Liens transversaux de livre pour 4.2 Justification and evidence
Les recommandations de la présente section portent sur une question PICO :
Question PICO (tuberculose Hr, 2018) : Chez les patients atteints de tuberculose résistante à l’isoniazide (autre que la tuberculose MR), quelle composition et quelle durée du schéma thérapeutique, comparativement à 6 mois ou plus de rifampicine– pyrazinamide–éthambutol, donnent de meilleures chances de succès avec le moins de risque possible de préjudices ?
Le traitement par rifampicine, éthambutol et pyrazinamide – avec ou sans isoniazide – est utilisé pour traiter les patients atteints de tuberculose sensible à la rifampicine et résistante à l’isoniazide (tuberculose Hr) (81-83). Les données examinées pour cette ligne directrice comparaient les schémas thérapeutiques contenant l’isoniazide, la rifampicine, l’éthambutol, le pyrazinamide ((H)REZ)40 de différentes durées (p. ex. les schémas de 6 mois contre des schémas plus longs). En outre, l’examen des données visait à déterminer s’il était possible d’améliorer les résultats thérapeutiques des patients atteints de tuberculose-Hr recevant un schéma thérapeutique (H)REZ de durée variable en ajoutant une fluoroquinolone ou de la streptomycine.
Les données utilisées pour déterminer la composition et la durée des schémas reposaient principalement sur une analyse des DIP, comprenant 33 bases de données avec une population analysable de 5 418 patients atteints de tuberculose-Hr. Toutes les données utilisées pour formuler ces recommandations proviennent d’études d’observation menées dans différents contextes (33 % en Europe, 31 % en Amérique, 26 % en Asie et 6 % en Afrique) (84).41 Dans les DIP analysées, les schémas thérapeutiques des patients contenaient de la rifampicine, de l’éthambutol, du pyrazinamide, de la streptomycine, de l’isoniazide et des fluoroquinolones ; de ce fait, des recommandations ont pu être formulées uniquement pour des schémas contenant ces agents antituberculeux. Suite à son évaluation, effectuée à l’aide de critères prédéfinis, le niveau de certitude des données a été jugé très faible.
Durée du schéma (H)REZ
L’analyse comparant les schémas thérapeutiques (H)REZ de 6 mois (6(H)REZ) et de plus de 6 mois (>6(H)REZ) a révélé que les chances de succès thérapeutique étaient supérieures avec le premier. D’autres analyses ont montré qu’il n’existait pas de différence statistiquement significative entre les résultats thérapeutiques des patients recevant des schémas REZ pendant 6 mois (6REZ) et ceux recevant ces mêmes schémas pendant plus de 6 mois. En l’absence de donnée sur l’administration intermittente des schémas (H)REZ de 6 mois et plus, aucune conclusion n’a pu être tirée sur l’utilisation des schémas intermittents par rapport aux schémas quotidiens. L’effet de la durée d’utilisation du pyrazinamide dans le schéma (H)REZ a été évalué afin de déterminer si l’utilisation de ce médicament pouvait être amenée à la durée la plus courte possible. La réduction du traitement par pyrazinamide à moins de 3 mois a été associée à de plus mauvaises issues thérapeutiques, même avec l’ajout de streptomycine (ORa : 0,4, LC 95 % : 0,2-0,7). Chez 118 patients sous schémas avec de la fluoroquinolone ayant reçu du pyrazinamide pendant moins de 4 mois, les chances de succès thérapeutique étaient plus élevées que chez ceux ayant reçu le schéma 6(H)REZ, même si la différence n’était pas statistiquement significative.
Durée de l’utilisation de la lévofloxacine
Dans un sous-échantillon de 241 patients sous schéma (H)REZ plus fluoroquinolone, la durée moyenne de l’utilisation de la fluoroquinolone était de 6,1 mois (IQR : 3,5, 8,4) et de 9 mois (IQR : 7, 11) pour le schéma REZ. Il semble donc que la durée du traitement ait été basée sur l’achèvement de 6 mois de traitement avec une fluoroquinolone dans les études d’observation sur lesquelles reposent les DIP
Acquisition de la résistance aux médicaments
L’analyse indiquait que l’amplification de la résistance à la rifampicine était plus faible chez les patients recevant le schéma 6(H)REZ (0,6 %) que chez ceux recevant le schéma >6(H)REZ (4,3 %). Cette observation pourrait être due à la sélection des patients et à leur répartition dans des schémas spécifiques ; par exemple, le nombre de patients souffrant d’une maladie étendue était légèrement plus élevé chez ceux qui recevaient les schémas >6 (H)REZ. Toutefois, dans l’ensemble, le nombre d’observations pour chaque comparaison était faible et l’effet n’était pas statistiquement significatif (ORa, 0,2 ; LC 95 % : 0,02-1,70).
