Chapitre 5. Traitement préventif de la tuberculose

Chapter 5 Cover
 

Point de décision sur le choix d’un traitement préventif de la tuberculose

Lequel parmi les protocoles de TPT recommandés par l’OMS doit être utilisé pour différentes personnes dans le pays ?

Recommandation et disponibilité d’un TPT

Un TPT se divise en deux grandes catégories : (i) une monothérapie à l’isoniazide pendant six ou neuf mois ou (ii) un traitement préventif plus court à base de rifamycine, en supposant que la souche infectieuse SOIT sensible à ces médicaments. Le traitement préventif à l’isoniazide (TPI) pendant six mois est le protocole le plus largement utilisé dans le contexte des programmes et est devenu un standard pour le TPT chez les adultes et les enfants VIH-positifs ou VIH-négatifs, et dans les pays à forte ou faible incidence de la tuberculose. Plusieurs examens systématiques ont démontré de façon cohérente l’efficacité du TPI pour prévenir la tuberculose-maladie chez les personnes infectées par M. tuberculosis. Un examen systématique d’essais contrôlés randomisés réalisés en 2009 auprès de personnes vivant avec le VIH a montré que le TPI réduisait le risque global de tuberculose de 33 % (risque relatif [RR] = 0,67 ; IC de 95 % = [0,51 ; 0,87]) et l’efficacité de la prévention atteignait 64 % chez les personnes ayant donné un résultat positif au TCT (RR = 0,36 ; IC de 95 % [0,22 ; 0,61]) (44). Cet examen a permis aussi de démontrer que l’efficacité du protocole de six mois n’était pas si différente de l’efficacité d’une monothérapie quotidienne à l’isoniazide pendant 12 mois (RR = 0,58 ; IC de 95 % [0,3 ; 1,12]). Un examen systématique récent d’essais contrôlés randomisés a fait apparaître également une réduction beaucoup plus importante de l’incidence des cas de tuberculose chez les participants qui ont reçu un protocole de six mois que chez ceux qui ont reçu un placebo (odds ratio = 0,65 ; IC de 95 % [0,50 ; 0,83]) (45).

Des résultats d’essais cliniques obtenus au cours de ces 20 dernières années montrent une efficacité de la prévention équivalente avec un protocole de TPT plus court à base de rifamycine, chez les sujets VIH-positifs ou VIH-négatifs, en monothérapie ou en association avec l’isoniazide (45–48). Ces protocoles présentent clairement plusieurs avantages : une meilleure observance due à la durée plus courte du traitement et moins de manifestations indésirables. L’application de protocoles plus courts à base de rifamycine s’accompagne d’un meilleur taux d’achèvement du traitement d’au-moins 20 % (82 % contre 61 %) (14). Récemment, l’OMS a évalué et recommandé plusieurs protocoles de plus courte durée à base de rifamycine comme variantes du traitement de six mois à l’isoniazide.

Recommandation de l’OMS :

17. Les options suivantes sont recommandées pour le traitement de l’infection tuberculeuse latente (ITL) indépendamment du statut sérologique pour le VIH : 6 ou 9 mois de prise quotidienne d’isoniazide ou un protocole de 3 mois de prise hebdomadaire de rifapentine associée à l’isoniazide ou encore un protocole de 3 mois de prise quotidienne d’isoniazide associée à la rifampicine. Un protocole de 1 mois de prise quotidienne de rifapentine associée à l’isoniazide ou de 4 mois de prise quotidienne de rifampicine seule peuvent aussi être proposés en option.

 

Les experts externes réunis par l’OMS en tant que membres du groupe d’élaboration des lignes directrices pour conseiller sur les politiques thérapeutiques ont évalué les données probantes disponibles sur les différentes options de TPT en examinant également les valeurs et les préférences des bénéficiaires et d’importants points considérés comme l’acceptabilité du protocole, la faisabilité, les implications des ressources et l’impact probable sur l’équité en santé. En s’appuyant sur ces éléments, ces experts ont recommandé plusieurs protocoles dont les bienfaits sont susceptibles de compenser les effets indésirables potentiels comme une tuberculose-maladie ou la toxicité d’un médicament (voir la recommandation 17 dans l’encadré plus haut). En choisissant un protocole, le soignant et la personne recevant le traitement doivent prendre en compte les circonstances dans lesquelles un TPT sera administré pour augmenter les chances d’aller au bout de ce traitement. Ce choix peut aussi dépendre de la disponibilité des ressources, des associations à doses fixes, des formulations adaptées aux enfants, des médications concomitantes (comme les médicaments antirétroviraux (ARV), les thérapies de substitution des opiacés, la contraception orale) ainsi que l’acceptabilité du protocole pour les bénéficiaires dans le contexte du pays.

