Chapitre 7. Observance d’un traitement préventif de la tuberculose

Adherence to TB preventive treatment

Point de décision sur les stratégies favorisant l’observance d’un TPT

Quelles stratégies les programmes nationaux devraient-ils adopter pour assurer l’observance des protocoles prescrits par quiconque commence un TPT ?

L’observance d’un traitement est un comportement complexe influencé par de nombreux facteurs tels que la motivation personnelle, les croyances sur la santé, les risques et bienfaits des traitements, les comorbidités, les demandes concurrentes en conflit avec la prise de médicaments, l’environnement familial, la complexité des protocoles thérapeutiques, la toxicité des médicaments, la confiance vis-à-vis du prestataire de soins et les relations avec lui (58). Des stratégies efficaces centrées sur la personne destinées à promouvoir l’observance des TPT pourraient inclure les composants suivants :

  • Respecter la confidentialité en recherchant l’engagement d’une personne à aller au bout du TPT avant de le commencer.
  • S’assurer que la personne comprend le rôle des options du protocole d’un TPT et la durée nécessaire pour l’achever en vue d’obtenir la protection maximale. Fournir les supports d’information dans la langue maternelle et au niveau d’alphabétisation de la personne concernée.
  • • Impliquer les membres de la famille et le personnel soignant dans l’éducation sanitaire dans la mesure du possible. Les enfants se déplacent souvent entre domiciles et établissements de santé ; il peut être utile de faire participer d’autres membres de la famille et d’autres soignants au soutien à l’observance.
  • Renforcer les messages éducatifs de soutien à chaque entrevue pendant le traitement.
  • Transmettre des informations claires sur les réactions indésirables aux médicaments (“effets secondaires”) et sur les événements incitant à décider d’interrompre le traitement au bon moment (“side-effects”) and triggers on when to stop treatment et contacter l’agent de soins de santé.
  • Inviter à poser des questions pour obtenir des éclaircissements et apporter des réponses simples et claires. Transmettre un numéro de téléphone pour poser d’autres questions ou si l’on a besoin de contacter les services de santé pour obtenir des conseils.
  • Élaborer un plan d’aide à l’observance personnel avec l’aide d’un membre de la famille, d’un soignant ou d’un agent de santé en fonction du protocole thérapeutique administré (Encadré 7.1).

Les interventions destinées à permettre une meilleure observance et l’achèvement du traitement doivent être adaptées aux besoins particuliers des groupes à risque et au contexte local. Il est important de reconnaître que la protection obtenue par un TPT dépend du degré d’observance de ce traitement. Cependant, les préoccupations relatives à une parfaite observance ne doivent pas faire obstacle à l’administration d’un TPT. Dans ses lignes directrices 2017 sur le traitement de la tuberculose pharmacosensible, l’OMS propose plusieurs interventions d’aide à l’observance qui pourraient être appliquées à un TPT, notamment l’emploi de technologies numériques (74). De même, la meilleure pratique de soins aux patients tuberculeux préconisée par L’Union inclut des mesures de soutien visant à améliorer l’observance d’un TPT (132). Un examen systématique réalisé pour l’élaboration de recommandations antérieures de l’OMS sur le TPT a donné des résultats peu concluants sur la question de savoir si l’observation directe pouvait améliorer l’observance et l’achèvement du traitement comparé à l’administration du traitement par le patient lui-même. (49).

Messages de soutien pour améliorer l’observance et l’achèvement d’un traitement

L’acceptation d’un TPT par une personne à risque est souvent influencée par les informations données par les conseillers, le personnel infirmier, les médecins, les pharmaciens et d’autres membres du personnel de santé. Pour aider les personnes à bien saisir la raison d’être du TPT, leur expliquer les bienfaits qu’il apporte, à savoir :

  • Le TPT peut empêcher la tuberculose-maladie de se développer ultérieurement. Sans traitement, la tuberculose-maladie peut conduire à une longue période de maladie grave, endommager définitivement des organes et aboutir à un décès prématuré.
  • Il est particulièrement important que les personnes présentant les pathologies suivantes prennent un TPT pour réduire le risque de développer une tuberculose-maladie :

– Les personnes présentant une infection tuberculeuse récente comme les sujets contacts de patients atteints de tuberculose-maladie, en particulier les enfants de moins de cinq ans,

– Les personnes positives pour le VIH ou présentant d’autres pathologies qui affaiblissent l’immunité,

– Les personnes prenant des médicaments pouvant affaiblir leur immunité comme les anti-TNF et les stéroïdes.

