Liens transversaux de livre pour 5.2 Justification and evidence
La recommandation de la présente section porte sur la question PICO suivante :
Question PICO (tuberculose MR-RR, 2018). Chez les patients atteints de tuberculose MR-RR traités par des schémas thérapeutiques plus longs ou plus courts composés selon les lignes directrices de l’OMS, le suivi par cultures mensuelles, en plus de l’examen microscopique de frottis, est-il plus susceptible de détecter la non-réponse au traitement ?
De précédentes études indiquaient que la culture mensuelle est la stratégie optimale pour détecter le plus tôt possible la non-réponse et a été recommandée sous condition par l’OMS en 2011 comme l’approche privilégiée (8, 105, 106). Les conclusions de l’examen et de l’analyse des données effectués pour cette question devraient avoir une incidence sur le maintien de la validité, dans sa forme actuelle, de la recommandation de l’OMS de 2011 (8). Depuis, des modifications importantes ont eu apportées aux pratiques de traitement de la tuberculose MR à l’échelle mondiale, comme l’utilisation plus large des fluoroquinolones, de la bédaquiline et du linézolide de dernière génération ; une tendance vers une phase intensive plus longue ; et l’utilisation généralisée du schéma plus court, qui pourrait avoir une incidence sur la vitesse et la durabilité de la conversion de culture pendant la phase de continuation, quand cette question PICO est la plus pertinente.
La conversion bactériologique durable du positif au négatif est largement utilisée pour évaluer la réponse au traitement tant pour la tuberculose pharmacosensible que pour la tuberculose pharmacorésistante. La culture est un test plus sensible pour la confirmation bactériologique de la tuberculose que l’examen microscopique direct des expectorations et d’autres échantillons biologiques. Elle facilite également le test phénotypique pour le DST, une considération essentielle dans le diagnostic de la tuberculose. Cependant, la réalisation de la culture requiert une organisation logistique considérable et un laboratoire bien équipé afin de limiter la contamination croisée, de garantir une bonne croissance bactérienne et de respecter d’autres normes de qualité. Outre les ressources nécessaires, les résultats de la culture sont disponibles après un long délai qui se compte en semaines ou en mois, contrastant fortement avec l’immédiateté relative du résultat de l’examen microscopique direct (bien que la microscopie ne puisse confirmer la viabilité des mycobactéries). Si les techniques moléculaires permettent aujourd’hui d’obtenir un diagnostic rapide et fiable, elles ne peuvent pas remplacer la culture ou l’examen microscopique pour le suivi du statut bactériologique pendant le traitement.
Les données utilisées pour étudier la valeur ajoutée de la culture par rapport à l’examen microscopique de frottis seul, et la fréquence optimale du suivi, provenaient d’un sous-ensemble de DIP communiqué à l’OMS par l’Afrique du Sud pour la mise à jour de 2018. Ces données d’observation en provenance d’Afrique du Sud représentaient au total 26 522 patients. Parmi eux, 22 760 dossiers ont été exclus de l’ensemble de données pour les raisons suivantes : 11 236 étaient décédés ou perdus de vue ; 698 avaient un résultat de succès thérapeutique positif, mais avaient reçu moins de 17,5 mois de traitement ; 1 357 avait moins de six échantillons de culture enregistrés ; 1632 n’avait pas enregistré de culture de départ ; 2502 avaient un résultat de culture de départ négatif ; 2 920 présentaient un frottis négatif au départ ou n’avaient pas de frottis de départ ; et 2 415 avaient des données de frottis insuffisantes pour correspondre aux données de culture. Il restait donc 3 762 dossiers de patients atteints de tuberculose MR-RR (dont 1,8 % d’enfants de moins de 15 ans) traités avec des schémas de tuberculose MR plus longs entre 2010 et 2015, avec des données mensuelles sur le frottis et la culture tout au long du traitement pour répondre à la question PICO 11 (tuberculose MR-RR, 2018). Environ 60 % de ces patients étaient des PVVIH. L’analyse était axée sur la question de savoir si la culture mensuelle par rapport à l’examen microscopique mensuel ou à la culture tous les deux mois est nécessaire pour éviter que l’échec thérapeutique chez les patients atteints de tuberculose MR-RR sous traitement ne passe inaperçu. Le risque d’échec thérapeutique chez les patients en situation de non-conversion au bout de 6 mois ou plus a également fait l’objet d’une discussion (voir Section 5.4 et Tableau 5.1). Les données ne pouvaient pas porter sur le résultat de l’acquisition (amplification) d’une résistance supplémentaire aux médicaments, et ne permettaient pas de déterminer directement si la fréquence de l’examen microscopique de la culture ou du frottis avait un effet identique sur l’échec chez les patients sous le schéma plus court de 9-12 mois contre la tuberculose MR, comme envisagé dans la question PICO 11 originale (tuberculose MR-RR, 2018). Après évaluation, effectuée à l’aide de critères prédéfinis et décrits dans GRADEpro, le niveau de certitude des données quant à la précision des tests a été jugé moyen.