Les lignes directrices 2020 rendent plus facilement applicables un certain nombre de recommandations précédentes sur le dépistage de l’infection tuberculeuse et les options aux protocoles thérapeutiques pour le TPT, quelle que soit la charge de la tuberculose dans le pays, à condition : que le pays ou le site de traitement ait la capacité d’écarter de façon fiable une éventualité de tuberculose-maladie avant de commencer le TPT, que les ressources soient disponibles pour mettre le TPT en oeuvre comme il se doit et que des mesures soient prises pour limiter les risques d’infection tuberculeuse et de réinfection. Dans ce contexte, l’accent est mis sur l’importance d’une mobilisation pertinente des ressources et du renforcement des systèmes de santé.

Les recommandations sur le traitement préventif à l’isoniazide et sur d’autres protocoles optionnels figuraient déjà dans les lignes directrices publiées antérieurement par l’OMS (40, 49, 50). Dans la mise à jour 2020 de ces lignes directrices, deux nouveaux protocoles ont été ajoutés, applicables dans tous les contextes (mais sous réserve de certaines conditions) : (i) prise quotidienne de rifapentine en association avec l’isoniazide pendant un mois (1HP) et (ii) prise quotidienne de rifampicine en monothérapie pendant quatre mois (4R). De plus, au lieu des trois à quatre mois fixés auparavant, l’OMS recommande maintenant une durée de trois mois pour la prise quotidienne d’isoniazide en association avec la rifampicine (3HR) et une durée de quatre mois pour la prise quotidienne de rifampicine en monothérapie (4R) cela pour tenir compte de la durée habituelle de ces protocoles appliqués actuellement. En outre, trois recommandations précédentes sur le choix des protocoles 6H, 3HR chez les moins de 15 ans et 3HP dans les régions à forte prévalence de la tuberculose, qui figuraient séparément dans les lignes directrices précédentes sont désormais présentées comme une variante équivalente du TPT. En conséquence, dans la version révisée des recommandations, toutes les options pour le TPT sont applicables dans tous les contextes.

Point important : La révision 2020 des lignes directrices de l’OMS sur le TPT propose les protocoles 9H, 6H, 4R, 3HP, 3HR et 1HP comme variantes optionnelles pouvant être utilisées dans toutes les régions supportant une lourde charge de la tuberculose et pour toutes les populations cibles, notamment les personnes vivant avec le VIH. Le choix dépendra de la disponibilité des formulations appropriées et des réflexions sur l’âge, la sécurité, les interactions médicamenteuses et l’observance du traitement.

 

Le Tableau 5.1 plus bas résume toutes les options actuellement disponibles pour le TPT qui seront introduites et déployées plus largement par les programmes. Les programmes nationaux doivent évaluer différents facteurs, notamment le contexte du pays, les ressources et la capacité du système de santé. Par ailleurs, compte tenu de la disponibilité actuelle d’options plus sûres et de plus courte durée, il est probable que les mesures prises pour introduire et déployer plus largement des TPT plus courts permettront d’étendre la couverture, d’améliorer l’observance et d’assurer le bon achèvement du TPT.

