4.4 Considérations liées à la mise en oeuvre

Scénarios

La mise en oeuvre de ces recommandations requiert que le schéma (H)REZ–lévofloxacine soit administré uniquement aux patients chez qui la résistance à l’isoniazide a été confirmée et la résistance à la rifampicine exclue. De préférence, les tests de résistance aux fluoroquinolones (et si possible au pyrazinamide) sont également effectués avant de commencer le traitement. Il est prévu que le schéma thérapeutique pour la tuberculose-Hr s’applique dans les situations suivantes :

  • La tuberculose-Hr et la sensibilité à la rifampicine sont confirmées avant le début du traitement antituberculeux. Le traitement par (H)REZ–lévofloxacine est débuté immédiatement. En cas de forte présomption (par exemple contacts étroits d’un cas source de tuberculose-Hr confirmée), mais que les résultats du DST sont en attente, le schéma peut être introduit. Si les résultats du DST indiquent finalement une sensibilité à l’isoniazide, la lévofloxacine est arrêtée et le patient continue le traitement pour terminer un schéma 2HREZ/4HR.
  • La tuberculose-Hr est confirmée après le début du traitement avec le schéma 2HREZ/4HR. Cela inclut les patients pour lesquels la résistance à l’isoniazide n’a pas été diagnostiquée au début ou qui ont développé cette résistance plus tard alors qu’ils étaient sous traitement avec un schéma de première intention. Dans ce cas, des tests moléculaires rapides pour la résistance à la rifampicine doivent être effectués (ou renouvelés). Une fois que la résistance à la rifampicine a été exclue, une cure complète de 6 mois de (H)REZ–lévofloxacine est prescrite. La durée est déterminée par la nécessité de donner la lévofloxacine pendant 6 mois, ce qui implique généralement que les médicaments associés de première intention soient pris pour une durée supérieure.

Si la résistance à la rifampicine est détectée, le patient doit débuter un schéma thérapeutique pour la tuberculose MR recommandé, tel que décrit dans d’autres sections de ces lignes directrices).

Capacités de diagnostic

L’objectif global du traitement antituberculeux est de parvenir à une guérison sans rechute chez tous les patients, en interrompant la transmission de M. tuberculosis et en empêchant l’acquisition (ou l’amplification) d’une résistance supplémentaire aux médicaments. À l’échelle mondiale, la prévalence de la tuberculose Hr est plus élevée que celle de la tuberculose MR. Par conséquent, tous les pays doivent s’orienter vers des tests universels de résistance à l’isoniazide et à la rifampicine au début du traitement de la tuberculose et garantir une sélection minutieuse des patients éligibles au schéma (H)REZ–lévofloxacine.⁴³ Les capacités de diagnostic minimales pour une mise en oeuvre appropriée de ces recommandations sont des tests moléculaires rapides pour la résistance à la rifampicine avant le début du traitement par le schéma pour la tuberculose Hr et, de préférence, une exclusion de la résistance aux fluoroquinolones en utilisant les tests recommandés par l’OMS.

Les tests moléculaires rapides tels que Xpert MTB/RIF, Xpert MTB/XDR et LPA sont privilégiés en vue de guider la sélection des patients pour le schéma (H)REZ–lévofloxacine (92, 97).

La surveillance de la tuberculose pharmacorésistante indique que la résistance aux fluoroquinolones chez les patients atteints de tuberculose sensible à la rifampicine est généralement faible dans le monde (98). Toutefois, les données nationales sur la prévalence de la résistance aux fluoroquinolones – y compris le séquençage ciblé ou du génome entier pour détecter des mutations spécifiques associées à la résistance aux fluoroquinolones (52) – pourraient orienter les politiques de dépistage lorsque les pays mettent en oeuvre les recommandations relatives au traitement de la tuberculose Hr

Lorsque des résistances supplémentaires (p. ex. à la fois aux fluoroquinolones et au pyrazinamide) sont suspectées ou confirmées, il peut être nécessaire de concevoir des schémas thérapeutiques personnalisés comprenant d’autres antituberculeux de deuxième intention. La revue actuelle n’a pas permet d’obtenir d’autres données sur les schémas efficaces chez les patients présentant une tuberculose polyrésistante.

