Chapitre 9. Éthique et traitement préventif de la tuberculose

 Ethics and TB preventive treatment

Point de décision sur les questions d’éthique dans la mise en oeuvre d’un TPT

Quelles sont les réflexions sur l’éthique et les mesures s’y rapportant dans la gestion par les programmes des TPT ?

Réflexions sur la mise en oeuvre

En général, environ 5 à 10 % seulement des personnes infectées par M. tuberculosis développeront une tuberculose-maladie à un moment de leur vie. Le risque qu’une infection tuberculeuse évolue vers une tuberculose-maladie est beaucoup plus élevé dans certains groupes comme les personnes vivant avec le VIH, les très jeunes enfants et les personnes dont l’infection est récente. Le traitement comporte toujours un risque de réactions indésirables aux médicaments, aussi bien comprendre le rapport du risque individuel au bienfait du TPT, aide à prendre une décision en toute connaissance de cause. Le TPT doit être administré après avoir pesé les bienfaits et les méfaits potentiels pour la personne. Les tests et traitements systématiques doivent être limités aux groupes dont on a démontré qu’ils sont exposés à un risque d’évolution de l’infection tuberculeuse vers la tuberculose-maladie. Il n’est pas recommandé d’administrer un TPT à l’ensemble de la population, sans discrimination.

Le traitement préventif de la tuberculose est administré aux personnes qui ne sont pas malades ni infectées. Cette différence fondamentale avec le traitement de la tuberculose-maladie modifie les obligations d’éthique imposées lorsqu’une maladie menace la santé de la personne et de la communauté touchées (135). Ainsi, prendre ou non un TPT doit toujours être la décision de la personne, prise en toute connaissance de cause et sans contrainte. Quiconque se voit proposer un TPT doit se sentir habilitée à refuser un TPT ou à l’interrompre une fois celui-ci commencé. L’administration d’un TPT doit toujours s’appuyer sur les droits de l’homme et sur le respect des personnes (95). En l’absence de tout risque immédiat de transmission, il serait contraire à l’éthique d’empêcher une personne atteinte d’infection tuberculeuse de refuser un traitement.

Les lignes directrices de l’OMS sur l’éthique en matière de tuberculose indiquent clairement que la prise d’un TPT ne doit jamais être obligatoire. Les programmes nationaux devraient renforcer les services de conseils aux personnes admissibles pour assurer une communication efficace et appropriée sur les effets protecteurs, les incertitudes et les manifestations indésirables éventuelles. Les risques et les incertitudes doivent être communiqués par messages culturellement appropriés. Les personnes concernées devraient être invitées régulièrement à faire part de leurs commentaires dans le but d’adapter la mise en oeuvre du programme. Il est souhaitable de consigner et de suivre systématiquement les initiatives de conseils et le consentement éclairé des bénéficiaires d’un TPT pour assurer une mise en oeuvre efficace. Les mesures prises par anticipation, notamment le suivi systématique clinique et de laboratoire (lorsqu’il est indiqué) doivent faire partie intégrante de la gestion par les programmes des TPT pour s’assurer que les personnes traitées restent sans risque tout au long du traitement.

Consentement éclairé

Un consentement explicite est généralement requis pour commencer un TPT puisque le sujet ne présente pas de risque immédiat pour d’autres, que les bienfaits potentiels dépendent essentiellement du contexte et peuvent être compensés par le risque de méfaits pour certains individus. Professionnellement, le prestataire a généralement l’obligation d’obtenir ce consentement. Qu’il soit consigné par écrit ou non dépend de la pratique locale. Un consentement éclairé nécessite une communication appropriée et efficace sur les incertitudes possibles et sur les perspectives de réduction du risque (souvent incertaines compte tenu du risque de réinfection). Le personnel infirmier et d’autres agents de santé intervenant en première ligne peuvent être formés aux conseils sur le TPT et ses options ainsi qu’à l’interprétation des résultats des tests de dépistage d’une infection tuberculeuse ou d’une tuberculose-maladie. Outre les bienfaits et les risques pour les patients, des informations doivent aussi être transmises sur les conséquences d’un TPT pour la famille et la communauté d’un patient. Les programmes nationaux doivent envisager d’élaborer des stratégies de communication sur le TPT, en s’attachant en particulier sur les bienfaits, les risques et les incertitudes tout en se conformant au contexte culturel et linguistique et en impliquant la communauté, les personnes ayant fait l’expérience d’un TPT et d’anciens patients tuberculeux.

