5.3.2 Utilisation du délamanide chez les enfants âgés de moins de 3 ans atteints de TB-MR/RR

Recommendation

Chez les enfants âgés de moins de 3 ans atteints de TB-MR/RR, le délamanide peut être utilisé dans les schémas thérapeutiques longs (recommandation conditionnelle, très faible niveau de preuve).

Remarques

  • Cette recommandation complète les recommandations actuelles de l’OMS sur les schémas thérapeutiques longs contenant du délamanide (9) :

- Le délamanide peut être inclus dans le traitement des patients âgés de 3 ans et plus atteints de TB-MR/RR recevant des schémas thérapeutiques longs (recommandation conditionnelle, niveau de preuve modéré pour les estimations de l’effet).

Justification et données probantes
 

Question PICO: Chez les patients âgés de moins de 3 ans atteints de TB-MR/RR, faut-il privilégier un schéma thérapeutique entièrement oral contenant du délamanide par rapport à d’autres schémas thérapeutiques correspondant aux lignes directrices de l’OMS sans délamanide ?

Contexte historique. En 2014, l’Agence européenne des médicaments a accordé une autorisation de mise sur le marché conditionnelle du délamanide pour le traitement des adultes (âgés de 18 ans ou plus) atteints d’infections pulmonaires dues à une TB-MR lorsqu’un schéma thérapeutique efficace n’a pu être élaboré autrement pour des raisons de résistance ou de tolérance (90). Cette même année, après avoir convoqué un groupe d’experts pour examiner les données disponibles sur l’efficacité et l’innocuité du délamanide, l’OMS a publié des orientations politiques provisoires comprenant une
recommandation conditionnelle, fondée sur un très faible niveau de preuve des estimations de l’effet, indiquant que le délamanide peut être ajouté à un schéma thérapeutique recommandé par l’OMS chez les adultes (âgés de 18 ans ou plus) atteints d’une forme pulmonaire de TB-MR (91).

En 2016, au vu de la multiplication des données disponibles sur l’utilisation du délamanide chez les enfants chez qui une TB-MR a été diagnostiquée, l’OMS a réuni un nouveau groupe d’experts pour évaluer ces nouvelles données et rédiger un addendum aux orientations provisoires de 2014 sur l’utilisation du délamanide, avec des recommandations spécifiques pour les enfants atteints de TB-MR. Sur la base de l’évaluation de ces données et des recommandations du groupe d’experts, l’OMS a recommandé que le délamanide puisse être ajouté au schéma thérapeutique long qu’elle recommande chez les enfants et les adolescents (âgés de 6 à 17 ans) (recommandation conditionnelle, très faible niveau de preuve pour les estimations de l’effet) (92). Les orientations provisoires de l’OMS sur le délamanide étaient fondées sur les données issues d’essais cliniques de phase I et de phase II (essais 242-12-232 et 242-12-233) et sur les résultats d’autres études antérieures. L’utilisation du délamanide a été approuvée sous condition par l’OMS, compte tenu du nombre limité d’autres options thérapeutiques pour les personnes atteintes de TB-MR, et sur la base du fait que ses avantages potentiels l’emportaient probablement sur ses risques potentiels. Les recommandations de l’OMS étaient également conditionnées par la disponibilité dans les années ultérieures de données sur l’efficacité et l’innocuité à long terme, en particulier celles provenant d’essais contrôlés randomisés de phase III. 