Prise une fois par jour d’isoniazide pendant six ou neuf mois : c’est depuis longtemps le protocole le plus souvent adopté dans le monde. Toutefois, on peut s’attendre à ce que l’isoniazide soit progressivement remplacée par des protocoles à base de rifamycine qui deviennent plus abordables et faisables, et un plus grand nombre d’études sur leur efficacité et leur innocuité dans différentes populations en démontreront probablement les résultats dans les années à venir. Il est probable que les protocoles 6H ou 9H resteront une option préconisée pour le TPT, en particulier dans des contextes où les protocoles à base de rifamycine ne pourront pas être appliqués. Dans ces situations, les programmes nationaux pourront envisager d’utiliser en cachets une triple association isoniazide-cotrimoxazole-vitamine B6 pour les personnes vivant avec le VIH et disponible à bas prix grâce au Service pharmaceutique mondial du Partenariat Halte à la tuberculose au lieu d’une monothérapie à l’isoniazide (51). L’isoniazide est le protocole préconisé pour les enfants séropositifs pour le VIH qui prennent des inhibiteurs de la protéase (lopinavir–ritonavir) ou de la névirapine ou des inhibiteurs de l’intégrase (dolutégravir) en raison de possibles interactions médicamenteuses. Une monothérapie à l’isoniazide doit aussi avoir une action protectrice sur les sujets contacts de patients tuberculeux dont la maladie a été confirmée en laboratoire être sensible à l’isoniazide et résistante à la rifampicine (tuberculose monorésistante à la rifampicine).

Prise une fois par semaine d’isoniazide en association avec la rifapentine pendant trois mois ou prise une fois par jour d’isoniazide en association avec la rifapentine pendant un mois : les programmes nationaux peuvent envisager l’un ou l’autre de ces deux protocoles optionnels contenant de la rifapentine. Il est apparu que ces deux protocoles avaient la même efficacité que le traitement préventif à l’isoniazide mais on ne dispose actuellement d’aucune donnée probante sur leur efficacité obtenue par comparaison directe entre les protocoles 1HP et 3HP (52–54). Faute de données sur le bon dosage du protocole 1HP pour les enfants de 12 ans ou plus jeunes, l’OMS recommande actuellement le protocole 1HP pour les sujets de 13 ans et plus (ce qui était l’âge limite fixé pour la population couverte par l’étude dans le seul essai contrôlé randomisé du protocole dont les résultats ont été publiés à ce jour (54)). En outre, des comprimés de 150 mg de rifapentine sont désormais disponibles à bas prix grâce au Service pharmaceutique mondial du Partenariat Halte à la tuberculose et du Dispositif d’achats groupés du Fonds mondial (55). Une association en doses fixes de 300 mg de rifapentine / 300 mg d’isoniazide en comprimés devrait normalement être disponible en 2020, ce qui permettra de réduire considérablement la lourdeur de la prise de comprimés pour les personnes sous protocole 3HP. Le protocole 1HP peut être choisi lorsqu’une durée plus courte est préconisée et en dépit du fait que le nombre total de doses passe alors de 12 avec le 3HP à 28 (comme par exemple pour les personnes incarcérées pour une courte durée, les patients attendant de commencer un traitement anti-TNF ou se préparant à une greffe). Pour les plus jeunes enfants qui ne peuvent pas avaler les comprimés, aucune formulation de rifapentine adaptée aux enfants (c’est-à-dire en comprimés dispersibles) n’est disponible actuellement.

Prise une fois par jour de rifampicine pendant quatre mois : Depuis longtemps, la rifampicine est utilisée comme antituberculeux et les systèmes d’achat nationaux ont une bonne habitude de son acquisition mais le plus souvent en association à doses fixes avec d’autres antituberculeux sous forme de comprimés. La rifampicine a un excellent profil d’innocuité comparée à l’isoniazide et elle coûte moins cher que la rifapentine. Ce protocole est utile lorsqu’il est administré aux sujets contacts de personnes atteintes d’une tuberculose-maladie dont la résistance à l’isoniazide et la sensibilité à la rifampicine sont confirmées. Cependant, le protocole 4R soulève plusieurs difficultés dont la principale est peut-être de devoir combattre l’idée que la rifampicine doit être réservée en traitement antituberculeux de première intention et, point préoccupant, que son utilisation dans un TPT puisse intensifier une pharmacorésistance dans la communauté ou favoriser le mauvais usage du médicament administré en monothérapie contre la tuberculose-maladie. Mais il n’existe à ce jour aucune donnée démontrant l’augmentation significative des niveaux de résistance à la rifampicine due à l’extension des services de TPT. D’autres difficultés ne doivent pas être ignorées : le risque d’interactions médicamenteuses avec des TARV (se reporter au chapitre 6) sur les interactions médicamenteuses), le fait que les formulations adaptées aux enfants ne soient pas disponibles actuellement et que la fourniture de formulations en monodose puisse se trouver limitée par la grande disponibilité des associations à doses fixes des traitements antituberculeux de première intention.