La méta-analyse des DIP comparait les performances des deux méthodes en termes de sensibilité et de spécificité, et les tests de culture une fois par mois par rapport à une fois tous les 2 mois (pour évaluer la fréquence minimale des tests nécessaires afin de ne pas retarder inutilement toute modification du traitement). L’objectif de l’analyse était de comparer la performance des deux tests en termes de prévision de l’échec thérapeutique ou de la rechute.
Les principales conclusions de l’analyse étaient que la culture mensuelle avait une sensibilité supérieure à celle de l’examen microscopique de frottis mensuel (0,93 contre 0,51), mais une spécificité légèrement inférieure (0,97 contre 0,99). De même, la sensibilité de la culture effectuée une fois par mois était beaucoup plus élevée qu’une fois tous les 2 mois (0,93 contre 0,73), mais avait une spécificité légèrement inférieure (0,97 contre 0,98). La culture mensuelle augmentait le nombre de patients ayant pour résultat bactériologique un vrai positif de 13 pour 1000 patients et réduisait les faux-négatifs de 13 pour 1000 patients par rapport à l’examen microscopique de frottis seul. En revanche, on estimait que la culture mensuelle donnait 17 pour 1000 vrais négatifs en moins et 17 pour 1000 faux positifs en plus pour l’échec thérapeutique, ce qui implique que le traitement peut être prolongé en cas de faux positif ou lorsqu’on est passé à côté d’un vrai négatif. L’inconvénient supplémentaire pour le patient et le programme est considéré comme relativement faible, étant donné que le prélèvement d’expectoration et de nombreux autres échantillons biologiques est généralement une pratique courante non invasive dans de nombreux programmes. Dans un contexte où les tests sont répétés chaque mois, un seul faux positif a peu de chances d’être préjudiciable pour le patient, car les décisions thérapeutiques reposent habituellement sur au moins deux résultats positifs consécutifs (pour indiquer une positivité prolongée ou une réversion) et l’effet d’un résultat erroné ne durerait que jusqu’aux résultats du test suivant réitéré un mois plus tard.
La probabilité brute d’échec thérapeutique augmentait régulièrement à chaque mois supplémentaire sans conversion bactériologique, passant de 3,6 à la fin du premier mois à 45 au huitième mois lors de l’utilisation de la culture (Tableau 5.1). Cependant, il n’a pas été possible d’établir une valeur discrète utilisée comme seuil (pouvant servir de marqueur fiable d’un schéma défaillant) à laquelle la probabilité d’échec augmentait fortement lors du suivi par examen microscopique ou culture de frottis. Le seuil pour savoir quand modifier le traitement dépend donc de la volonté du médecin de minimiser le risque d’échec et, en particulier, de limiter le risque de prolonger un schéma défaillant.
Tableau 5.1. Odds ratio brut (LC 95 %) de l’échec thérapeutique chez les patients atteints de tuberculose MR-RR sans conversion bactériologique à la fin des mois successifs de traitement par rapport aux patients avec conversion, par méthode de test utilisée ; Méta-analyse des DIP pour la question PICO 7 tuberculose MR-RR, 2018 (Afrique du Sud, n=3 762)
LC : limites de confiance ; DIP : données individuelles des patients ; Tuberculose MR-RR : tuberculose multirésistante ou résistante à la rifampicine ; PICO : Population, intervention, comparaison, résultat (population, intervention, comparator and outcomes en anglais).
Le niveau de certitude quant à l’estimation de la précision des tests était moyen et le GDG a estimé que, dans des conditions normales, la culture serait toujours un test plus sensible du statut bactérien positif que l’examen microscopique de frottis. Toutefois, la qualité globale des données a été jugée faible. Les effets observés peuvent varier chez les patients ou les populations avec un profil nettement différent de ceux inclus dans l’analyse, comme les milieux à faible prévalence de VIH, les enfants, les patients atteints de formes extrapulmonaires de la maladie ou ceux traités avec le schéma plus court pour la tuberculose MR. Les 3 762 patients inclus dans l’analyse présentaient des caractéristiques cliniques semblables aux 22 760 personnes exclues, bien qu’ils fussent légèrement moins susceptibles d’être infectés par le VIH, d’avoir des antécédents de traitement ou d’avoir une résistance aux médicaments de deuxième intention. En revanche, le taux d’échec chez les patients inclus dans l’analyse n’était que de 3 %, contre à 12,7 % pour ceux exclus de l’analyse.