Le soutien aux patients et un suivi étroit sont nécessaires pour maximiser l’observance du traitement et permettre une détection précoce des patients qui ne répondent pas au traitement (p. ex. ceux pour lesquels la culture ou le frottis restent positifs). En cas de non-réponse au traitement, le DST pour la rifampicine et les fluoroquinolones doit être répété, de préférence avec Xpert MTB/XDR ou LPA. L’acquisition attestée de la résistance à la rifampicine ou à une fluoroquinolone sous un schéma thérapeutique contre la tuberculose Hr devrait alerter le médecin de la nécessité de réexaminer le statut clinique et microbiologique du patient et de modifier le schéma si nécessaire.

La lévofloxacine est proposée comme la fluoroquinolone de premier choix dans le schéma thérapeutique contre la tuberculose Hr pour plusieurs raisons. Tout d’abord, ce médicament a un profil de sécurité mieux défini que celui des autres fluoroquinolones, et la lévofloxacine était la fluoroquinolone la plus fréquemment utilisée dans les études examinées pour ces orientations. Deuxièmement, la lévofloxacine a moins d’interactions médicamenteuses connues avec d’autres médicaments que la moxifloxacine. Par exemple, alors que la concentration plasmatique maximale et l’exposition à la moxifloxacine diminuent de façon significative lorsqu’elle est combinée à la rifampicine (99), ce n’est pas le cas pour la lévofloxacine, probablement parce que cette dernière subit un métabolisme limité chez l’homme et est excrétée dans l’urine sous forme inchangée (100). Troisièmement, bien que la lévofloxacine puisse interférer avec la clairance de la lamivudine, contrairement à la moxifloxacine, il n’y a aucune contre-indication à son utilisation avec d’autres agents antirétroviraux (36).

L’ajout de lévofloxacine au schéma (H)REZ est recommandé chez les patients atteints de tuberculose Hr, à l’exception des situations suivantes :

  • la résistance à la rifampicine ne peut être exclue (c.-à-d. une sensibilité à la rifampicine inconnue, ou des résultats indéterminés ou d’erreur sur Xpert MTB/XDR) ;
  • résistance connue ou suspectée à la lévofloxacine ;
  • intolérance connue aux fluoroquinolones ;
  • risque connu ou suspecté d’allongement de l’intervalle QT ; et⁴⁴
  • si possible, pendant la grossesse ou l’allaitement (pas une contre-indication absolue).

Parfois, la confirmation de la résistance à l’isoniazide arrive tardivement (par exemple à 5 mois dans un schéma 2HREZ/4HR). Dans ce cas, la décision de débuter un schéma de 6 mois de (H)REZ– lévofloxacine dépend de l’état clinique du patient et de son statut microbiologique.

Si la lévofloxacine ne peut pas être utilisée en raison de la toxicité ou de la résistance, le patient peut recevoir le schéma 6(H)REZ comme alternative. En fonction des résultats de l’examen des données pour ces lignes directrices, le remplacement de la lévofloxacine par un produit injectable n’est PAS conseillé. L’examen des données n’a pas permis d’obtenir des informations concernant l’effet d’autres antituberculeux de deuxième intention sur l’efficacité du traitement.

Ajout d’isoniazide

Rien n’indiquait clairement que l’ajout d’isoniazide ait une incidence sur les patients (p. ex. ajouter un effet bénéfique ou un préjudice). Pour la commodité des patients et la facilité d’administration, l’ADF des quatre médicaments HREZ⁴⁵ peut être utilisée pour délivrer le schéma thérapeutique contre la tuberculose Hr en même temps que la lévofloxacine.

L’utilisation de l’isoniazide à forte dose (10 à 15 mg/kg par jour chez l’adulte) n’a pas été évaluée dans cette revue en raison de l’insuffisance de données. Cependant, le GDG a discuté de l’effet de l’augmentation de la dose d’isoniazide au-delà de celle fournie dans les ADF liées au poids, en fonction du type de mutations moléculaires identifiées. Les données in vitro suggèrent que lorsque des mutations inhA spécifiques sont détectées (et en l’absence de mutations katG), l’augmentation de la dose d’isoniazide a des chances d’être efficace ; ainsi, l’augmentation d’isoniazide jusqu’à une dose maximale de 15 mg/kg par jour pourrait être envisagée. Dans le cas des mutations katG, qui confèrent généralement une résistance plus élevée, l’utilisation de l’isoniazide, même à plus forte dose, a moins de chances d’être efficace (101).⁴⁶

Posologie

Bien que l’analyse des DIP n’ait pas fourni de données pour traiter de la fréquence de la posologie, il est préférable d’éviter une administration intermittente ou fractionnée du schéma 6(H)REZ–lévofloxacine (37, 102, 103). En l’absence d’informations complètes sur les doses optimales de médicaments, une posologie liée au poids pour la lévofloxacine est recommandée.⁴⁷

Interactions médicamenteuses

La lévofloxacine peut interférer avec la clairance de la lamivudine (augmentant les niveaux de cette dernière), mais n’est pas contre-indiquée avec d’autres agents antirétroviraux et aucun ajustement de doses de médicament n’est nécessaire (36). La co-administration de la lévofloxacine avec des composés contenant des cations divalents oraux (comme les antiacides) peut nuire à son absorption et doit être évitée (10). Il n’est pas nécessaire de restreindre l’utilisation concomitante des produits laitiers.