En 2016, l’OMS a organisé une réunion du GDG au cours de laquelle les avantages  supplémentaires apportés par le délamanide ont été réévalués en conjonction avec un schéma long recommandé par l’OMS pour le traitement de la TB-MR ; le GDG a cependant convenu qu’à ce moment-là, il ne disposait pas de données probantes suffisantes pour justifier une modification de la recommandation figurant dans les orientations provisoires (93). En 2019, après avoir organisé une réunion du GDG au cours de laquelle les nouvelles données disponibles issues des études en cours sur le délamanide ont été examinées, l’OMS a publié des lignes directrices unifiées sur le traitement de la tuberculose pharmacorésistante (83). Pour ce qui est de l’utilisation du délamanide chez les enfants âgés de moins de 6 ans, le GDG a jugé que, sur la base des résultats obtenus chez les adultes et des données pharmacologiques et d’innocuité examinées, les extrapolations concernant l’efficacité devaient être limitées aux enfants âgés de 3 à 5 ans, mais ne devaient pas concerner les enfants âgés de moins de 3 ans, en attendant de disposer de données supplémentaires. Les profils d’exposition des enfants âgés de 3 à 5 ans étaient comparables à ceux des adultes et n’étaient pas plus élevés que ceux des enfants âgés de 6 ans et plus, pour lesquels les précédents GDG convoqués par l’OMS avaient déjà recommandé l’utilisation du délamanide. De plus, sur la base des données de laboratoire et des données cardiologiques fournies, aucun signe concernant l’innocuité différent de ceux signalés chez les adultes n’a été observé chez les enfants âgés de 3 à 5 ans. Partant de ces éléments, l’OMS a recommandé que le délamanide puisse être inclus dans le traitement des patients âgés de 3 ans et plus atteints de TB-MR/RR recevant des schémas thérapeutiques longs (recommandation conditionnelle, niveau de preuve modéré pour les estimations de l’effet), et que, dans le regroupement par priorité des médicaments à utiliser dans les schémas longs, il soit classé comme un médicament du groupe C (83). Le GDG de 2019 s’est néanmoins interrogé sur la faisabilité de l’administration de la dose appropriée aux enfants âgés de 3 à 5 ans, étant donné que le seul comprimé disponible à l’époque était celui pour adulte (c’est-à-dire de 50 mg) dont le contenu est difficile à manipuler sans compromettre son efficacité. Les revues ultérieures des lignes directrices de l’OMS en 2020 n’ont pas conduit à une modification de la recommandation de 2019, qui était celle en vigueur lorsque le GDG sur la tuberculose de l’enfant et de l’adolescent s’est réuni en mai et juin 2021.

Lacunes. Les recommandations concernant les enfants sont basées sur l’extrapolation de données d’efficacité obtenues chez des adultes, en combinaison avec des données de pharmacocinétique et d’innocuité provenant d’essais de phase II menés chez des enfants âgés de 3 à 17 ans. Il n’a cependant pas été possible de formuler une recommandation sur l’utilisation du délamanide chez les enfants âgés de moins de 3 ans par le passé en raison d’un manque de données, notamment en ce qui concerne la pharmacocinétique, l’innocuité et la tolérance. Les cliniciens ont donc eu des difficultés à concevoir des schémas thérapeutiques entièrement oraux pour les enfants âgés de moins de 3 ans, en particulier pour ceux qui ont (ou dont le cas source a) une résistance aux fluoroquinolones, les choix étant alors limités aux médicaments des groupes A et B. L’utilisation du délamanide chez les enfants âgés de moins de 3 ans a donc été identifiée comme une lacune à combler dans le cadre de la mise à jour de 2021 des lignes directrices sur la tuberculose chez les enfants et les adolescents.

Données probantes. Pour répondre à la question PICO sur l’utilisation du délamanide chez les enfants âgés de moins de 3 ans, le GDG a examiné les données d’un essai de phase I, ouvert, par désescalade en fonction de l’âge, conçu pour évaluer la pharmacocinétique, l’innocuité et la tolérabilité du délamanide administré deux fois par jour pendant 10 jours à des enfants atteints de tuberculose MR/RR traités avec un schéma thérapeutique optimisé (protocole 242-12-232),34 ainsi que les données de l’étude ouverte d’extension correspondante (protocole 242-12-233).35 Les données des cohortes 1 (12 à 17 ans), 2 (6 à 11 ans), 3 (3 à 5 ans) et 4 (0 à 2 ans) pour les deux protocoles ont été examinées. Les expositions étaient moins élevées dans la tranche d’âge de 0 à 2 ans que chez les enfants âgés de 3 ans et plus, ce qui a rendu nécessaire le recours à une approche de modélisation/simulation pour la posologie. Aucun signal de sécurité cardiologique différent de ceux signalés chez les adultes n’a été observé chez les enfants âgés de 0 à 2 ans. Ces conclusions doivent toutefois être interprétées en gardant à l’esprit que l’exposition au médicament était moins importante chez les enfants que chez les adultes. Cependant, des simulations pharmacodynamiques ont suggéré qu’il était peu probable que des modifications cliniquement significatives de l’espace QT (un allongement) soient observées chez les enfants âgés de moins de 3 ans, même si des doses plus élevées étaient utilisées pour obtenir des expositions au médicament comparables à celles des adultes.

