Liens transversaux de livre pour 2.3 Evidence to recommendations: considerations
En 2022, l’Afrique du Sud a mis à la disposition de l’OMS de nouvelles données issues de la mise en oeuvre programmatique dans lesquelles le schéma était modifié pour inclure 2 mois de linézolide (600 mg) au lieu de 4 mois d’éthionamide.
Après évaluation, effectuée à l’aide de critères prédéfinis et décrits dans le logiciel GRADEpro, le niveau de certitude des données a été jugé très faible pour les deux comparaisons.
Le Tableau 2.1 dresse la liste des comparaisons et des décisions pour chacune des sous-questions PICO qui ont été évaluées par le GDG pour conclure avec la recommandation de synthèse (Recommandation 2.1). L’évaluation principale qui a déterminé la décision globale reposait sur la sous-question PICO 1.1. Cette décision repose sur l’examen précédent et la recommandation pour l’utilisation du schéma de 9 mois avec l’éthionamide formulée lors de la réunion du GDG en novembre 2019 et figurant dans les recommandations publiées dans la mise à jour 2020 des lignes directrices sur le traitement de la tuberculose pharmacorésistante (41).
Tableau 2.1. Questions PICO et décisions du GDG
Sous-question PICO 1.1
Le GDG a reconnu que, au cours de l’analyse, les groupes d’intervention et de comparaison ont été rendus aussi comparables que possible. En revanche, il a pris en considération une possible confusion non mesurée due à l’absence de collecte systématique d’informations sur les comorbidités et les résultats radiologiques par le biais du système EDRWeb, ainsi que des problèmes méthodologiques (p. ex. un possible biais de sélection). Toutefois, en dehors des critères de sélection énumérés, le risque de biais de sélection important a été considéré comme faible étant donné que cette intervention représentait un changement complet dans l’approche programmatique à l’échelle du pays.
En ce qui concerne la généralisabilité, le GDG s’est demandé si la diversité génétique des souches de M. tuberculosis en Afrique du Sud était comparable aux souches présentes dans d’autres milieux ; il a conclu que les souches présentes dans d’autres milieux étaient correctement représentées dans le pays. Le Groupe a également examiné les interactions potentielles par rapport au statut sérologique pour le VIH et l’effet du traitement antirétroviral, mais cela n’a pas été considéré comme un facteur majeur étant donné que les résultats thérapeutiques étaient similaires chez les personnes vivant avec le VIH et les personnes VIH-négatives. Le Groupe a convenu que les résultats de l’essai de phase 2 du STREAM, un essai de phase 3 à grande échelle mené dans plusieurs pays portant sur un schéma plus court contenant de la bédaquiline entièrement oral, peuvent donner des indications importantes supplémentaires sur l’efficacité et l’innocuité de ce schéma et augmenter le niveau de certitude des données.
Le GDG a souligné que le manque de données sur les événements indésirables dans l’EDRWeb constituait une véritable limite. Aucune donnée comparative directe sur les événements indésirables n’était disponible, car les données sur ces événements n’ont pas été recueillies systématiquement pour le schéma de 9 mois avec l’éthionamide. Le taux d’événements indésirables de grade 3 à 5 était de 5 % pour le schéma de 9 mois avec le linézolide. Le groupe a néanmoins tenu compte des effets indésirables potentiels de l’éthionamide et du linézolide pour mettre en balance les avantages et les préjudices . (Tableau 2.2).
Tableau 2.2. Résumé des événements indésirables associés au linézolide et à l’éthionamide
Le groupe a également tenu compte de la durée et de la charge médicamenteuse avec les schémas d’intervention et de comparaison. Les deux schémas ont la même durée, donc aucun ne présente l’avantage d’un traitement plus court, même si la durée du schéma avec le linézolide est plus courte que celle avec l’éthionamide. La charge médicamenteuse peut être légèrement inférieure avec l’intervention, car le linézolide est prescrit pendant 2 mois dans le schéma de 9 mois avec le linézolide et l’éthionamide pendant 4 mois dans le schéma de 9 mois avec l’éthionamide.
