. ex. linézolide ou délamanide) ne sont administrés que pour la partie initiale d’un schéma, cette période n’équivaut pas à une « phase intensive » sauf si un produit injectable est utilisé simultanément, comme postulé par la méta-analyse sur laquelle repose la recommandation 3.17.

36 Le faible poids à la naissance a été défini comme étant inférieur à 2 500 g.

37 « Réponse bactériologique » désigne une conversion bactériologique sans réversion ; la « conversion bactériologique » fait référence à une situation chez un patient atteint d’une tuberculose bactériologiquement confirmée où les résultats d’au moins deux cultures consécutives (pour la tuberculose pharmacorésistante et pharmacosensible) ou de frottis (pour la tuberculose pharmacosensible uniquement), pris à différentes occasions à au moins 7 jours d’intervalle, sont négatifs ; et la « réversion bactériologique » fait référence à une situation dans laquelle les résultats d’au moins deux cultures consécutives (pour la tuberculose pharmacorésistante et pharmacosensible) ou frottis (pour la tuberculose pharmacosensible uniquement), pris à des occasions différentes à au moins 7 jours d’intervalle, sont positifs soit après la conversion bactériologique, soit chez des patients sans confirmation bactériologique de la tuberculose. (75)

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