Les effets produits par ce médicament sur le système nerveux central chez les adultes et les enfants (paresthésie, tremblements, anxiété, dépression et insomnie) ont été signalés dans la notice du délamanide comme posant potentiellement d’importants problèmes d’innocuité. En mars 2021, le commanditaire de l’étude a publié une déclaration d’intention de modifier la notice pour inclure les hallucinations parmi les effets indésirables. Ce nouveau signal de sécurité était plus fréquent chez les enfants (par rapport aux adultes), avec 15 déclarations chez 14 enfants âgés de 2 à 16 ans en Afrique du Sud, en Inde, aux Philippines, au Tadjikistan et en Ukraine. Les enfants ayant présenté ce signal de sécurité comprenaient des enfants atteints de formes de tuberculose extrêmement résistantes (TB-MR/UR) traités par le délamanide dans le cadre de programmes (12 déclarations) ainsi que des enfants participant à un essai clinique sur le délamanide pour la prévention de la tuberculose (trois déclarations). Sept des 15 déclarations concernaient des enfants recevant également de la cyclosérine (dans le cadre de programmes). Le GDG a souligné l’importance des effets secondaires affectant le système nerveux central chez les jeunes enfants, alors que leur cerveau est en plein développement.

Outre les données des essais, des données individuelles de patients atteints de tuberculose pharmacorésistante ont fait l’objet d’une analyse descriptive (24 231 enregistrements provenant des six régions de l’OMS, la majorité provenant d’Afrique du Sud et d’Inde). La recherche des données a été menée en avril 2020. Parmi ces enregistrements, un peu moins de 20 000 ont été utilisés pour une analyse appariée des résultats du traitement chez les enfants traités pour une tuberculose
pharmacorésistante. Ces données individuelles de patients pédiatriques atteints de tuberculose pharmacorésistante ne comprenaient que sept enfants âgés de moins de 3 ans traités avec du délamanide, 14 enfants âgés de 3 à 6 ans et 69 enfants âgés de 6 à 12 ans. Tous les 21 enfants âgés de moins de 6 ans ont été traités avec succès. Le nombre d’enfants était insuffisant pour pouvoir réaliser une analyse appariée.

Observations du GDG. Le GDG a fait remarquer qu’au moment où l’essai de phase II sur le délamanide a été lancé, la disponibilité de plusieurs des médicaments complémentaires du schéma thérapeutique de base optimisé était limitée (notamment le linézolide et la moxifloxacine). Au moment où l’essai de phase III a commencé, le linézolide et la moxifloxacine étaient devenus plus accessibles, rendant probablement plus efficaces les schémas thérapeutiques de base optimisés utilisés dans cet essai, et l’effet supplémentaire d’un médicament (du délamanide) dans le schéma d’intervention plus difficile à démontrer. Le GDG a conclu que les effets désirables sont faibles. La discussion du GDG sur les effets indésirables a surtout porté sur les événements indésirables, notamment ceux concernant le système nerveux central et la toxicité cardiaque, ainsi que les hallucinations, événement indésirable nouvellement signalé qui suscitait une certaine inquiétude chez les membres du GDG, le cerveau des enfants étant en pleine phase de développement. Le GDG a considéré que les risques et les avantages (et l’équilibre entre les deux) sont très différents selon qu’il s’agisse de traiter un enfant atteint de formes résistantes de tuberculose (TB-MR/RR et tuberculose-UR) et disposant d’options de traitement limitées, ou un enfant en bonne santé qui présente un risque de développer une TB-MR à l’avenir (et chez qui le délamanide est utilisé en prévention). En conséquence, il a conclu que l’équilibre entre les effets souhaitables et les effets indésirables était probablement en faveur de l’intervention.
Le GDG a également déclaré que les implications en termes de ressources pourraient varier avec la probable future mise à disposition du comprimé dispersible de 25 mg. Il a été estimé que les schémas thérapeutiques longs contenant du délamanide pourraient permettre d’accroître l’équité et être acceptables pour les parties prenantes. En outre, le GDG a jugé que l’utilisation du délamanide chez les enfants serait probablement faisable, quel que soit leur âge, d’autant plus que la formulation adaptée aux enfants devrait être disponible courant 2021 (elle est aujourd’hui disponible). Cet avis a également pris en compte le fait que les comprimés pour adultes ne peuvent pas être divisés, écrasés ou dissous pour faciliter leur administration aux enfants sans risquer d’altérer la biodisponibilité.

