3.2.3 Choix d’un algorithme pour un programme de dépistage

Le choix des algorithmes de dépistage et de diagnostic doit être basé sur :

  • les buts spécifiques du dépistage ;
  • la précision et le rendement des tests de dépistage et de diagnostic (voir le Tableau des performances modélisées à l’Annexe 2) ;
  • le profil des groupes à risque prioritaires ;
  • la prévalence de la tuberculose dans les groupes à risque ;
  • les coûts, la disponibilité et la faisabilité des différents tests ;
  • la capacité à mobiliser la population à dépister.

Les buts spécifiques du dépistage déterminent en partie l’importance relative de la sensibilité de l’algorithme par rapport à sa spécificité et le compromis à trouver entre le coût et le rendement ou l’impact épidémiologique potentiel. Par exemple, si l’un des buts est de déterminer l’éligibilité au TPT (par exemple, dans le cadre d’une recherche des contacts, des personnes vivant avec le VIH ou d’autres populations ou individus qui pourraient tirer profit du TPT), il est essentiel d’avoir une sensibilité très élevée (et donc une valeur prédictive négative très élevée pour le résultat du test), et ce, même si la spécificité est sous-optimale (ce qui, dans ce cas, pourrait conduire à l’aiguillage de personnes supplémentaires vers une évaluation diagnostique et éventuellement un traitement inutile de la tuberculose). Dans d’autres situations, il peut être essentiel d’éviter les diagnostics faussement positifs et de maximiser l’utilisation efficace de ressources limitées pour l’évaluation diagnostique. Un algorithme moins sensible mais hautement spécifique peut alors être préférable, comme dans le cas d’un programme de dépistage clinique dans une zone urbaine à forte densité de population, dans laquelle la capacité des laboratoires et l’approvisionnement en cartouches pour les tests de diagnostic seraient rapidement épuisés si un algorithme de dépistage et de diagnostic à faible spécificité était utilisé.

Le profil du groupe à risque peut également influencer le choix de l’algorithme, car la précision de certains outils est affectée par des facteurs biologiques sous-jacents associés à certains facteurs de risque (par exemple, le dépistage par radiographie thoracique est moins sensible chez les personnes vivant avec le VIH). Certaines considérations concernant les meilleurs algorithmes pour des groupes à risque spécifiques sont basées sur leur risque de tuberculose et de résultats défavorables si la tuberculose n’est pas détectée précocement, ainsi que sur des considérations logistiques du dépistage spécifiques au groupe à risque et au lieu où le dépistage est effectué (voir plus loin).

La prévalence de la tuberculose dans un groupe à risque influe directement sur les valeurs prédictives de tous les tests et, par conséquent, sur l’apparition de résultats vrais ou faux. Plus la prévalence est faible, plus il est important que l’algorithme ait une spécificité très élevée, afin d’éviter une forte proportion de diagnostics faussement positifs.

Le coût total d’un algorithme dépend du coût unitaire de chaque test (y compris les coûts de démarrage et de fonctionnement), du nombre total de tests requis et des frais généraux pour la prestation des services.

Les différents algorithmes nécessitent un nombre différent de tests pour une population donnée avec une prévalence de tuberculose donnée. Les tableaux de l’Annexe 2 indiquent, pour les différents algorithmes, le nombre estimé de tests nécessaires en fonction du rendement de détection des cas. L’outil décrit à la Sous-section 3.3 peut être utilisé pour générer des estimations de coûts pour chaque algorithme et groupe à risque en fonction d’hypothèses de coûts locales. Ces informations peuvent être utilisées pour effectuer une rapide analyse du rapport coût/efficacité par vrai cas détecté. Toutefois, la disponibilité, le coût et la faisabilité des tests peuvent varier considérablement d’une partie à une autre du système de soins de santé. Le dépistage de proximité exige la prise en compte de la mobilité et des conditions de terrain. Par exemple, la technologie de radiographie thoracique numérique offre des coûts de fonctionnement plus faibles et une mobilité plus élevée que la radiographie thoracique conventionnelle, mais elle nécessite un investissement initial élevé. Le dépistage des symptômes peut être relativement peu coûteux, notamment dans les services intégrés, mais il est relativement peu sensible. L’évaluation diagnostique peut être plus facile à réaliser dans des conditions de proximité si une collecte et un transport appropriés des expectorations peuvent être organisés. Les ressources supplémentaires requises pour mettre en oeuvre le dépistage de la tuberculose ne doivent pas décourager les gestionnaires d’investir dans cette intervention. Au contraire, elles doivent stimuler la mobilisation des fonds nécessaires.