  • Les TPT constitués de nouveaux médicaments qui raccourcissent sa durée ne dépassent pas trois mois et sont désormais recommandés par l’OMS, tandis qu’une tuberculose-maladie nécessite au moins six mois de traitement avec quatre médicaments pour commencer.

Les prestataires doivent aussi informer les personnes sur les risques associés à un TPT et sur la probabilité de leur survenue (Chapitre 6). Une personne sous TPT ne doit pas oublier que :

  • La coloration rouge des urines et d’autres liquides biologiques lorsque la personne suit un protocole thérapeutique constitué de 3HR/3HP/1HP/4R est un effet normal d’une thérapie comportant un médicament de la classe des rifamycines et est sans danger.
  • Parmi les fréquentes réactions indésirables aux médicaments, on peut citer les troubles gastrointestinaux, les symptômes de type grippal, une atteinte hépatique (hépatotoxicité) ou une éruption cutanée.
  • Les personnes sous TPT doivent être alertées sur :

– Les premiers signes d’hépatotoxicité que sont la faiblesse, la fatigue, la perte d’appétit, des nausées persistantes. Lorsqu’ils sont identifiés précocement, les signes d’hépatotoxicité sont réversibles et sans séquelles définitives. Les signes tardifs d’hépatotoxicité sont une douleur hépatique à la palpation, une hépatomégalie et un ictère.

– Des symptômes de type grippal et d’autres symptômes aigus apparaissant peu après la prise d’une dose de TPT comportant de la rifapentine (le plus souvent après la troisième dose), une éruption, une douleur ou un engourdissement des mains et des pieds.

Si une personne sous TPT constate l’un ou l’autre des symptômes mentionnés ci-dessus ou un changement dans sa situation sanitaire, elle doit contacter un prestataire de soins de santé pour demander conseil et ne poursuivre le traitement préventif que si on lui conseille de le faire.

En outre, les personnes sous TPT doivent comprendre que :

  • Une tuberculose-maladie peut se développer alors qu’un TPT est en cours

– Si l’on s’efforce généralement d’exclure toute éventualité de tuberculose-maladie parmi un ensemble de symptômes avant de commencer un TPT, les personnes sous TPT doivent être vigilantes car elles peuvent toujours développer une tuberculose-maladie tout en étant sous traitement.

– Si elles commencent à tousser, perdent du poids sans raison, ont de la fièvre et des suées nocturnes, elles doivent immédiatement prévenir le prestataire et se soumettre à des tests de dépistage de la tuberculose-maladie. Chez les plus jeunes enfants, d’autres signes non spécifiques comme un retard de développement, plus envie de jouer et moins d’appétit doivent être surveillés de près cat ils peuvent être les premiers indicateurs d’une tuberculose-maladie.

  • Une grossesse peut commencer pendant un TPT

– Il convient de conseiller aux femmes en âge de procréer d’utiliser des méthodes de contraception barrière tout en prenant un TPT.

– Les données sur l’innocuité pouvant être exploitées pour des protocoles contenant de la rifapentine en cours de grossesse restent rares. En cas de grossesse pendant la prise du protocole 3HP ou 1HP, il sera préférable de passer à un TPT consistant à prendre de l’isoniazide une fois par jour pendant six mois.

– La triple association à doses fixes d’isoniazide, de cotrimoxazole et de vitamine B6 peut être utilisée dans un TPT administré à des femmes enceintes ou allaitantes infectées par le VIH en même temps que des soins de support et une surveillance.

Obstacles possibles à l’observance d’un traitement

De nombreux facteurs influent sur l’observance d’un protocole thérapeutique recommandé. Toute non-observance doit être identifiée et prise en compte le plus tôt possible. Les facteurs ci-dessous doivent être considérés comme des obstacles possibles à l’observance d’un TPT chez les adultes :

  • Les heures d’ouverture du dispensaire sont incompatibles avec l’emploi du temps de la personne
  • Des priorités concurrentes comme le travail, l’école, devoir s’occuper d’enfants ou de personnes âgées
  • Les temps d’attente très longs au dispensaire
  • Le coût des consultations au dispensaire (transport, temps, perte du travail)
  • Informations erronées ou insuffisantes sur :

– l’infection tuberculeuse

– le protocole thérapeutique

– la tuberculose-maladie

  • Une stigmatisation réelle ou perçue liée à l’infection tuberculeuse, à la tuberculose-maladie et au traitement
  • Les croyances et pratiques en matière de santé
  • La conviction qu’un TPT est plus nuisible qu’utile
  • Les problèmes liés au traitement :

– des pathologies coexistantes

– l’utilisation concomitante d’autres médicaments, conventionnels ou autres ou de compléments alimentaires pouvant contrecarrer l’observance du traitement ou l’efficacité des médicaments

– les réactions indésirables aux médicaments et des antécédents de réactions d’intolérance aux médicaments

– la consommation d’alcool pendant le traitement

– la difficulté à se souvenir si la dose est quotidienne ou hebdomadaire

– des pratiques religieuses comme le jeûne.