Considérations relatives à des sous-groupes

Tuberculose extrapulmonaire. L’utilisation du délamanide chez les enfants atteints d’une forme extrapulmonaire de TB-MR/RR peut être envisagée (dans le cadre de schémas thérapeutiques longs utilisés pour le traitement des enfants atteints d’une forme extrapulmonaire de TB-MR/RR) en se basant sur une extrapolation des données relatives aux enfants atteints de tuberculose pulmonaire ; les essais sur le délamanide ont toutefois étudié sa pharmacocinétique et son innocuité chez les enfants atteints de formes pulmonaires de TB-MR/RR.

Enfants vivant avec le VIH. Aucun enfant vivant avec le VIH n’a été recruté dans les essais 242-12-232 et 233. Bien que les interactions médicamenteuses avec les antirétroviraux aient été évaluées chez des volontaires adultes en bonne santé, les rapports d’études sur le sujet suggèrent que l’association lopinavir/ritonavir, un inhibiteur du CYP3A4, augmente l’exposition corporelle totale au délamanide dans des proportions pouvant atteindre 25 % [rapport des moyennes géométriques : 1,22 (IC à 90 % : 1,06-1,40)] (90). Cette augmentation n’a pas de pertinence clinique et ne nécessite pas d’ajustement des doses. Aucune modification de l’exposition au délamanide n’a été observée lors d’une co-administration avec du ténofovir qui est un inhibiteur du CYP1A2 [rapport des moyennes géométriques : 0,96 (IC à 90 % : 0,84-1,10)], ou avec de l’éfavirenz qui est un faible inducteur du CYP3A4 [rapport des moyennes géométriques : 0,94 (IC à 90 % : 0,72-1,23)]. La prise de délamanide n’affecte pas l’exposition plasmatique des médicaments antirétroviraux ténofovir, lopinavir/ritonavir ou éfavirenz (94). Aucune étude sur les interactions médicamenteuses entre le délamanide et les inhibiteurs de l’intégrase n’a été réalisée, mais, si l’on se base sur les informations disponibles concernant les mécanismes métaboliques, le risque d’interaction médicamenteuse de type métabolique devrait être faible (95). Par conséquent, à la lumière des données disponibles, le délamanide peut être administré aux enfants vivant avec le VIH atteints de TB-MR/RR sous TAR sans qu’un ajustement des doses ne soit nécessaire.

Considérations relatives à la mise en oeuvre

Le délamanide est utilisé chez les adultes et les adolescents depuis 2014, ainsi que chez les enfants à partir de l’âge de 6 ans depuis 2016, et à partir de l’âge de 3 ans depuis 2019 ; les éléments à prendre en considération concernant sa mise en oeuvre pour une utilisation chez les enfants âgés de moins de 3 ans s’inscrivent donc dans le prolongement de ceux déjà en place. Parmi ces éléments, les principaux s’appliquant tout particulièrement à cette tranche d’âge sont la posologie établie en fonction de la disponibilité de la formulation dispersible à 25 mg et les effets secondaires d’ordre neuropsychiatrique.

Formulations du délamanide. Dans l’essai, le délamanide était administré sous forme de comprimés dispersibles de 25 mg, comme ceux déjà testés chez des enfants âgés de 3 à 5 ans. La biodisponibilité du délamanide peut être altérée lorsque le comprimé adulte de 50 mg est divisé, écrasé ou dissous. Il est également à craindre que le comprimé pour adulte se fragmente lorsqu’on tente de le diviser, et son contenu est extrêmement amer et a très mauvais goût. Ces comprimés étant sensibles à l’oxydation et à la chaleur, le fait de conserver des morceaux de comprimés pour une utilisation ultérieure risque de conduire à l’administration d’un composé actif moins concentré que prévu et de sous-produits d’oxydation indéterminés. La formulation de délamanide adaptée aux enfants (comprimé dispersible de 25 mg, non sécable) a été incluse dans la 8e Liste des médicaments essentiels pour les enfants de l’OMS parue en octobre 2021 (88), et a été approuvée par l’Agence européenne des médicaments en septembre 2021 ; elle est disponible auprès du GDF du Partenariat mondial Halte à la tuberculose depuis octobre 2021. Les participants à l’étude 242-12-233 appartenant à la cohorte d’enfants âgés de 0 à 2 ans ont reçu une formulation dispersible pédiatrique de 5 mg qui ne devrait pas être commercialisée. Il n’y a pas eu de comparaison directe de la bioéquivalence entre la formulation pédiatrique de 5 mg et le comprimé adulte de 50 mg. Dans une étude de bioéquivalence croisée, ni la concentration maximum [IC à 90 % du rapport des moyennes géométriques : 0,701-0,809], ni l’aire sous la courbe [IC à 90 % du rapport des moyennes géométriques : 0,775-0,909] ne répondaient aux critères de bioéquivalence établis par les organismes de réglementation. Les formulations pédiatriques de 5 mg et adulte de 50 mg ne sont donc pas interchangeables (96).

