Chapitre 4. Tests de dépistage de l’infection tuberculeuse

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Point de décision sur le rôle des tests TCT ou IGRA

Dans quel but réaliser un dépistage de l’infection tuberculeuse avant de commencer un TPT dans les populations cibles considérées prioritaires par le ministère de la santé ?

De même qu’il est essentiel d’écarter toute éventualité de tuberculose-maladie avant de commencer un TPT, confirmer la présence d’une infection tuberculeuse avant de commencer un TPT peut conforter le soignant dans la certitude qu’un TPT sera bénéfique pour les personnes ciblées. Toutefois, il n’existe pas de test de référence pour le diagnostic d’une infection tuberculeuse. Les tests disponibles actuellement sont des tests indirects qui nécessitent, pour donner de bons résultats, que la réponse immunitaire de la personne soit très marquée. Quelle que soit la méthode employée, le résultat positif d’un test n’est pas en soi un indicateur fiable que l’infection tuberculeuse évoluera vers une tuberculose-maladie. À l’inverse, le résultat négatif d’un test ne permet pas d’écarter une éventuelle infection tuberculeuse compte tenu de la possibilité que ce résultat soit un faux négatif dans des groupes à risque comme les jeunes enfants ou chez les personnes infectées récemment. Les autorités sanitaires nationales doivent décider de la façon d’appliquer les tests de dépistage de l’infection tuberculeuse dans le cadre de la gestion des TPT par les programmes, en tenant compte de ces incertitudes, de l’équilibre entre bienfait et effet nocif pour une personne qui doit attendre les résultats d’un test pour commencer un TPT et des difficultés logistiques que représentent l’achat et la mise en oeuvre de tests là où on en a le plus besoin.

Recommandation de l’OMS :

16. Un test cutané à la tuberculine (TCT) ou un test de libération de l’interféron gamma (IGRA) peut être utilisé pour tester des personnes vivant avec le VIH.

 

Les tests recommandés actuellement pour le dépistage d’une infection tuberculeuse sont le TCT et l’IGRA. Ces deux tests mesurent la sensibilité de la réponse immune (hypersensibilité de type IV ou hypersensibilité retardée) à des antigènes protéiniques mycobactériens, réponse qui survient à la suite d’une infection par M. tuberculosis. Alors que le TCT met en évidence la réaction d’hypersensibilité retardée à une exposition à un dérivé protéinique purifié (DPP) de tuberculine, le test IGRA mesure soit la quantité d’interférons gamma libérés in vitro par les leucocytes stimulés par des antigènes de M. tuberculosis (le test QuantiFERON-TB Gold®) soit le nombre de lymphocytes T effecteurs produisant l’interféron-gamma (le test T-SPOT. TB®). Le diagnostic de l’infection tuberculeuse doit être complété par un test négatif pour la tuberculose-maladie, au moyen d’un examen clinique, d’une radiographie pulmonaire et de l’examen de crachats ou de tout autre échantillon approprié s’il est symptomatique, conformément à la politique nationale.

Une méta-analyse réalisée en 2015 a conclu que la prévalence globale des résultats positifs de ces tests chez les personnes admissibles était de 61 % dans les pays à revenu faible ou intermédiaire et de 25 % dans des pays à revenu élevé. Cela signifie qu’en moyenne, une personne sur deux dans les populations cibles est susceptible de donner un résultat positif aux tests (14). Les programmes nationaux peuvent prendre en compte ces données probantes lorsqu’ils doivent décider du rôle des tests pour dépister une infection tuberculeuse.

On peut utiliser un test TCT ou un test IGRA pour dépister une infection tuberculeuse. Aucune donnée probante ne permet de préconiser plutôt l’un que l’autre pour prévoir qu’une infection tuberculeuse évoluera vers une tuberculose-maladie. Ni le TCT ni le test IGRA ne doit être utilisé sur les personnes présentant un faible risque d’infection tuberculeuse ou de tuberculose-maladie.

Le choix d’un test à utiliser par les programmes dépend de son coût, de sa disponibilité, des ressources humaines et de l’infrastructure permettant d’assurer des services de dépistage dans le pays. Le Tableau 4.1 résume les caractéristiques des tests TCT et IGRA actuellement disponibles. Davantage de détails sont présentés dans les Annexes 5 et 6.

