5.3.2.3 Schémas thérapeutiques longs individualisés pour les enfants atteints de tuberculose multirésistante et résistante à la rifampicine qui ne sont pas éligibles au schéma thérapeutique standardisé entièrement oral contenant de la bédaquiline

Les enfants qui ne sont pas éligibles au schéma thérapeutique standardisé contenant de la bédaquiline sont ceux chez qui il n’a pas été obtenu de confirmation bactériologique (par exemple, chez qui le diagnostic repose sur des éléments cliniques), ceux chez qui une résistance aux fluoroquinolones n’a pas été exclue (à l’aide de tests réalisés sur leurs propres échantillons), ceux qui ont une TEP pharmacorésistante autre que des adénopathies périphériques, ceux qui ont une atteinte pulmonaire étendue, et ceux qui ont été exposés pendant plus de 1 mois à des antituberculeux entrant dans la composition du schéma court.

Ces enfants doivent être traités avec des schémas thérapeutiques longs et individualisés. D’une manière générale, les principes du traitement de la TB-MR/RR chez les enfants suivent ceux recommandés pour les adolescents et les adultes.

Les principes thérapeutiques suivants s’appliquent spécifiquement aux enfants atteints de TB-MR/RR (82, 84) :

  • Les schémas thérapeutiques individualisés doivent être composés d’au moins quatre antituberculeux auxquels l’organisme est probablement sensible. La plupart de ces antituberculeux seront utilisés pendant toute la durée du traitement, mais certains peuvent être utilisés pendant des périodes plus courtes, comme la bédaquiline (dont l’utilisation est recommandée pendant 6 mois) ou le linézolide (souvent utilisé pendant des périodes plus courtes, car il peut provoquer des effets indésirables graves). Les enfants et les adolescents atteints de formes étendues de TB-MR/RR peuvent bénéficier de l’administration d’un cinquième médicament, au moins au début du traitement, la durée dépendant de l’étendue de la maladie, de la réponse au traitement, du nombre et de l’efficacité des médicaments pris de manière concomitante inclus dans le schéma thérapeutique, et du risque d’effets indésirables (voir l’Encadré 5.15).
  • Les médicaments du groupe A et du groupe B doivent être privilégiés dans la construction du schéma thérapeutique, ainsi que le délamanide et les autres médicaments du groupe C (les médicaments du groupe C figurant au Tableau 5.11 sont classés en fonction de l’équilibre entre leurs avantages et leurs inconvénients). 
  • L’inclusion de la bédaquiline dans les schémas thérapeutiques individualisés est recommandée pour tous les enfants, quel que soit leur âge. Les données de pharmacocinétique et d’innocuité sont limitées, en particulier concernant les enfants âgés de moins de 5 ans. La durée standard recommandée du traitement par la bédaquiline est de 6 mois. Chez certaines personnes pour lesquelles il n’existe pas d’autres options (par exemple, en cas de résistance aux fluoroquinolones ou d’intolérance au linézolide), il est possible d’envisager une prolongation de la bédaquiline au-delà de 6 mois, en consultation avec un spécialiste de la tuberculose-pharmacorésistante chez l’enfant et avec une surveillance stricte au moment de la mise en route du traitement et lors du suivi. En 2019, un groupe d’élaboration des lignes directrices a évalué les données probantes disponibles afin de déterminer si la bédaquiline pouvait être utilisée au-delà de 6 mois. Les données étant limitées et pouvant comporter des facteurs de confusion résiduels, le groupe n’a pas été en mesure de se prononcer sur l’efficacité relative de l’utilisation de la bédaquiline au-delà de 6 mois, mais il a pu conclure que cette utilisation était sans danger, à condition que des calendriers de surveillance adaptés soient mis en place. 
  • Le linézolide est un médicament du groupe A qui a été associé à des effets toxiques hématologiques fréquents, en fonction de la dose et de la durée d’utilisation. Son utilisation pendant toute la durée du traitement peut en améliorer l’efficacité, mais la survenue d’effets indésirables peut limiter sa
    durée d’utilisation aux premiers mois (voir la section 5.3.4). Lorsque les options disponibles sont limitées, par exemple dans le cas d’une méningite tuberculeuse causée par une souche de TB-MR/RR ou d’une TB-MR/RR avec une résistance supplémentaire aux fluoroquinolones mais sensible au linézolide, le linézolide peut être poursuivi pendant plus longtemps, par exemple pendant 6 à 9 mois, voire davantage si la survenue d’effets indésirables ne vient pas s’y opposer.