Prise une fois par jour d’isoniazide en association avec la rifampicine pendant trois mois : Les nourrissons et les jeunes enfants (moins de cinq ans) sont particulièrement vulnérables face au risque accru d’évolution vers la tuberculose-maladie et de développement de formes graves de la tuberculose (comme la méningite tuberculeuse et la tuberculose disséminée). De plus, il est difficile de confirmer une tuberculose-maladie compte tenu de la nature paucibacillaire de la maladie (3,56). C’est pourquoi il est important, d’un point de vue stratégique, de prévenir une tuberculose pédiatrique en administrant un traitement préventif. Comme traitement préventif pour l’enfant, le protocole 3HR est une option adaptée à l’enfant et mieux tolérée, comparé à l’isoniazide, puisque des formulations à doses fixes dispersibles sont désormais disponibles pour le jeune enfant. Faute de données sur le dosage de la rifapentine pour les plus jeunes enfants, à court terme, les programmes nationaux pourraient envisager (57) le déploiement à plus grande échelle du protocole 3HR pour prévenir la tuberculose pédiatrique, quelle que soit la tranche d’âge à laquelle l’enfant appartient. Les enfants pesant moins de 25 kg (y compris les moins de deux ans) peuvent recevoir la même formulation rifampicine/isoniazide (R/H) utilisée dans la phase de continuation (R/H, 75/50 mg), tandis que les enfants pesant plus de 25 kg peuvent recevoir soit le protocole 3HP s’il est lancé pour adultes soit le protocole 3HR utilisant l’association R/H à doses fixes pour adultes. L’association R/H à doses fixes adaptée à l’enfant a de surcroît l’avantage d’être déjà incluse dans la chaîne d’approvisionnement nationale pour le traitement de l’enfant de moins de 25 kg.

Les enfants recevant des inhibiteurs de la protéase et de l’intégrase (comme l’association lopinavir/ritonavir, le dolutégravir ou un TARV contenant de la névirapine), pourraient suivre pendant six mois un traitement à l’isoniazide. Cependant, compte tenu de probables interactions médicamenteuses, il convient de se montrer vigilant et de surveiller tout signe d’hépatite induite par la prise d’isoniazide (voir au Chapitre 6) les interactions médicamenteuses). Toutefois, en utilisant le protocole 3HR chez les adultes, on peut s’attendre à ce que le risque d’hépatotoxicité soit aussi élevé qu’avec le traitement 6H/9H ; par conséquent, l’option 3HP peut être préférable.

À moyen ou long terme, le protocole 3HP (ou 1HP) peut devenir le protocole préconisé pour tous les âges sous réserve que l’on obtienne des données probantes sur la posologie adaptée aux enfants de moins de deux ans, sur son innocuité et sur sa faculté à être bien toléré, et que des formulations à doses fixes en comprimés dispersibles de HP deviennent disponibles. Il est probable qu’à long terme, la durée plus courte du protocole 3HP et le meilleur taux d’achèvement de ces traitements lui confèreront un meilleur rapport coût-efficacité. Entretemps, le protocole 3HR peut être utilisé pour les jeunes enfants.

Point important : Le protocole 3HR doit être une option préconisée pour le TPT pour enfants puisque des associations à doses fixes adaptées aux enfants sous forme de comprimés dispersibles sont disponibles et sont déjà utilisées comme traitements antituberculeux. Le protocole 3HP ou 1HP pourra devenir l’option préférée lorsque les données sur la posologie seront disponibles pour toutes les tranches d’âge et lorsque des formulations à doses fixes pour adultes et adaptées aux enfants seront disponibles, puisqu’une seule prise par semaine pendant seulement un mois présente un avantage certain.

 preventive treatment options (58)4

 

Point important : De multiples options du TPT sont désormais recommandées. Les programmes nationaux doivent progressivement passer à un protocole plus court à base de rifamycine compte tenu de son meilleur profil d’innocuité et des meilleures chances d’achèvement du TPT.

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