Rôle des tests de dépistage de l’infection tuberculeuse

La décision de procéder ou non à un dépistage de l’infection tuberculeuse avant d’administrer un TPT dépend de la prévalence supposée de l’infection tuberculeuse parmi la population à risque, du risque d’évolution vers une tuberculose-maladie et du risque d’méfaits de l’administration inutile d’un TPT (La Figure 4.1 résume le cheminement argumentaire aboutissant à la décision sur le choix du test). Pour les individus ou les populations exposés à des risques plus élevés d’méfaits du TPT ou (relativement) à un risque plus faible d’évolution vers une tuberculose-maladie, il peut être préférable de confirmer une infection tuberculeuse. Par ailleurs, pour les individus ou les populations plus susceptibles d’être infectés, d’évoluer vers une tuberculose-maladie et d’être confrontés à des manifestations indésirables si la tuberculose-maladie se développe, il est justifié de procéder à un TPT sans avoir réalisé de test.

Les personnes vivant avec le VIH et mises sous TARV bénéficient d’un TPT, que leur test de dépistage d’une infection tuberculeuse soit positif ou négatif. Toutefois, il est apparu que les personnes vivant avec le VIH et ne prenant pas de TARV mais dont le test de dépistage d’une infection tuberculeuse a donné un résultat positif bénéficiaient davantage du TPT que celles dont le test a été négatif (18). Cependant, l’OMS recommande que la réalisation de tests de dépistage d’une infection tuberculeuse ne soit pas exigée pour commencer un TPT chez les personnes vivant avec le VIH et les enfants contacts de moins de cinq ans, en particulier dans les pays où l’incidence des cas de tuberculose est élevée, considérant que les bienfaits du traitement (même sans test) en compensent largement les risques (40). En outre, la sensibilité de ces tests est faible et ils peuvent donner un résultat faux négatif, particulièrement chez les immunodéprimés plus exposés à un risque de formes graves de la maladie et de décès s’ils développent une tuberculose. La réponse immunitaire aux antigènes mycobactériens varie selon les sujets et les tests TCT et IGRA pourraient rester positifs même après l’achèvement réussi du TPT. C’est pourquoi les résultats des TCT et des IGRA ne doivent pas servir à évaluer l’efficacité du TPT. Globalement, les tests TCT et IGRA ne doivent pas être considérés comme des impératifs indispensables à la mise en route d’un TPT (en particulier dans les contextes où l’accès aux services de dépistage reste très limité) considérant que les bienfaits du traitement (sans tests) compensent toujours les risques.

Lorsque les programmes nationaux recommandent de procéder à des tests de dépistage d’une infection tuberculeuse avant de commencer un TPT, les tests TCT et/ou IGRA ne doivent être réalisés que dans les groupes à risque (tels les groupes à risques cliniques, les sujets contacts de plus de cinq ans, les personnes incarcérées et le personnel soignant). Les tests ciblés permettent d’identifier, d’évaluer et de traiter les personnes exposées à un risque élevé d’infection tuberculeuse ou de tuberculose-maladie lorsqu’elles sont infectées par M. tuberculosis. La disponibilité d’un test positif pour le dépistage d’une infection tuberculeuse chez des sujets contacts ou des individus VIH-négatifs appartenant à d’autres groupes à risques cliniques (patients commençant un traitement anti-TNF ou dialysés ou se préparant à une greffe d’organe ou de cellules souches sanguines) pourra peut-être rassurer les cliniciens et le personnel soignant qu’une infection tuberculeuse est possible et qu’ils peuvent commencer un TPT.

Point important : Il est souhaitable que les gouvernements et les bailleurs de fonds investissent et renforcent la capacité des systèmes de santé (ressources humaines, logistique et chaîne d’approvisionnement ainsi que suivi et évaluation) pour la réalisation de TCT et/ou d’IGRA afin d’éviter l’administration inutile des TPT et les effets indésirables qui s’y rapportent et de rendre les traitements plus facilement acceptables. Cela permettra aussi l’adoption rapide de tout nouveau test de dépistage de l’infection tuberculeuse homologué pour un futur usage dans les programmes. Cependant, le dépistage d’une infection tuberculeuse n’est pas un impératif indispensable à l’introduction d’un TPT et à son déploiement à plus grande échelle.