Événements indésirables
Les données sur les événements indésirables n’ont pas été évaluées en raison du manque de normalisation (systèmes de notification différents). Le GDG a également examiné deux rapports contenant des données relatives à des patients des États-Unis dans lesquels une évaluation détaillée des événements indésirables indiquait un risque d’hépatotoxicité excessive avec l’association 6(H)REZ (85). L’hépatotoxicité induite par les médicaments n’est pas rare avec les antituberculeux. Elle a également été signalée chez des personnes recevant de la rifampicine et du pyrazinamide pendant 2 mois pour le traitement de l’infection tuberculeuse – chez ces personnes, l’hépatotoxicité était nettement plus courante que chez celles recevant uniquement le traitement préventif à l’isoniazide (86). On ne sait pas si le risque d’hépatotoxicité est différent entre les schémas 6REZ et 6HREZ.
Ajout d’une fluoroquinolone
Chez les patients atteints de tuberculose-Hr, les taux de succès thérapeutique étaient plus élevés lorsque des fluoroquinolones étaient ajoutées aux schémas (H)REZ par rapport aux patients traités pendant 6 mois ou plus avec un schéma (H)REZ sans ajout de fluoroquinolones (ORa, 2,8 ; LC 95 % : 1,1-7,3). L’ajout de fluoroquinolones chez les patients recevant (H)REZ a entraîné une réduction du nombre de décès (ORa : 0,4 ; LC 95 % : 0,2-1,1). L’acquisition d’une résistance supplémentaire avec évolution vers la tuberculose MR a également été réduite lorsque des fluoroquinolones ont été ajoutées à un schéma ≥6(H)REZ (ORa, 0,10 ; LC 95 % : 0,01-1,2), malgré les faibles nombres absolus ; 0,5 % (1/221) des patients sous ≥6(H)REZ plus fluoroquinolones ont acquis une résistance à la rifampicine contre 3,8 % (44/1 160) des patients qui n’ont pas reçu de fluoroquinolones. Une confusion résiduelle aurait pu augmenter cet effet observé. Le caractère direct des données a donc été revu à la baisse, car aucun élément n’indiquait clairement si les fluoroquinolones étaient utilisés au début du traitement ou uniquement une fois que les résultats des DST étaient disponibles (au deuxième mois ou plus tard).
Ajout de streptomycine
L’analyse a montré que l’ajout de streptomycine ( jusqu’à 3 mois) à un schéma (H)REZ avec un traitement de moins de 4 mois de pyrazinamide diminuait les chances de succès thérapeutique (ORa, 0,4 ; LC 95 % : 0,2–0,7), effet qui peut en partie être dû au facteur de confusion. L’ajout de streptomycine n’a pas réduit la mortalité de façon significative (voir Annex 3 et 4). . Il n’y avait aucune donnée sur l’utilisation d’autres produits injectables (c.-à-d. kanamycine, amikacine et capréomycine) pour le traitement de la tuberculose Hr.
Résultats thérapeutiques
Lors de l’analyse des résultats thérapeutiques généraux pour chacun des schémas évalués dans le cadre de cette revue, d’autres limites liées aux caractéristiques des patients inclus dans ces études ont été mises en évidence et n’ont pas pu être contrôlées. Ces limites étaient la sélection des patients, l’affectation à un traitement avec des schémas spécifiques et le lien avec la gravité de la maladie. Les patients avec une tuberculose cavitaire, une persistance de frottis positif et des antécédents de traitement antituberculeux, qui ont reçu un schéma 6(H)REZ ou ≥6(H)REZ avec 3 mois supplémentaires de pyrazinamide et 1 à 3 mois de streptomycine, ont eu de moins bons résultats (voir tuberculose Hr, 2018, dans Annex 3). Cependant, en raison du nombre limité d’observations, il a été difficile de tirer des conclusions définitives basées sur la gravité de la tuberculose ou l’effet d’autres comorbidités sur ce schéma.