Stratégies pour améliorer l’observance et l’achèvement d’un traitement

Pour améliorer les chances d’observer et d’achever le traitement, il convient d’envisager ce qui suit lorsque l’on dispense des conseils à des personnes recevant un TPT.

  • Explorer et démonter la compréhension qu’a un individu sur la tuberculose, le TPT et obtenir l’appui des membres de la famille ou d’un compagnon dans une situation semblable (le «compagnon dans le traitement»)
  • Expliquer qu’il est important de prendre le traitement à heures fixes dans la journée selon le calendrier ou le nombre de fois par jour chaque semaine (protocole 3HP). L’heure exacte importe peu mais elle permet de se souvenir plus facilement si la même heure est retenue.
  • Expliquer qu’il est important d’achever le traitement dans son intégralité pour obtenir une protection optimale contre la tuberculose.
  • En cas de réactions indésirables aux médicaments, même légères, souligner qu’il est important d’en informer le prestataire et de lui demander des soins. Dans la plupart des cas, un traitement des symptômes suffira sans qu’il soit nécessaire d’interrompre ou de reporter le TPT.
  • Prendre tous les médicaments ensemble en une seule fois et ne pas répartir la dose sur plusieurs heures ou plusieurs jours. Les comprimés peuvent être séparés si la dose entière peut être prise dans les 30 minutes.
  • Utiliser des rappels pour aider le patient à prendre son traitement régulièrement, comme des événements quotidiens ou hebdomadaires.

– Les rappels électroniques sur téléphones portables : SMS bidirectionnels et messages vocaux peuvent améliorer la communication avec l’aidant, en cas de suspicion de toxicité par exemple.

– Prendre le traitement pendant l‘un des repas ou avant de dormir chaque nuit (traitement quotidien) ou au moment de la prière les dimanche/samedi/vendredi (traitement hebdomadaire).

– Éviter de dépendre d’une émission de télévision ou de radio pour se souvenir du moment où il faut prendre une dose car un programme peut être déplacé à un autre moment ou changé de créneau horaire ou il peut y avoir des coupures d’électricité.

Options pouvant être utilisées pour aider à l’observance du traitement

  • Faire correspondre la délivrance du TPT et son suivi avec les services de lutte antituberculeuse/anti-VIH ou autres services que la personne peut recevoir simultanément, notamment l’utilisation de modèles de prestation de services différenciée en matière de VIH et des conseils dispensés à des fins de motivation par l’intermédiaire de prestataires formés à cet effet.
  • Identifier une personne qui accompagnera le patient dans son traitement, un membre de la famille, un voisin ou un collègue par exemple.
  • Enregistrer des informations supplémentaires sur la personne sous TPT – comme le numéro de téléphone des sujets contacts à domicile, au travail et les numéros de téléphones portables, les adresses électroniques ainsi que les noms et coordonnées des amis proches ou de parents vivant dans la même ville ou dans le même pays – en ayant obtenu des prestataires qu’ils s’engagent clairement à respecter la confidentialité des informations. La personne accompagnant le patient dans son traitement doit être conseillée de façon approfondie sur les soins et sur l’encadrement bienveillant qui sera assuré.
  • Programmer des entrevues avec des personnes dont le traitement a été interrompu ou qui manquent souvent leurs rendez-vous pour se réapprovisionner en médicaments. Des technologies numériques d’aide à l’observance, comme les contrôleurs électroniques de traitement (piluliers équipés de cartes SIM) et les thérapies sous observation par vidéo peuvent aider à assurer l’observance du traitement lorsque des rendez-vous en présence du patient ne sont pas possibles.
  • Proposer des mesures d’incitation pour encourager ou motiver les personnes dépendantes de règles d’acceptation dans le contexte du pays et selon la disponibilité de fonds (comme des bons pour téléphoner, des bons de réduction chez les grossistes, des colis ou suppléments alimentaires). Même si ces mesures sont déjà appliquées couramment, leur lien avec une amélioration de l’observance n’a pas été clairement démontré (133).
  • Offrir des aides comme le remboursement des frais de transport et des appels téléphoniques, faciliter le respect des rendez-vous selon les possibilités d’acceptation dans le contexte du pays et la disponibilité de ressources et de fonds pour le personnel.
  • Élaborer un plan d’aide à l’observance avec la personne sous TPT et en discuter à chaque visite. Un tel plan peut inclure des informations sur :

– des éléments pour motiver la personne à vouloir être exempte de tuberculose

– utiliser les habitudes de la personne et de sa famille et leurs variations pour identifier le meilleur moment pour la prise des médicaments

– prendre les médicaments en même temps que des aliments pour réduire les nausées et les vomissements ou la nuit, trois ou quatre heures après le dîner.