Prolongation du traitement au-delà de 6 mois.

La prolongation du traitement au-delà de 6 mois peut être envisagée pour les patients avec une tuberculose étendue ou chez les patients pour lesquels la culture ou le frottis met du temps à devenir négatif(ve). Dans ce dernier cas, il faut exclure l’acquisition d’une résistance supplémentaire à la rifampicine, ainsi que la résistance aux fluoroquinolones et au pyrazinamide, si possible. Ces patients nécessitent une surveillance et un suivi minutieux.

Coût

Aucune analyse coût-efficacité n’a été effectuée pour cette revue. Le tableau 4.1 présente les prix approximatifs pour un traitement complet avec les différents schémas chez les adultes en fonction du prix des produits disponibles auprès du GDF (45). L’utilisation d’ADF, même pour une partie du schéma, réduit les coûts. Les médicaments nécessaires pour un schéma 6 HREZ–lévofloxacine coûtent environ trois fois plus qu’un schéma 2HREZ/4HR quand on utilise l’ADF HREZ. Le traitement de la tuberculose Hr conformément à ces lignes directrices ne devrait pas augmenter les coûts opérationnels de façon significative.

Tableau 4.1. Coûts à titre indicatif des schémas thérapeutiques utilisés pour traiter la tuberculose Hr par rapport au schéma de première intention de six mois pour la tuberculose

Tab-4-1-1

Observance

L’analyse des DIP contenait des données limitées sur les stratégies d’observance du traitement utilisées, telles que le traitement sous surveillance directe et le traitement auto-administré (SAT). Une amélioration des taux de succès thérapeutique semble être associée à un soutien accru des patients, y compris l’aide à l’observance médicamenteuse (par exemple, au moyen de technologies numériques) ou d’autres moyens recommandés par l’OMS (37). Contrairement aux schémas pour la tuberculose sensible aux médicaments et la tuberculose MR, le schéma thérapeutique recommandé pour la tuberculose Hr n’a pas de phase intensive et de phase de continuation, ce qui simplifie la délivrance et le suivi du traitement.

43 L’association entre les antécédents de traitement antituberculeux et la tuberculose Hr est moins forte que l’association pour la tuberculose MR. De ce fait, un traitement antituberculeux antérieur est moins fiable comme indicateur de la tuberculose Hr, c’est pourquoi un diagnostic en laboratoire est important.

44 QT corrigé par rapport à la valeur initiale. Un allongement de l’intervalle QT et des cas isolés de torsade de pointes ont été rapportés. Éviter l’utilisation chez des patients présentant un allongement connu ou avec une hypokaliémie, ainsi qu’avec d’autres drogues qui allongent l’intervalle QT.

45 Bien que la plupart des pays se procurent actuellement l’ADF des quatre médicaments par l’intermédiaire du GDF du Partenariat Halte à la tuberculose, dans les contextes où seule l’ADF à trois médicaments (HRZ) est disponible, l’éthambutol doit être administré séparément.

46 Une mutation isolée katG ou inhA peut correspondre à des niveaux variables de CMI. Cela implique que les mutations inhA n’indiquent pas toujours une faible résistance à l’isoniazide et que les mutations katG ne sont pas nécessairement liées à une résistance élevée à l’isoniazide. Toutefois, la présence des deux mutations indique généralement une résistance élevée (101).

47 Les études incluses dans cette analyse des DIP portaient sur l’utilisation de schémas contenant de la lévofloxacine (habituellement à une dose de 750–1 000 mg/jour), de la moxifloxacine (400 mg/jour) ou de la gatifloxacine (400 mg/jour), ainsi que des fluoroquinolones de première génération (ciprofloxacine et ofloxacine), qui ne sont plus recommandées pour le traitement de la tuberculose pharmacorésistante. La gatifloxacine est actuellement indisponible dans les formulations de qualité garantie et la ciprofloxacine et l’ofloxacine ne sont plus recommandées pour soigner la tuberculose pharmacorésistante.

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