 

 

Réflexions sur la mise en oeuvre des services de dépistage de l’infection tuberculeuse

Impératifs d’ordre général

• Définir la population cible pour le dépistage et le choix du test dans les directives nationales.

• Renforcer les moyens d’action des agents de soins de santé responsables des différentes composantes des services de dépistage de l’infection tuberculeuse (comme l’administration du TCT et la lecture des résultats, la collecte et le traitement des échantillons de sang pour le test IGRA, la collecte et le transport des échantillons).

• Élaborer des modes opératoires normalisés pour l’administration du TCT, le prélèvement et le traitement d’un échantillon de sang pour le test IGRA et l’interprétation des résultats.

• Élaborer des modes opératoires normalisés pour un suivi approprié après le test de dépistage, y compris l’accès à un examen clinique, à une radiographie pulmonaire et à d’autres recherches sur la tuberculose pour décider de l’admissibilité des personnes à un TPT.

• Élaborer des aide-mémoires professionnels pour aider les prestataires à instruire le bénéficiaire du test et à répondre aux questions posées fréquemment sur l’utilité et le déroulement du test TCT ou IGRA.

• Élaborer des outils pour l’enregistrement et la notification systématiques des résultats des tests et pour les associer aux soins et au traitement (comme par exemple l’application « WHO Prevent TB » pour téléphones portables (39)).

• Renforcer les dispositifs en vue de l’encadrement bienveillant et du suivi d’une mise en oeuvre efficace.

TCT

• S’assurer de la disponibilité et de la fourniture de tuberculine dans la chaîne du froid ainsi que des seringues, des aiguilles et des consommables.

• Former le personnel aux injections intradermiques, à la lecture et à l’interprétation des résultats et assurer en continu le renforcement des moyens d’action et un encadrement bienveillant en vue de maintenir le niveau des compétences.

• Élaborer des dispositifs pour garantir le bon déroulement des test, assurer un mentorat et un encadrement ainsi que des tests de fiabilité réguliers et normalisés pour l’assurance de la qualité.

• Élaborer et fournir des aide-mémoires professionnels aux agents de soins de santé qui leur montrent la bonne technique d’administration du TCT et la mesure de l’induration.

• Mettre des dispositifs en place pour demander aux personnes qui ont été soumises à un test de revenir pour la lecture des résultats dans les 48 à 72 heures qui suivent l’injection de la tuberculine ou se rendre au domicile de la personne pour constater les résultats sur place.

• Apporter une aide financière aux personnes qui doivent se déplacer pour les tests ou aux agents de soins de santé qui administrent les tests et lisent les résultats.

• Élaborer et fournir des formulaires de demande de TCT et actualiser le système d’information pour la gestion sanitaire pour l’établissement de la documentation et la notification des résultats des TCT.

IGRA²

• Développer la capacité du réseau de laboratoires à réaliser des tests IGRA (phlébotomie, traitement des échantillons de sang, incubation et lecture du titrage immuno-enzymatique (ELISA)). Les programmes nationaux pourraient tirer parti d’une collaboration avec d’autres laboratoires non spécialisés dans la tuberculose mais ayant la capacité de réaliser des prélèvements sanguins et des tests ELISA ou encore avec des institutions et des laboratoires privés au moyen de protocoles d’accord ou de bons gratuits remis aux personnes nécessitant un test.

• Assurer la disponibilité de techniciens qualifiés dans les laboratoires réalisant des tests IGRA.

• Mettre des dispositifs en place pour assurer le transport rapide des échantillons de sang entre les centres périphériques et les laboratoires réalisant les tests IGRA (dans un délai compris entre 8 et 30 heures pour prévoir le temps d’incubation selon le type de test IGRA).

• Assurer le bon fonctionnement du matériel de laboratoire et mettre un dispositif en place pour assurer l’entretien régulier des équipements et optimiser ainsi le fonctionnement du laboratoire.