Des orientations sur la posologie du délamanide chez les enfants âgés de moins de 3 ans sont fournies dans le manuel opérationnel ; elles sont basées sur les résultats d’une consultation d’experts sur le sujet organisée à la suite de la réunion du GDG. Ces lignes directrices tiennent compte de la disponibilité de la formulation de délamanide dispersible de 25 mg.

Administration du délamanide. Dans les essais, la biodisponibilité du délamanide a été rendue optimale par une administration avec un repas riche en graisses ; son administration avec de la nourriture est donc un aspect important à prendre en compte lors de la mise en oeuvre dans la pratique. Chez les nouveau-nés, la fréquence des repas est plus élevée, ce qui va parfaitement dans le sens de l’objectif d’administrer le produit avec les aliments à teneur élevée en graisses.

Construction des schémas thérapeutiques longs. Un guide est fourni dans le manuel opérationnel sur la manière de construire les schémas thérapeutiques les plus adaptés aux enfants atteints de TB-MR/RR qui ne sont pas éligibles aux schémas thérapeutiques courts entièrement oraux (en utilisant les médicaments en fonction de la classification des médicaments recommandée par l’OMS, et avec une durée optimale de traitement).

Durée du traitement. Une réduction de la durée totale du traitement à moins de 18 mois peut être envisagée chez les enfants qui n’ont pas de maladie étendue (61). La tuberculose-maladie étendue (ou à un stade avancé) désigne la présence de lésions cavitaires bilatérales ou de lésions parenchymateuses étendues sur la radiographie thoracique. La TEP sévère désigne la présence d’une tuberculose miliaire ou d’une méningite tuberculeuse (c’est-à-dire d’une maladie disséminée) chez les adolescents et les adultes de plus de 15 ans. Chez les enfants âgés de moins de 15 ans, les formes extrapulmonaires de la maladie autres que les adénopathies tuberculeuses (ganglions
périphériques ou masse médiastinale isolée sans compression) sont considérées comme des formes sévères [adaptation de la référence (86)].

Utilisation simultanée du délamanide et de la bédaquiline, et utilisation du délamanide au-delà de 6 mois. Les données probantes évaluées par un GDG en novembre 2019 comprenaient de nouvelles données concernant l’utilisation concomitante du délamanide et de la bédaquiline. Ces nouvelles données n’étaient cependant pas suffisantes pour permettre au GDG de se prononcer sur l’efficacité de ces médicaments s’ils sont pris de façon concomitante. Toutefois, le groupe a conclu que les données d’innocuité évaluées en 2019 ne suggèrent aucun problème d’innocuité supplémentaire associé à leur utilisation concomitante. La bédaquiline et le délamanide peuvent donc être utilisés chez les personnes atteintes de TB-MR/RR pour qui les autres options thérapeutiques sont limitées, comme celles pour qui il n’existe qu’un nombre limité de médicaments efficaces qui puissent être inclus dans le schéma thérapeutique, par exemple en raison d’une résistance à un grand nombre de médicaments ou d’une intolérance à d’autres antituberculeux de deuxième intention. Chez ces patients, le suivi de l’innocuité (au début et tout au long du traitement) doit être assuré selon un calendrier approprié, notamment la surveillance de l’ECG et des électrolytes, et les cliniciens doivent garder à l’esprit que d’autres médicaments du schéma thérapeutique peuvent eux aussi être responsables d’un allongement de l’espace QT ou d’autres évènements indésirables éventuels. Les données disponibles sur l’utilisation du délamanide sont aujourd’hui limitées à la durée de 6 mois indiquée dans la notice, en association avec les autres médicaments inclus dans les schémas thérapeutiques longs ; une prolongation au-delà de 6 mois peut être envisagée au cas par cas (9).

