5.3.4.2 Surveillance des effets indésirables

La surveillance systématique de l’innocuité du traitement doit généralement suivre l’approche recommandée chez l’adulte et se fonder sur le profil d’effets indésirables connus des médicaments composant le schéma thérapeutique utilisé. Les effets indésirables les plus courants des médicaments utilisés pour le traitement de la TB-MR/RR sont présentés au Tableau 5.14.

 

 

5.14a5.14btable 5.14c

 

Les principaux éléments de la surveillance des effets indésirables courants ou importants des médicaments utilisés pour le traitement de la TB-MR/RR chez les enfants sont décrits ci-dessous (125, 126). Les principes de la surveillance chez les adolescents sont similaires à ceux suivis pour les adultes.

Surveillance de l’électrocardiogramme

Les patients recevant une association quelconque de médicaments susceptibles de provoquer un allongement de l’espace QT (clofazimine, bédaquiline, délamanide ou fluoroquinolones) doivent bénéficier d’une surveillance régulière par un électrocardiogramme (ECG). Compte tenu de la composition des schémas thérapeutiques actuellement recommandés, la plupart des personnes traitées pour une TB-MR/RR recevront un ou plusieurs de ces médicaments et devront faire l’objet d’une surveillance ECG. Les fluoroquinolones sont également connues pour provoquer un allongement de l’espace QT. L’effet de la lévofloxacine étant relativement limité, son utilisation n’impose pas de surveillance par ECG. En revanche, la moxifloxacine provoque un allongement de l’espace QT plus important et une surveillance par ECG doit être envisagée lorsqu’elle est administrée avec d’autres médicaments qui ont eux aussi cet effet indésirable.

Dans la mesure du possible, un ECG doit être réalisé avant la mise sous traitement, après 2 semaines et 4 semaines, puis toutes les 4 semaines pendant la durée du traitement, et plus souvent si cela est indiqué pour des raisons cliniques. Le risque d’un allongement important de l’espace QT (QTcF ≥500 ms) semble peu élevé chez les enfants ou les adolescents (82). Si une surveillance fréquente n’est pas possible, une approche raisonnable consiste à réaliser une mesure avant de commencer le traitement, à 4 semaines, à 8 semaines et à 24 semaines, et plus souvent si cela est indiqué pour des raisons cliniques. La demi-vie de certains de ces médicaments étant longue, il peut s’écouler plusieurs semaines avant que l’effet maximal sur l’espace QT ne soit observé.

Le calcul de l’espace QT corrigé se fait généralement selon les mêmes procédures chez l’enfant et chez l’adulte. En cas de fréquence cardiaque élevée, phénomène normal chez le jeune enfant, l’emploi de la formule de Bazett peut conduire à un excès de correction (avec un espace QTc plus long que l’espace réel). Il est donc préférable d’utiliser la formule de Fridericia (QTcF).24 Chez les jeunes enfants qui ont un thorax de très petite taille, l’utilisation d’électrodes à ECG pédiatriques peut permettre d’améliorer l’exactitude de la mesure.

La prise en charge d’un allongement de l’espace QTcF chez l’enfant doit se faire en suivant les mêmes étapes que chez l’adulte, avec une évaluation des symptômes, une répétition de l’ECG, un dosage des électrolytes avec un traitement correcteur en cas de besoin, une évaluation nutritionnelle, une vérification des fonctions thyroïdiennes (en cas de prise d’éthionamide et d’acide p-aminosalicylique), un contrôle des autres médicaments reçus et une recherche des autres causes médicales possibles. On considère qu’il existe un allongement du QTcF lorsque sa valeur est supérieure à 450 ms. Une valeur du QTcF de 500 ms ou plus est associée à une augmentation du risque d’avoir une arythmie potentiellement mortelle ; dans ce cas, il convient d’envisager sérieusement de suspendre la prise des médicaments susceptibles d’allonger l’espace QT jusqu’à ce que celui-ci se soit amélioré, ou de stopper le médicament en cause si nécessaire (82).

Numération formule sanguine (NFS) et numération leucocytaire

Une hypoplasie médullaire (avec une anémie, une thrombocytopénie ou une neutropénie) est fréquemment observée chez les personnes traitées par du linézolide. Son intensité dépend de la dose reçue et de la durée du traitement, ce qui signifie que le risque augmente en cas d’exposition à des doses élevées et de traitement de longue durée. L’effet peut être sévère et progresser rapidement. Dans une étude prospective de petite taille portant sur des enfants atteints de TB-MR/RR, 10 des 17 enfants (59 %) traités par du linézolide ont développé une anémie, dont 3 avec un événement de grade 3, et 2 avec un événement de grade 4 (127).

Dans la mesure du possible, une NFS complète doit être effectuée avant le début du traitement, puis toutes les 2 semaines pendant les 2 premiers mois, et enfin toutes les 4 semaines pendant toute la durée de la prise de linézolide. Cette approche permet d’identifier les événements indésirables à un stade précoce. Les cytopénies pouvant évoluer rapidement, la NFS doit être répétée chaque semaine en cas de diminution importante (par exemple d’un ou de plusieurs grades) du taux d’hémoglobine, du nombre de plaquettes ou du nombre de polynucléaires neutrophiles. Une interruption temporaire du linézolide peut être nécessaire en cas d’aggravation des cytopénies, y compris pour disposer du temps nécessaire à la recherche d’autres causes. L’anémie, la thrombocytopénie et la neutropénie sont généralement réversibles après l’arrêt du linézolide. Un arrêt définitif du linézolide est parfois nécessaire, en particulier si l’enfant a présenté des cytopénies sévères, mais il pourra être repris à une dose plus faible s’il s’agit d’un médicament clé du schéma thérapeutique.