Point important : Il est extrêmement important de dispenser des conseils avant un TPT pour le respect des droits de l’homme. Les programmes nationaux doivent essentiellement prendre en compte les ressources afin de renforcer la composante conseils dans la planification et dans l’allocation des ressources, pour faire en sorte que toutes les personnes identifiées admissibles à un TPT puissent choisir en toute connaissance de cause d’accepter ou de refuser le TPT, en s’appuyant sur la compréhension claire des bienfaits et des méfaits possibles de ce traitement.

Questions d’éthique relatives aux services de TPT

  • En l’absence de facteurs de risques particuliers, la plupart des personnes porteuses d’une infection tuberculeuse NE développeront PAS de tuberculose-maladie.
  • La faible valeur prédictive des tests actuels pour déterminer qui évoluera d’une infection tuberculeuse vers la tuberculose-maladie rend moins certaine l’efficacité du TPT au niveau individuel.
  • Il n’existe actuellement aucun test permettant de déterminer qu’un TPT a réussi pour une personne.
  • Il existe un risque d’émergence, bien que très faible, d’une pharmacorésistance si le TPT est administré en présence d’une tuberculose-maladie.
  • Le TPT comporte un risque de manifestations indésirables dont certaines sont graves (comme une hépatotoxicité). Considérant que ces réactions sont provoquées par un traitement administré à quelqu’un généralement en bonne santé, cela rend leur survenue d’autant plus regrettable.
  • Mise à part sa toxicité, le TPT présente un inconvénient supplémentaire, à savoir un fardeau psychologique et des coûts liés à l’anxiété.
  • Le TPT comporte le risque de stigmatisation et de discrimination relatives à la tuberculose.
  • Le TPT implique des conséquences financières pour le ménage en relation avec les tests, l’adhésion au traitement et les soins.
  • Même si le TPT protège de la maladie, il y a toujours un risque de réinfection. Le risque de tuberculose-maladie est plus élevé parmi les groupes déjà marginalisés et d’autant plus susceptibles de résider dans des lieux surpeuplés ou la lutte anti-infectieuse est quasi inexistante. L’accès de ces groupes au dépistage de la tuberculose et au traitement préventif de la tuberculose doit être considéré prioritaire pour améliorer le respect de l’équité et des droits de l’homme, et la solidarité. Des mesures doivent être prises pour agir contre les inégalités existantes dans l’accès aux services et pour faire respecter les droits de l’homme, pour que la vulnérabilité des groupes cibles ne les empêche pas d’accéder aux services de dépistage et au traitement et n’entraîne pas la violation de leurs droits. Toute intervention en faveur des groupes vulnérables, y compris des personnes criminalisées ou incarcérées et des enfants, doit comprendre des mesures visant à réduire au minimum le risque de stigmatisation comme la protection de la confidentialité des données personnelles et du consentement éclairé. Il peut être nécessaire d’apporter une aide pour couvrir les coûts sociaux et économiques des tests de dépistage, du traitement et des interventions qui réduisent au minimum la charge pour la personne sous TPT (comme exiger une seule visite et l’accès à un protocole de TPT plus court et plus sûr).

Dépistage obligatoire de la tuberculose aux frontières et parmi les groupes à risque: 