Compte tenu de ces données, le groupe a estimé que le schéma de 9 mois avec le linézolide pouvait avoir de faibles effets souhaitables et a noté le niveau de certitude très faible des données. Le niveau de certitude des données a été jugé « très faible » pour tous les résultats en raison de possibles biais de mauvaise classification et biais de confusion (rétrogradé niveau 1), et du caractère indirect d’une bonne part des informations (rétrogradé niveau 1). La certitude globale reposant généralement sur le niveau de certitude le plus faible pour les résultats critiques convenus, elle a été jugée très faible. Le groupe a noté que les données sur l’intervention et sur le schéma comparateur provenaient de données programmatiques d’Afrique du Sud, et de ce fait, la population et le contexte de soins de santé étaient comparables. Cependant, le groupe a fait remarquer qu’il existe d’importantes différences entre les deux cohortes ou ensembles de données qui ont été comparés, et que, de ce fait, il est difficile de tirer des conclusions en toute confiance.
Le groupe a estimé qu’il n’y avait probablement pas d’incertitude ou de variabilité importante quant à la valeur que les gens accordent aux principaux résultats. Le groupe a utilisé les données disponibles sur le coût des médicaments des schémas et les avis de professionnels pour estimer le coût du schéma de 9 mois avec le linézolide par rapport au schéma de 9 mois avec l’éthionamide chez les patients atteints de tuberculose MR-RR, sensible aux fluoroquinolones. Le groupe a suggéré que le coût devrait être très similaire, c’est-à-dire avec des coûts ou des économies négligeables. Le groupe a également fait remarquer qu’aucune donnée n’était disponible sur le coût de la gestion des conséquences potentielles à long terme de la neurotoxicité pouvant être induite par l’utilisation du linézolide, et que le risque est plus élevé si le linézolide est utilisé pendant des périodes plus longues. Il a également noté que les coûts des soins de santé et les coûts pour les patients sont probablement similaires pour les schémas lorsqu’ils sont utilisés dans un même groupe de patients et pour la même durée.
Le GDG a tenté de discuter du rapport coût-efficacité des deux schémas thérapeutiques ; toutefois, aucune donnée n’était disponible, les deux schémas thérapeutiques sont identiques en termes de durée et ils ne diffèrent que par un seul médicament, ce qui ne modifierait pas de manière significative leur coût global. La similitude des deux schémas a également empêché un débat de fond sur l’équité. Le groupe a considéré les patients et les prestataires de santé comme des parties prenantes clés. Le groupe a considéré que les points suivants étaient essentiels en ce qui concerne l’acceptabilité : durée du schéma et besoins en matière de pharmacovigilance (liés à la fois aux déplacements nécessaires, à la perte de revenus et à la perturbation générale de la vie des patients, et à la charge de travail pour le système de santé), et besoins en DST. Le groupe a estimé qu’il n’y avait probablement aucune différence en termes d’acceptabilité entre le schéma de 9 mois avec le linézolide et le schéma de 9 mois avec l’éthionamide, compte tenu de la similarité globale des schémas, et que le schéma de 9 mois avec le linézolide serait probablement acceptable. Il a considéré que les aspects suivants avaient une incidence sur la faisabilité (c.-à-d. qu’ils constituaient des obstacles potentiels à la mise en oeuvre) : exigences relatives à la pharmacovigilance et aux DST. Le schéma de 9 mois avec le linézolide nécessiterait une surveillance de la toxicité (p. ex., anémie) et des DST.
Le groupe a estimé que l’équilibre entre les conséquences souhaitables et les conséquences n’était en faveur ni du schéma de 9 mois avec le linézolide ni du schéma de 9 mois avec l’éthionamide dans cette population. Plus précisément, il a estimé que l’équilibre délicat entre les deux options en termes d’effets bénéfiques et de préjudices était incertain compte tenu de la très faible certitude globale quant aux données (en raison d’un biais de mauvaise classification potentiel, d’un biais de confusion et du caractère indirect d’une bonne part des informations). Le groupe a estimé que pour la plupart des autres critères dans le processus de passage des données à la prise de décision (p. ex. ressources, acceptabilité et faisabilité), il était peu probable qu’il y ait une grande différence entre le schéma de 9 mois avec le linézolide et le schéma de 9 mois avec l’éthionamide, car la seule différence entre les deux schémas est le remplacement de l’éthionamide par le linézolide. Dans l’ensemble, le groupe a estimé que l’un ou l’autre des schémas pouvait être utilisé et que la souplesse d’utilisation du linézolide ou de l’éthionamide était utile pour optimiser les soins aux patients. Ces considérations ont également guidé le groupe pour décider que la recommandation était conditionnelle.