Surveillance neurologique

Il est également important de surveiller la survenue d’autres toxicités liées à la prise de linézolide, notamment la neuropathie périphérique et la névrite optique. Il est possible de tester les réflexes au début du traitement ou d’effectuer régulièrement un test de sensibilité aux piqûres d’épingle pour surveiller la survenue d’une toxicité. L’acuité visuelle des enfants peut être testée au début et tout au long du traitement à l’aide d’un tableau de symboles ou d’un tableau de « tumbling E » (lettre E avec différentes orientations). Pour les nourrissons et les enfants qui commencent à marcher, il est possible de rechercher le suivi visuel d’un doigt ou d’un objet, par exemple d’un petit jouet. 

Surveillance neuropsychiatrique

Chez les enfants qui reçoivent des médicaments ayant des effets secondaires d’ordre neuropsychiatrique connus, comme le délamanide et la cyclosérine, il est important de surveiller la survenue de ce type d’effets indésirables, notamment d’hallucinations. Ces événements doivent être notifiés par le biais du système national de pharmacovigilance.

Tests de la fonction thyroïdienne

L’hypothyroïdie est un effet indésirable fréquent de l’éthionamide, du prothionamide et de l’acide p-aminosalicylique. Le risque est plus élevé lorsque l’acide p-aminosalicylique est associé à de l’éthionamide ou du prothionamide (124). Les signes et les symptômes de l’hypothyroïdie ne sont pas spécifiques et peuvent être difficiles à identifier chez les jeunes enfants. L’hypothyroïdie peut avoir un impact négatif sur le développement neurologique des jeunes enfants. Il est important d’effectuer un contrôle régulier (tous les 2 mois) de la fonction thyroïdienne par des tests de laboratoire chez tous les enfants qui reçoivent l’un de ces médicaments jusqu’à ce que celui-ci soit arrêté, et d’administrer de la lévothyroxine en cas de signes cliniques ou biologiques d’hypothyroïdie.

Recherche de signes d’hépatotoxicité

Dans la mesure du possible, un dosage de l’ALAT, avec ou sans dosage de l’ASAT et de bilirubine, doit être effectué avant le début du traitement chez l’enfant. L’une des approches possibles de la surveillance de la survenue d’une hépatotoxicité consiste à réaliser un dosage de l’ALAT au minimum toutes les 4 semaines (une fois par mois) pendant les 6 premiers mois, puis toutes les 8 semaines par la suite, et plus souvent si cela est indiqué pour des raisons cliniques. Les indications cliniques pour la réalisation de tests de la fonction hépatique (au minimum du dosage de l’ALAT) sont la survenue de vomissements d’apparition récente (qui commencent après la stabilisation du patient sous traitement, même s’il ne s’agit que de quelques épisodes), la présence de douleurs ou d’une sensibilité au niveau de l’abdomen (en particulier dans le quadrant supérieur droit) et la présence d’un ictère.

En cas de survenue d’un ictère ou d’une élévation du taux de bilirubine et du dosage de l’ALAT, ou en cas de symptômes cliniques avec un dosage de l’ALAT supérieur à trois fois la normale, ou encore lorsque le patient est asymptomatique et que le dosage de l’ALAT est supérieur à cinq fois la normale, tous les médicaments hépatotoxiques doivent être arrêtés immédiatement. Il est important d’exclure les autres causes possibles d’hépatite (par exemple la présence d’une hépatite A, B ou C). Il convient alors d’attendre la normalisation des enzymes hépatiques. En cas d’indication clinique, les antituberculeux hépatotoxiques peuvent alors être réintroduits prudemment l’un après l’autre. En l’absence d’échec thérapeutique, il est possible d’envisager de remplacer les médicaments hépatotoxiques par d’autres antituberculeux.

Mesures de soutien social et mesures pour favoriser l’observance du traitement

L’OMS recommande de fournir à toutes les personnes sous traitement antituberculeux une éducation sanitaire et un conseil sur la maladie et l’observance du traitement. Le conseil et le soutien en matière d’observance pour l’enfant ou l’adolescent et sa famille sont des éléments fondamentaux pour une prise en charge efficace de la TB-MR/RR. L’apport d’un soutien social solide et d’un conseil aux parents ou à la famille, et l’établissement de relations étroites avec les prestataires de soins contribuent à améliorer les soins et les résultats du traitement chez les enfants et les adolescents. Les enfants et les adolescents doivent être encouragés à reprendre leurs activités normales, par exemple aller à l’école ou faire du sport, dès qu’ils sont cliniquement aptes à mener à bien ces importantes activités quotidiennes et qu’ils ne sont plus contagieux (si le diagnostic a été confirmé par des tests bactériologiques). Les interventions recommandées en matière d’observance du traitement comprennent les aides au suivi des patients (traceurs) ou les moniteurs numériques de la prise des médicaments, le soutien matériel et psychologique au patient ou à sa famille et la formation du personnel.

Les adolescents atteints de tuberculose peuvent avoir besoin d’un conseil et d’un soutien supplémentaires, notamment s’ils ont d’autres comorbidités comme une infection à VIH. Outre le fait qu’ils courent un risque plus élevé que les adultes de développer une TB-MR/RR, leurs résultats thérapeutiques peuvent également être moins favorables que ceux des adultes et des enfants plus jeunes (128, 129). Le recours à des médicaments dont les effets indésirables modifient l’apparence physique (par exemple, la clofazimine qui provoque une décoloration de la peau) peut nuire à l’observance du traitement chez les adolescents.

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24 Formule de Fridericia : QTcF = QT/RR(0,33).

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