En formulant les recommandations, le GDG a évalué l’équilibre global entre les avantages et les préjudices d’un schéma (H)REZ–lévofloxacine ; il a également pris en compte les valeurs et les préférences (en accordant une attention particulière aux considérations d’équité, d’acceptabilité et de faisabilité), en plus des résultats cliniques et des risques potentiels de toxicités accrues (voir Web Annex 3 et Web Annex 4 pour plus de détails). Il en a conclu qu’un schéma sur 6 mois de REZ plus fluoroquinolones était associé à des taux de succès thérapeutique plus élevés (avec ou sans ajout d’isoniazide). La différence entre les schémas 6(H)REZ et les schémas >6(H)REZ était modeste, légèrement en faveur du schéma sur 6 mois (non statistiquement significative). Le GDG a reconnu qu’il n’était pas possible de contrôler tous les éventuels biais de confusion par indication en comparant les schémas de 6(H)REZ et >6(H)REZ. Par exemple, bien que les données sur l’étendue de la maladie n’aient pas été systématiquement obtenues pour tous les patients, il est possible qu’un plus grand nombre de personnes avec une tuberculose étendue aient reçu des schémas >6(H)REZ, ce qui a entraîné de mauvais résultats pour ce groupe de patients (compte tenu de l’étendue de la maladie) et peut-être favorisé le schéma 6(H)REZ.
Le GDG a reconnu les implications en termes de sécurité du schéma (H)REZ–lévofloxacine, en particulier l’hépatotoxicité associée à l’utilisation prolongée de schémas composés de plusieurs médicaments et contenant du pyrazinamide. Cependant, la réduction de la durée du traitement par pyrazinamide à 3 mois ou moins a été associée à une aggravation des résultats thérapeutiques, au moins dans les schémas contre la tuberculose-Hr sans fluoroquinolone. En outre, l’utilisation de la streptomycine dans ces schémas n’a été associée à aucun avantage supplémentaire significatif. L’utilisation de streptomycine et d’autres produits injectables a également été associée à une augmentation des événements indésirables graves (87-89). Sur cette base, le GDG a convenu que les données actuelles étaient favorables à l’utilisation du schéma (H)REZ–lévofloxacine sans streptomycine ou tout autre produit injectable dans les cas de tuberculose-Hr, sauf raison impérieuse d’utiliser ces produits (par exemple, certaines formes de polyrésistance)
Le GDG a également noté que les patients étaient susceptibles d’accorder une grande importance à un schéma sur 6 mois, à la probabilité d’une issue favorable sans rechute et, surtout, à la mise en oeuvre d’un schéma sans produit injectable. Les membres du GDG ont convenu que l’utilisation du schéma 6(H)REZ augmenterait probablement l’équité en matière de santé, compte tenu du coût des composantes relativement faible (par rapport aux schémas thérapeutiques recommandés pour la tuberculose MR-RR) ainsi que des plus grandes chances de guérison chez de nombreux patients. En outre, l’exclusion de la streptomycine et d’autres produits injectables réduit les obstacles potentiels à l’administration du schéma.
Bien que les coûts pour les patients n’aient pas été pris en compte dans l’analyse, le GDG a convenu qu’il serait utile d’améliorer la capacité diagnostique à détecter la résistance à l’isoniazide. Une analyse par modélisation effectuée pour la mise à jour 2011 des WHO Guidelines for the programmatic management of drug-resistant tuberculosis (8) a permis d’estimer que la meilleure stratégie pour éviter les décès et prévenir la tuberculose MR acquise consistait à réaliser un DST chez tous les patients avant traitement à l’aide d’un test rapide qui détecte la résistance à l’isoniazide et à la rifampicine (90). La modélisation a également montré que les tests rapides pour la résistance à l’isoniazide et à la rifampicine au moment du diagnostic constituaient la stratégie la plus rentable pour tout groupe de patient ou établissement, même à de très faibles niveaux de résistance chez les patients tuberculeux (tuberculose MR chez >1 % des patients et résistance à l’isoniazide [autre que la tuberculose MR] chez >2 %.
Globalement, le GDG a estimé que l’utilisation du schéma 6(H)REZ–lévofloxacine serait réalisable dans la plupart des centres de traitement de la tuberculose pharmacorésistance et que l’utilisation d’un schéma à base de médicaments administrés par voie orale pouvait accroître la faisabilité. Dans l’ensemble, sur la base des données actuelles, en mettant en balance les avantages et les préjudices, les préférences et les valeurs pour les patients et les autres utilisateurs finaux, le GDG est parvenu à un accord global sur l’effet bénéfique que peut avoir le schéma pour la tuberculose-Hr, s’il est utilisé conformément à ces recommandations stratégiques. Bien qu’il n’y ait pas de preuve tangible indiquant que l’ajout d’isoniazide à ce schéma serait bénéfique, l’association à dose fixe (ADF) de quatre médicaments (H)REZ peut être plus pratique pour le patient et le service de santé, car elle supprime la nécessité d’utiliser des médicaments individuels.