• Assurer la fourniture des réactifs nécessaires et de tubes pour les tests IGRA, conçus pour être utilisés à différentes altitudes (par exemple Johannesburg, en Afrique du Sud, située à près de 1700 m au-dessus du niveau de la mer a besoin de réactifs et de tubes différents de ceux nécessaires dans un lieu situé plus près du niveau de la mer).³

• Assurer la fourniture de formulaires actualisés de demande de laboratoire, de registres et mettre à jour les systèmes d’information des laboratoires en vue de préparer la documentation et les rapports sur les résultats des tests IGRA.

Réflexions sur un financement supplémentaire pour la mise en oeuvre des programmes de dépistage

• Coût par test et nombre estimé d’habitants identifiés pour être soumis à un dépistage.

• Aide au déplacement aux personnes envisagées pour bénéficier d’un TPT et au personnel soignant pour se rendre sur les lieux de réalisation des tests TCT et IGRA et de lecture des résultats du TCT.

• Mesures d’incitation pour les agents de santé ou les techniciens de laboratoire.

• Maintien de la chaîne du froid pour la tuberculine.

• Formation, renforcement des capacités et encadrement continu bienveillant.

• Maintien des services de laboratoire pour les tests IGRA et la collecte et le transport des échantillons.

• Recrutement de techniciens de laboratoire ou de services de laboratoire si nécessaire, y compris auprès du secteur privé.

• Renforcement de la gestion de la chaîne du froid pour garantir l’approvisionnement ininterrompu en tuberculine ou en tubes et réactifs pour les prélèvements de sang dans les tests IGRA.

• Moyens, de préférence électroniques, pour la saisie régulière des données.

Voir aussi l’ Annexe 3.

Characteristic features of TST and IGRA

 

Algorithm for TB screening and TPT

² L’un des tests IGRA évalué et adopté par l’OMS était le QuantiFERON-TB Gold In-tube (QFT-GIT). Les fabricants de ce test prévoient de l’abandonner progressivement et de le remplacer par le QuantiFERON-TB Gold Plus, 4-Tube test.

³ http://www.quantiferon.com/wp-content/uploads/2017/04/English_QFT_ELISA_R04_082016.pdf, consulté le 12 mars 2020.

ᵃ. Si < 10 ans, quiconque présente une toux persistante ou de la fièvre ou a été en contact avec un patient tuberculeux ou a signalé une perte de poids ou dont la perte de poids est confirmée supérieure à 5 % depuis la dernière visite ou présente une courbe de croissance aplatie ou un rapport poids/âge inférieur à un score Z de -2. Les nourrissons asymptomatiques de moins de 1 an infectés par le VIH sont uniquement traités pour une ITL s’ils ont été des contacts domestiques d’une personne tuberculeuse. Les tests TCT ou IGRA peuvent identifier les personnes vivant avec le VIH qui bénéficieront le plus d’un traitement préventif. Une radiographie pulmonaire peut être réalisée pour les personnes vivant avec le VIH et traitées par TARV avant qu’elles ne commencent un traitement pour une ITL.

ᵇ. Quiconque présente une toux, de la fièvre ou des suées nocturnes ou de l’hémoptysie ou une perte de poids ou une douleur thoracique ou un essoufflement ou ressent de la fatigue. Les enfants de moins de 5 ans ne doivent pas être anorexiques, présenter un retard de développement, avoir une mauvaise alimentation, une baisse d’activité ou de l’envie de jouer pour être considérés asymptomatiques.

ᶜ. Notamment la silicose, les dialyses, le traitement par anti-TNF, la préparation à une greffe d’organe ou d’autres risques mentionnés dans les directives nationales. Pour les personnes entrant dans cette catégorie et présentant des signes cliniques évocateurs d’une tuberculose, cette éventualité doit aussi avoir été écartée.

ᵈ. Notamment une hépatite aiguë ou chronique ; une neuropathie périphérique (en cas d’utilisation d’isoniazide) ; une consommation régulière et nocive d’alcool. Une grossesse ou un antécédent de tuberculose ne constitue pas une contre-indication.

ᵉ. Protocole thérapeutique choisi sur des considérations d’âge, de souche (pharmacosensible ou autre), de risque de toxicité, de disponibilité et de préférences.

ᶠ. Une radiographie pulmonaire peut avoir été réalisée auparavant ou dans le cadre d’une détection intensifiée des cas.

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