Réflexions particulières sur l’observance d’un traitement par les enfants

Les nourrissons et les enfants dépendent de leurs aidants pour l’administration de leur traitement et en conséquence, lorsque leurs aidants adultes sont confrontés à des obstacles, les enfants peuvent manquer leur dose. Les réflexions exposées plus haut doivent s’appliquer aux personnes qui s’occupent des enfants et des nourrissons pour l’administration du traitement préventif.

Obstacles possibles pour les enfants 

  • L’absence de formulations adaptées aux enfants rend l’administration des médicaments plus difficile et augmente le risque que l’enfant refuse de prendre des comprimés écrasés.
  • Le manque de conviction de l’aidant quant à l’importance du TPT. C’est seulement si l’aidant et le soignant s’investissent pour réussir à aller au bout du TPT que l’observance du traitement par l’enfant sera assurée.
  • Facteurs familiaux

– Ne pas avoir un ou plusieurs aidants appropriés parmi leurs parents. Compte tenu du fait que les jeunes enfants peuvent se déplacer entre plusieurs domiciles de membres de la famille, la participation de multiples aidants (grands-parents, famille du père) peut être nécessaire.

– Manque de connaissances des aidants

– Âge et stade de développement permettant aux enfants de prendre plus de responsabilités et prendre leurs propres médicaments tout en étant encore sous la supervision d’un adulte.

– Changements dans les habitudes de la famille ou de l’enfant (vacances scolaires par exemple) qui interrompent le calendrier d’administration du traitement.

Stratégies de prise en charge et d’amélioration de l’observance chez les enfants 

  • Expliquer à l’aidant et à l’enfant pourquoi le traitement doit être pris dans son intégralité et bien insister.
  • Concernant les formulations adaptées aux enfants par associations à doses fixes dispersibles, s’assurer que les agents de santé peuvent expliquer aux aidants comment faire dissoudre les comprimés dans l’eau et transmettre des instructions claires à ce sujet.
  • Fournir un calendrier simple à utiliser pour les rendez-vous de réapprovisionnements en médicaments.
  • Prendre bonne note des facteurs de risque de mauvaise observance et s’efforcer d’y remédier : éloignement/transport, orphelins (surtout si la mère est décédée), antécédents de réactions indésirables à des médicaments ou indisposition de l’aidant principal.
  • Inculquer une éducation aux adolescents et leur apporter directement une aide à l’observance, en particulier s’ils sont infectés par le VIH.
  • Concernant les jeunes enfants refusant de prendre les médicaments :

– changer le type d’alimentation pour mieux masquer le goût ou placer les comprimés écrasés au milieu d’aliments solides faciles à avaler comme variantes à la dissolution dans l’eau.

– donner une récompense à l’enfant s’il a pris tous ses médicaments

– si l’enfant vomit dans les 30 minutes qui suivent l’absorption d’une dose, s’assurer qu’une autre dose est donnée à l’enfant. Cela implique de donner quelques doses supplémentaires chaque mois aux familles (le programme doit estimer l’étendue de ces pertes et les prendre en compte dans les plans d’achats).

  • Préparer un plan d’aide à l’observance avec l’aidant et demander à ce qu’il soit diffusé aux autres aidants.
  • Revoir le plan d’aide à l’observance à chaque rencontre, en particulier si un nouvel aidant est présent.
  • Revoir les connaissances et les obstacles à chaque rencontre. Des exemples de questions à poser sont donnés dans la liste ci-dessous :

– Qui est l’aidant principal (parent, grand-parent, tante/oncle, autre enfant) ?

– L’enfant dort-il parfois chez un autre membre de la famille ?

– L’aidant sait-il que le traitement doit être pris chaque jour (isoniazide, 3HR) ou une fois par semaine (3HP) pendant trois mois ?

– L’aidant sait-il combien de doses/de comprimés doivent être pris à chaque fois ?

L’aidant a-t-il été informé sur la nécessité de l’observance, les réactions indésirables aux médicaments, sur le moment où il doit demander un conseil à l’agent de santé et quoi faire lorsque l’enfant vomit après avoir pris les médicaments (redonner une dose) ?

 Example of an adherence plan

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