  • Les migrants soumis à un dépistage de tuberculose-maladie peuvent aussi être automatiquement soumis à un dépistage de l’infection tuberculeuse. Le dépistage de l’une ou l’autre de ces pathologies doit toujours avoir pour but de dispenser des soins médicaux appropriés mais jamais pour expulser ou refuser une entrée dans le pays. Si une infection tuberculeuse implique un futur risque potentiel pour une petite minorité de personnes, l’exclusion ou le report d’une immigration pour la seule raison d’une infection ne se justifie pas et est contraire à l’éthique. Le statut de la personne (test positif pour l’infection tuberculeuse ou sous TPT) ne doit pas empêcher une procédure d’immigration. Ce point doit être pris en compte dans les lois ou autres réglementations politiques existantes. Les personnes doivent être soumises aux tests de dépistage de l’infection tuberculeuse et recevoir un TPT dans le strict respect des droits de l’homme et des principes d’éthique.
  • Les agents de santé sont exposés à un risque accru d’infection tuberculeuse et/ou de tuberculose-maladie lorsque les mesures de lutte contre l’infection manquent d’efficacité. Les agents de santé ont le droit de pouvoir travailler dans un environnement professionnel sain et en tant que professionnels, ils ont l’obligation d’agir de façon à réduire au minimum tout risque d’effet préjudiciable pour les personnes bénéficiant de leurs soins. Toute réflexion sur les dépistages obligatoires doit tenir compte de la charge que cela impose aux agents de santé et des risques potentiels pour d’autres. Les politiques doivent évaluer la probabilité d’une transmission (par exemple si les agents de santé exercent dans un service de soins cliniques ou ambulatoires dans lequel eux-mêmes ou leurs patients se trouvent plus fortement exposés), et la mesure dans laquelle les patients risquent de se trouver en souffrance en développant une tuberculose-maladie (comme les patients immunodéprimés). Si les agents de santé sont, par leur profession, exposés à la tuberculose ou même sont soumis à un dépistage et à un traitement, alors cela induit une obligation réciproque pour le système de santé d’alléger autant que possible les charges que l’infection fait peser sur eux. Ce peut être par la gratuité du dépistage et du traitement préventif de la tuberculose et par d’importants investissements pour améliorer les mesures anti-infectieuses et réduire ainsi le risque pour les agents de santé, les patients et plus largement, la communauté. Toute décision prise de dépister régulièrement l’infection tuberculeuse et/ou la tuberculose-maladie parmi les agents de santé doit toujours s’appuyer sur des données de qualité prouvant le risque de transmission et les bienfaits tant pour les agents de santé que pour d’autres personnes pouvant être touchées.

Participation de la communauté : Souvent, les communautés touchées ne se rendent pas bien compte de l’intérêt des mesures de prévention, de la nécessité de protéger leurs membres de la tuberculose et ne savent pas quelle différence il y a entre une infection tuberculeuse et une tuberculose-maladie. La participation de la communauté et l’éducation sanitaire jouent un grand rôle en permettant de s’assurer que les personnes et les communautés peuvent choisir en toute connaissance de cause d’accepter ou de refuser un TPT.

En conclusion, les politiques doivent être évaluées par les utilisateurs finals sous l’angle de l’éthique et les expériences et points de vue des populations touchées doivent être rassemblés après la mise en oeuvre, pour examiner les éventuels effets inattendus et pour s’assurer que les données probantes sur lesquelles ils reposent restent pertinentes et d’actualité. Les soins dans les TPT centrés sur la personne impliquent, entre autres, qu’ils soient dispensés équitablement, sans désavantager davantage les populations marginalisées et vulnérables. Ils sont axés sur les aspects des TPT relatifs aux droits de l’homme pour faire en sorte que la loi, la politique et la pratique prévoient une protection suffisante pour réduire au minimum stigmatisation, discrimination, violation de l’intégrité corporelle ou restrictions dans la liberté de mouvements. Les personnes auxquelles on propose un test de dépistage et un traitement doivent comprendre suffisamment bien les incertitudes qui y sont associées pour être capables de participer aux prises de décision sur les options de soins. Ces principes directeurs s’inspireront mieux d’un ensemble de principes établis en relation avec les droits de l’homme, comme le consentement, l’absence de contrainte et le respect de la confidentialité.

Point important : Les ministères de la santé doivent envisager l’élaboration de stratégies de communication sur les traitements préventifs de la tuberculose en faisant participer des personnes choisies parmi différents groupes cibles de population qui ont pris un TPT. Un examen de la pertinence des moyens de communication à leur disposition et de leur diffusion peut permettre aux personnes et aux communautés d’acquérir davantage d’autonomie dans les décisions à prendre en toute connaissance de cause concernant le TPT.

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