  • Pour tous les enfants quel que soit leur âge, le délamanide constitue une option à ajouter aux schémas utilisés pour le traitement de la TB-MR/RR si l’enfant a une résistance (présumée) aux fluoroquinolones ou une forme grave de la maladie nécessitant le recours à un cinquième antituberculeux. La durée standard recommandée pour le traitement par la bédaquiline est de 6 mois. Les données sur son utilisation au-delà de 6 mois n’ont pas été évaluées par l’OMS. 
  • S’il n’est pas possible de composer le schéma thérapeutique avec un nombre suffisant de médicaments efficaces du groupe A ou du groupe B, l’ajout d’éthambutol et/ou de pyrazinamide peut être envisagé (si la sensibilité à ces médicaments est confirmée par un test de sensibilité chez l’enfant ou le cas source le plus probable). En raison des difficultés de l’interprétation de son test de sensibilité, le recours à l’éthambutol ne doit être envisagé que lorsqu’il a des chances d’être efficace. L’acide p-aminosalicylique est un autre médicament du groupe C qui peut être utilisé chez les enfants et les adolescents lorsque les nouveaux médicaments ne sont pas disponibles ou qu’il est impossible de construire un schéma thérapeutique associant quatre ou cinq médicaments.
  • L’éthionamide/le prothionamide ne doit être utilisé comme médicament supplémentaire qu’en l’absence de mutation inhA (avérée ou présumée). L’éthionamide doit être réservé aux situations où il n’est pas possible d’utiliser des médicaments plus efficaces (par exemple, la bédaquiline, le
    linézolide, la clofazimine) (116).
  • Chez les enfants qui ont une résistance aux fluoroquinolones ou qui disposent d’options thérapeutiques limitées, il est possible d’envisager de prolonger la bédaquiline au-delà de 6 mois et/ou d’associer la bédaquiline au délamanide. Les données obtenues chez l’adulte montrent que l’association de la bédaquiline et du délamanide n’entraîne pas d’augmentation notable des effets indésirables, notamment de l’allongement de l’espace QT (117). Les données sur l’utilisation concomitante de la bédaquiline et du délamanide chez les enfants sont limitées, mais rien ne permet de penser que cette association ne présenterait pas la même innocuité chez les enfants. Lorsque ces deux médicaments sont utilisés ensemble, il est fortement recommandé de surveiller attentivement la survenue d’un allongement de l’espace QT (84).
  • Les médicaments injectables (amikacine, streptomycine) ne doivent pas être utilisés chez les enfants en raison du risque de perte permanente de l’acuité auditive et du fait qu’ils sont mal tolérés. La perte de l’acuité auditive est un effet indésirable grave fréquent des aminoglycosides, avec un impact considérable sur l’acquisition du langage, les capacités d’apprentissage scolaire et le développement ultérieur. L’amikacine peut être incluse dans le traitement des personnes atteintes de TB-MR/RR âgées de 18 ans ou plus qui reçoivent des schémas thérapeutiques longs lorsque la sensibilité a été démontrée et que des mesures adéquates pour surveiller les réactions indésirables peuvent être garanties. Si l’amikacine n’est pas disponible, elle peut être remplacée par de la streptomycine dans les mêmes conditions.
  • La durée du traitement selon des schémas individualisés chez les enfants dépend de la localisation et de la sévérité de la maladie (voir l’Encadré 5.15) ainsi que du nombre de médicaments auxquels la tuberculose en question est résistante (en plus de la résistance à l’isoniazide et à la rifampicine). Chez les enfants atteints d’une maladie non sévère, le traitement peut généralement durer moins de 18 mois. Les enfants atteints d’une forme étendue de la maladie doivent être traités plus longtemps, en fonction de l’évolution clinique, de la localisation de la maladie (par exemple, au niveau des os ou du SNC), du profil de résistance et du nombre de types de médicaments susceptibles d’être efficaces (82).
  • Des formulations adaptées aux enfants doivent être utilisées autant que possible.
  • La surveillance et la prise en charge des effets indésirables sont essentielles.

box 5.15

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