Il convient également de tenir compte de la capacité à mobiliser la population à dépister. Si l’algorithme utilisé a des répercussions importantes sur le budget et la logistique, il en va de même de l’approche utilisée pour effectuer le dépistage. La recherche des contacts peut nécessiter des visites à domicile, ou il peut être demandé aux personnes atteintes de tuberculose d’amener leurs contacts dans un centre de santé pour qu’ils y soient testés. Bien que cette dernière solution soit beaucoup moins coûteuse, le nombre de personnes dépistées risque d’être beaucoup plus faible. De même, des actions de proximité peuvent nécessiter la mise en place d’équipes de traitement et de laboratoires mobiles, des visites à domicile ou l’utilisation de haut-parleurs pour annoncer la disponibilité des services de dépistage. Les différentes approches fonctionnent différemment selon les milieux, et leur impact dépendra du rendement et du nombre de personnes touchées et testées. Il peut être nécessaire de prendre en compte l’acceptabilité d’un test donné et les croyances des personnes dépistées et des agents de santé. Il convient également de prendre en compte les dépenses personnelles nécessaires à la réalisation du dépistage.

Considérations relatives aux algorithmes pour les groupes à risque

Le choix de l’algorithme de dépistage est influencé par la prévalence de la tuberculose, les risques de mauvais résultats thérapeutiques ou de mortalité, les facteurs logistiques associés au lieu probable du dépistage et les considérations relatives à l’initiation du TPT pour certains groupes à risque. Puisque certains algorithmes nécessitent inévitablement plus de ressources, c’est probablement la disponibilité des ressources qui déterminera l’algorithme à utiliser.

Contacts

Puisque les contacts proches des personnes atteintes de tuberculose ont une prévalence élevée de tuberculose, leur risque élevé de tuberculose et leur éligibilité au TPT indiquent un dépistage urgent de ce groupe à risque. Comme le dépistage dans ce groupe vise à identifier précocement la tuberculosemaladie et à exclure avec précision la tuberculose, un algorithme très sensible est préférable, et si possible un algorithme qui commence par la radiographie thoracique en raison de sa sensibilité et de sa spécificité élevées. Pour assurer une couverture élevée de ce groupe à risque, le dépistage des contacts doit idéalement commencer dans le foyer du patient. Ainsi, le transport du patient vers un centre de santé proche ou une unité de radiographie thoracique mobile sera nécessaire pour mettre en oeuvre les algorithmes basés sur la radiographie thoracique dans ce groupe à risque. Le coût de ce dépistage sera élevé, mais ce groupe à risque est de taille plus réduite que les autres groupes. Bien qu’un algorithme basé sur la radiographie thoracique soit préférable pour ce groupe, un algorithme plus réalisable doit être choisi lorsque les services radiographie thoracique ne sont pas encore disponibles pour le programme de dépistage.

Travailleurs des mines

Une approche de dépistage basée sur la radiographie thoracique associée au dépistage des symptômes de la tuberculose et des maladies pulmonaires est également préférable pour les travailleurs des mines exposés à la silice, étant donné leur risque élevé de maladies pulmonaires (y compris la tuberculose) et de lésions pulmonaires dues à la silicose. Les grandes mines disposent souvent d’installations sur place pour effectuer un dépistage par radiographie thoracique des employés ; les mines plus petites et informelles peuvent avoir une capacité limitée et devoir recourir à d’autres prestataires tout en augmentant leur capacité.

Prisonniers

Étant donné le risque élevé de transmission dans ce groupe, il est préférable d’utiliser un algorithme très sensible qui commence par une radiographie thoracique. Les établissements pénitentiaires et les prisons de grande taille peuvent disposer d’une capacité de radiographie sur place ou faire appel à des camionnettes mobiles pour les campagnes de dépistage. Dans les petites institutions ou les endroits où la capacité de radiographie thoracique n’est pas disponible, les algorithmes de dépistage basés sur les symptômes ou le mWRD peuvent être acceptables jusqu’à ce que les services de radiographie thoracique soient disponibles.

Personnes présentant des facteurs de risque cliniques

Dans les milieux où la prévalence générale de la tuberculose est supérieure à 100/100 000, le dépistage de la tuberculose peut être effectué chez les personnes présentant des facteurs de risque de tuberculose qui consultent pour une raison médicale quelconque ou chez qui sont traitées. L’accès à la radiographie est plus probable dans un centre de santé. Cette technologie peut maximiser la sensibilité du dépistage. Le dépistage des symptômes est également précieux pour les décisions immédiates de triage et de lutte contre l’infection.

Population générale et communautés présentant des facteurs de risque structurels

Pour le dépistage communautaire dans les populations présentant des facteurs de risque structurels de tuberculose et/ou dans la population générale lorsque la prévalence de la tuberculose est supérieure ou égale à 0,5 %, un algorithme de dépistage très sensible fournira le rendement le plus élevé en termes de maximisation de la détection des cas, car un travail substantiel est généralement nécessaire pour porter les activités d’intervention sur le terrain. Cependant, la mise en oeuvre d’un tel algorithme nécessite des ressources importantes. Le dépistage des symptômes est beaucoup plus facile à mettre en oeuvre, mais il est moins sensible et moins spécifique – en fonction de l’approche des symptômes – et a un impact potentiel plus faible sur la transmission ou la prévalence dans la population. Le dépistage basé sur les mWRD est très précis (particulièrement spécifique) mais a des implications substantielles en termes de ressources.

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