Sous-question PICO 1.2
Le GDG a reconnu que, au cours de l’analyse, les groupes d’intervention et de comparaison ont été rendus aussi comparables que possible. Il a noté que les données sur le schéma de 9 mois ont été obtenues à partir de données programmatiques d’Afrique du Sud, tandis que celles sur le schéma plus long représentaient uniquement des sous-ensembles de patients des pays et des chercheurs ayant soumis les données. Le groupe a également souligné un manque de cohérence important entre les cohortes dans le groupe de comparaison (sur les schémas plus longs). Dans l’ensemble, il craignait que la nature sélective des données sur les schémas plus longs ait biaisé la comparaison en faveur du schéma plus long. Par conséquent, la comparabilité des données suscitait de sérieuses préoccupations, et de ce fait il était difficile de tirer des conclusions en toute confiance. Le groupe a également pris en compte la durée et la charge médicamenteuse globale avec les schémas d’intervention et de comparaison, qui sont toutes deux inférieures dans le schéma de 9 mois et représentent donc un avantage pour l’intervention.
Compte tenu de ces données et de la totalité des effets observés du schéma de 9 mois avec le linézolide sur les résultats, le groupe a estimé que le schéma de 9 mois avec le linézolide pouvait avoir des effets souhaitables modérés et des effets indésirables eux aussi modérés.
La certitude quant aux estimations a été jugée « très faible » pour tous les résultats en raison du risque très sérieux de biais (possibles biais de mauvaise classification et biais de confusion), d’incohérence (incohérence dans les estimations d’effets parmi 14 cohortes de comparaison) et du caractère indirect (les données du schéma d’intervention étant issues d’un seul pays). La certitude globale repose généralement sur la certitude la plus faible pour les résultats critiques définis et a donc été jugée très faible.
Le groupe a indiqué que les coûts pour les personnes atteintes de tuberculose MR-RR recevant le schéma de 9 mois avec le linézolide devraient être inférieurs à ceux des schémas plus longs (18 mois ou plus) compte tenu du fait que les coûts pour les médicaments, les soins et le suivi devraient être inférieurs.
Le groupe a considéré que la capacité à décentraliser le traitement (pour permettre l’accès à des lieux éloignés et mal desservis et à des populations défavorisées) avait une incidence sur l’équité. Bien qu’il n’ait pas trouvé de données de recherche pertinentes, le groupe a fait appel à son expérience collective pour estimer que l’utilisation du schéma de 9 mois présenterait probablement des avantages en raison de sa complexité et de sa durée réduites. Le groupe a estimé que l’utilisation du traitement de 9 mois avec le linézolide renforcerait probablement l’équité.
Le groupe a considéré les patients et les prestataires de santé comme des parties prenantes clés et les points suivants comme essentiels en ce qui concerne l’acceptabilité : durée du traitement et sécurité du médicament, besoins en matière de suivi (liés à la fois aux déplacements nécessaires, à la perte de revenus et à la perturbation globale de la vie des patients, et à la charge de travail pour le système de santé) et besoins en matière de DST. Le groupe a estimé que le schéma de 9 mois avec le linézolide serait probablement acceptable pour les principales parties prenantes.
Il a été estimé que l’équilibre entre les effets souhaitables et les effets indésirables n’était en faveur ni du schéma de 9 mois ni des schémas plus longs de 18 mois dans cette population. Plus précisément, le groupe a estimé que l’équilibre délicat entre les deux options en termes d’effets bénéfiques et de préjudices était incertain compte tenu de la très faible certitude globale quant aux données. Il a estimé que si l’équilibre entre les effets n’était en faveur ni de l’intervention ni du comparateur, plusieurs autres critères des tableaux décisionnels GRADE (p. ex. les ressources, l’acceptabilité, l’équité et la faisabilité) étaient en faveur du schéma de 9 mois.
Globalement, le groupe a estimé que l’un ou l’autre schéma thérapeutique pouvait être utilisé au sein du groupe de patients éligibles présenté dans l’analyse ; il a souligné l’éligibilité plus limitée pour le schéma de 9 mois et a admis que l’applicabilité des schémas plus longs et personnalisés était plus souple et beaucoup plus large, incluant de nombreux groupes de patients qui ne sont pas éligibles au schéma plus court. Ces considérations ont également guidé le groupe pour décider que la recommandation était conditionnelle.