Suivi et évaluation

Chez les enfants, le suivi de la réponse au traitement à l’aide de frottis et de cultures peut s’avérer difficile en raison des difficultés à obtenir des échantillons appropriés pour la réalisation de ces tests, pour les mêmes raisons qu’il est difficile d’obtenir une confirmation bactériologique du diagnostic. Chez les enfants pour qui le diagnostic a été confirmé par un examen bactériologique, toutes les mesures raisonnables doivent être prises pour confirmer la conversion bactériologique. Une fois que les cultures sont devenues négatives ou chez les enfants pour lesquels le diagnostic n’a jamais été confirmé, des prélèvements répétés des voies respiratoires ne sont pas toujours nécessaires si la réponse clinique est bonne. La disparition des symptômes cliniques et la prise de poids peuvent être utilisées comme des indicateurs d’amélioration. Tous les enfants doivent faire l’objet d’un suivi clinique régulier, comprenant un suivi du poids et de la taille. Au besoin, les doses de médicaments doivent être ajustées en fonction de la prise de poids.

Le risque d’émergence d’une résistance au délamanide doit être un élément essentiel à prendre en compte à chaque fois que ce médicament est utilisé. Chez les enfants âgés de moins de 3 ans, les difficultés à obtenir des échantillons appropriés peuvent compliquer la réalisation des tests de susceptibilité aux médicaments. Toutefois, en cas de suspicion d’acquisition d’une pharmacorésistance, tout doit être mis en oeuvre pour obtenir un échantillon approprié, par exemple du liquide d’aspiration gastrique, des expectorations induites ou des aspirations nasopharyngées.

Aucun signal de sécurité cardiologique différent de ceux signalés chez les adultes n’a été observé chez les enfants âgés de 0 à 2 ans. Cependant, ces observations ont le plus souvent été faites chez des patients pour lesquels les concentrations étaient infrathérapeutiques. Étant donné qu’il n’est pas toujours possible d’effectuer une évaluation de l’espace QTc avant de commencer à administrer le délamanide, il peut être important d’adapter les stratégies d’atténuation des risques lorsque le délamanide est prescrit en association avec d’autres agents connus pour être responsables d’un allongement de l’espace QTc (par exemple en faisant en sorte que les taux d’électrolytes restent stables).

Chez les enfants traités par le délamanide (en hospitalisation ou à domicile), il sera très important de surveiller l’apparition d’effets neuropsychiatriques (notamment d’hallucinations). Une attention particulière doit être accordée aux enfants qui reçoivent d’autres médicaments ayant des effets neuropsychiatriques connus, par exemple de la cyclosérine. Par conséquent, les systèmes en place de suivi de l’innocuité des médicaments antituberculeux prescrits et de gestion des problèmes éventuels doivent être fonctionnels pour permettre la détection, la prise en charge et le signalement en temps utile des cas présumés ou confirmés de toxicité médicamenteuse.

L’enregistrement et la transmission des informations sur le diagnostic, les schémas thérapeutiques, le suivi clinique et les résultats du traitement concernant les enfants et les adolescents atteints de TB-MR/RR constituent des éléments importants pour le suivi de la mise en oeuvre programmatique des nouveaux schémas thérapeutiques recommandés, ainsi que pour le suivi des mesures prises en vue d’améliorer la détection des cas d’enfants atteints de tuberculose pharmacorésistante. La transmission des données des programmes nationaux sur l’utilisation du délamanide chez les enfants de tous les âges est importante pour enrichir la base de données probantes.

³⁴ Pharmacokinetic and safety trial to determine the appropriate dose for pediatric patients with multidrug resistant tuberculosis (https://clinicaltrials.gov/ct2/show/NCT01856634, page consultée le 25 mai 2022).

³⁵ A 6-month safety, efficacy, and pharmacokinetic (PK) trial of delamanid in pediatric participants with multidrug resistant tuberculosis (MDR-TB) (https://clinicaltrials.gov/ct2/show/NCT01859923, page consultée le 25 mai 2022).

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