Conformément au cadre global pour la prise en charge et les soins des patients ayant reçu un diagnostic de tuberculose pharmacorésistante, la sélection minutieuse des patients est un principe fondamental. Avant de commencer le schéma (H)REZ–lévofloxacine, il est essentiel d’exclure la résistance à la rifampicine en utilisant les méthodes génotypiques ou phénotypiques recommandées par l’OMS (91,92). Idéalement, la résistance aux fluoroquinolones (et si possible au pyrazinamide) devrait également être exclue avant de débuter le traitement afin d’éviter l’acquisition d’une résistance supplémentaire aux médicaments (voir Section 4.4).
Le traitement empirique de la tuberculose Hr n’est généralement pas conseillé. En cas de forte suspicion de tuberculose Hr (p. ex. des contacts étroits de cas de tuberculose Hr avec une tuberculose active, mais sans confirmation en laboratoire de tuberculose Hr), le schéma (H)REZ–lévofloxacine peut être introduit en attendant la confirmation en laboratoire de la résistance à l’isoniazide, à condition que la résistance à la rifampicine ait été exclue de manière fiable. Si les résultats du DST indiquent finalement une sensibilité à l’isoniazide, la lévofloxacine est interrompue et le patient termine un schéma 2HREZ/4HR (c’est-à-dire 2 mois de HREZ suivis de 4 mois de HR). Pour les patients chez qui la tuberculose Hr est détectée après le début du traitement avec le schéma 2HREZ/4HR, les médicaments composants le (H)REZ sont poursuivis (ou le pyrazinamide et l’éthambutol sont réintroduits) et la lévofloxacine est ajoutée une fois que la résistance à la rifampicine a été exclue.
La durée d’un schéma (H)REZ–lévofloxacine est habituellement déterminée par la nécessité de terminer 6 mois d’un schéma contenant de la lévofloxacine. Ainsi, dans les cas où le diagnostic de la tuberculose Hr est établi alors que le traitement antituberculeux de première intention a déjà commencé, le patient peut recevoir plus de 6 mois de (H)REZ à la fin du traitement. Lorsque la confirmation de la résistance à l’isoniazide arrive tardivement dans le traitement avec un schéma de 2 HREZ/4HR (par exemple 5 mois après le début pendant la phase de continuation), le médecin doit décider, suite à l’évaluation de l’état du patient, si une cure de 6 mois de (H)REZ–lévofloxacine doit être débutée à ce moment ou pas.
L’ajout de lévofloxacine à (H)REZ est recommandé chez tous les patients atteints de tuberculose Hr, à l’exception des situations suivantes : la résistance à la rifampicine ne peut être exclue ; résistance connue ou suspectée à la lévofloxacine ; intolérance connue aux fluoroquinolones ; risque connu ou suspecté d’allongement de l’intervalle QT ; et grossesse ou allaitement (pas une contre-indication absolue). Un patient atteint de tuberculose Hr pour lequel une fluoroquinolone ne peut pas être utilisée peut toujours être traité par 6(H)REZ.
Lorsqu’une résistance supplémentaire (en particulier au pyrazinamide) est suspectée ou confirmée, il convient de concevoir des schémas thérapeutiques personnalisés appropriés. Les données examinées pour cette ligne directrice n’ont pas permis de formuler de recommandations distinctes fondées sur des données probantes pour ce type de cas.
Dans la mesure du possible, les tests de résistance à l’isoniazide devraient également inclure des informations sur les mutations spécifiques associées à la résistance à l’isoniazide (katG ou inhA). En outre, les connaissances sur le statut d’acétylateur hôte42 au niveau national ou régional seront utiles, étant donné que cela peut avoir une incidence pour la conception du schéma thérapeutique (93)
Des plateformes de diagnostic automatisées haut débit à cartouches sont disponibles (comme alternative au LPA) et les pays peuvent les utiliser. Ces plateformes sont capables de détecter, simultanément ou dans des tests séparés, la tuberculose ainsi que la résistance à la rifampicine, aux fluoroquinolones et à l’isoniazide.
40 « (H) » indique que l’isoniazide est facultatif
41 Le nombre de patients indiqué dans cette section fait référence à la taille de l’échantillon de chaque étude. Toutefois, la taille de l’échantillon analysable a été modifiée par la suite, en fonction de la disponibilité des DIP pour chaque résultat analysable (succès et mortalité).
42 Un lien a été établi entre une baisse de l’efficacité et de la toxicité de l’isoniazide et l’accélération de son métabolisme (acétylation) chez certains individus, tel que déterminé par des mutations dans le gène N-acétyltransférase de type 2 (NAT2)